Sept ans sans avoir de nouvelles d’un groupe que l’on a apprécié, c’est si long qu’on finit par oublier qu’on l’a connu. C’est la mésaventure qui m’est arrivée ce matin en tombant sur le troisième album de REANIMATOR, qui m’a obligé à fouiller dans les archives de mes chroniques pour raviver son propre souvenir. Mais une petite voix dans ma tête me disait que j’avais déjà rencontré ce quatuor au détour d’une crise Thrash et finalement, ma mémoire a refait surface pour me rappeler l’enthousiasme dégagé par Horns Up, deuxième du nom auquel j’avais accordé une note plus que correcte.
Niveau précision, encore une fois : ce REANIMATOR n’est pas anglais mais canadien et son nom s’écrit sans tiret. Sa date de naissance faisant la différence, impossible de le confondre bien longtemps avec son homologue anglais, responsable d’un excellent Deny Reality il y a quelques décennies. Ce quintet originaire de L'Assomption, au Québec dévoile donc ses intentions au compte-gouttes, et laisse systématiquement passer six ou sept ans entre chacun de ses albums, ce qui a pour effet de les effacer de l’actualité avec une régularité confondante. Mais heureusement, chaque retour se fête autour d’un Heavy Thrash solide et compétitif, ce qui permet de les excuser et de les absoudre de tout péché de fainéantise.
Cette dernière livraison est donc