« Colours in the Sun est l’album le plus transcendant, le plus diversifié et le plus effervescent que nous ayons écrit et enregistré. Nos différentes racines se sont rencontrées et nous avons pu créer un son unique sous le soleil australien ».
C’est ainsi que Danny Estrin décrit le septième album de son groupe, et sans en avoir écouté une note, le fan accordera un crédit immédiat à ses propos. Il faut dire que le quintet australien n’a que rarement déçu depuis son apparition à la fin des années 90. Dès le départ, on sentait que les musiciens avaient autre chose à dire, quelque chose de plus qu’un énième soliloque progressif redondant et sans espoir. Pour beaucoup, sa musique à des allures de luminothérapie, de source de bonheur diffuse, de plaisir même pas coupable qu’on partage volontiers avec les non-initiés, comme une cure de jouvence, un ciel bleu dans la grisaille quotidienne ravagée par les nuages old-school et les tempêtes extrêmes. Pour autant, et malgré ces précisions quelques peu abstraites, l’art du combo pour trouver le juste équilibre entre beauté et puissance n’est pas contestable. Si les plus grands orfèvres du genre se sont quelquefois perdus sur les chemins de la complaisance (Devin, nous entends-tu de ta montagne ?), les originaires de Perth ont eux aussi parfois cédé à la tendance de la facilité, tout en soignant des albums qui tenaient la distance du temps. Et en vingt ans, et sept longue-durée, les VOYAGER nous ont entraîné aux confins de leur imagination, transposant le soleil australien dans la noirceur de la vieille Europe, parvenant même à convaincre les américains que la Floride n’était pas l’état de l’hédonisme artistique. Alors, au moment de juger de la pertinence musicale de ce septième né, aucun doute ne vient frapper notre conscience. Nous savons très bien que même dans un mauvais jour, VOYAGER nous offrira un trip intégral vers les étoiles. Enregistré aux Sumo Studios et au Templeman Audio, mixé par Matthew Templeman et masterisé par Simon Struthers, Colours in the Sun est donc une nouvelle bouffée d’euphorie australe, une leçon magistrale de simplicité cachée sous une technique incroyable, dissimulation qui est le propre des plus grands musiciens, qui préfèrent satisfaire qu’impressionner. Mais au-delà de cette constatation qui s’applique à chaque sortie du quintet, c’est surtout la preuve que les barrières de genre tombent les unes après les autres, et que la définition même du mot « Metal » devient de plus en plus floue pour être substituée par la généralité musicale. Et c’est très bien comme ça.
Colours in the Sun est une représentation musicale d’un voyage personnel dans un pays d’adoption.
C’est encore Danny Estrin qui s’exprime, et qui livre son ressenti, lui qui reste le seul membre originel de la formation des débuts. Mais avec un line-up stable depuis 2011 (Daniel Estrin, Simone Dow, Alex Canion, Scott Kay, Ashley Doodkorte), le groupe peut maintenant s’estimer solide, et suffisamment pour offrir des chansons qui profitent du bagage de chacun. C’est ainsi que depuis Ghost Mile en 2017, les choses n’ont pas vraiment changé, et l’approche non plus. On retrouve toujours ce subtil mélange de Metal moderne mais fluide, de Pop complètement assumée au virage rétro, de sonorités synthétiques qui renvoient au meilleur de la New-Wave des années 80, le tout emballé dans un écrin de progressif humble, mais presque parfait. Et il est assez intéressant de constater que ce septième LP sort la même année et dans la foulée d’œuvres majeures comme les derniers OPETH et LEPROUS, puisque les trois groupes partagent le même point de vue sur l’ouverture, l’assouplissement, et le naturel qui prévaut sur la sécurité et l’attente des fans de la première heure. Et en parlant de LEPROUS, nous retrouvons justement Einar Solberg venu taper le duo avec Danny Estrin, sur le magnifique et efficace « Entropy », subtil mélange de MARILLION, Devin TOWNSEND et LEPROUS, et tube autoproclamé de l’album. Quelques petites minutes de plaisir pur, pour deux des chanteurs les plus doués de leur génération, se retrouvant à l’occasion d’un constat : l’époque est plus que jamais au métissage, aux champs du possible vastes, aux inclusions parfois fortuites mais souvent volontaires, et au franchissement des limites. Le Hard-Rock, le Progressif ne sont donc plus ces genres figés qui devaient respecter des codes précis, mais bien des extensions musicales comme les autres, perméables aux influences extérieures. De fait, Colours in the Sun est soft, plus que la moyenne de la production actuelle, ce qui ne l’empêche pas parfois de céder quelques pouces à la puissance, lors d’un gigantesque « Reconnected », qui unit sans le vouloir FEAR FACTORY, Steven WILSON et CARPENTER BRUT. Tour de force ? Non, simple personnalité d’un groupe qui accepte d’autres possibilités, et qui ne voit que son intérêt artistique dans le crossover global.
VOYAGER s’est toujours vu comme le groupe le plus coloré de la dimension Progressive. Et leur spectre lumineux semble s’être encore élargi, atteignant aujourd’hui une sorte de plénitude mélodique absolue, comme le démontre l’entame « Colours ». Rythmique d’une précision et d’une sobriété incroyables, synthé qui n’hésite pas à s’inviter au premier plan, sans pour autant faire de l’ombre à la puissance d’une guitare presque Djent, mais aux motifs totalement accrocheurs. La voix de Danny est toujours aussi pure, refusant les effets de facilité, et servant les mots plutôt que l’inverse. Le message, toujours positif, est mis en relief par une bande-son en forme de lien passé/présent, avec toujours ces clins d’œil au synthétisme 80’s. Soundtrack d’une love-story entre un groupe et son pays, entre des fans et une musique, Colours in the Sun refuse le pessimisme ambiant, et nous entraîne dans le désert australien, dans le centre-ville de Perth, à la recherche de réponses, et de certitudes. « Severomance » évoque le DURAN DURAN des années 90, mais aussi DREAM THEATER, PERIPHERY, et ces soirées passées entre amis à disserter sur la vie et les espoirs encore vivants, nous agitant de pulsions Metal pour mieux apprécier les éclats de rire Pop qui ne sont parfois pas sans rappeler IQ. A ce titre, la première moitié du LP est d’une exactitude rare. Tous les arrangements sont en place, les parties de chacun mesurées avec précision, et si les débordements de clavier de « Brightstar » feront se dresser les épaisses tignasses des metalleux les plus réfractaires à l’instrument, ils caresseront les tympans de ceux qui acceptent les modulations, les sinuosités, les grands espaces et les endroits plus intimes et confinés. Faux rythme, asymétrie, tout y passe et suggère un Post Rock apaisé mais ferme, avec des harmonies vocales doublées au synthé qui lubrifient la mécanique du plaisir. Difficile certes de faire se sentir concernés les plus extrêmes, mais qui ne blêmirait pas à l’écoute de « Saccharine Dream », rêve en technicolor, dégoulinant de souplesse et renfermant pourtant des parties rythmiques puissantes ?
Je ne me prononcerai pas ici sur la qualité de ce septième LP par rapport aux six précédents. Je laisserai le temps faire son office, j’admettrai que sur les quarante minutes, tout n’est pas encore irréprochable, et que certains morceaux marquent le pas sur la fin. Mais même en mode simplissime, VOYAGER séduit (« Sign of the Times », archétype de New-Wave song travestie en exploit technique), VOYAGER sublime (« Runaway », du Mike Rutherford, du A-HA, mais aussi du Devin), et finalement, VOYAGER colore. « Colore le monde, sans feutre, sans épreuves ni bombes » disaient les INNOCENTS. Qu’ils aient toujours les mains pleines, pourvu que nos yeux voient toujours ces sons en arc-en-ciel.
Titres de l'album :
01. Colours
02. Severomance
03. Brightstar
04. Saccharine Dream
05. Entropy
06. Reconnected
07. Now or Never
08. Sign of the Times
09. Water Over the Bridge
10. Runaway
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
19/11/2024, 21:57
J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
14/11/2024, 09:20
J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.
11/11/2024, 16:15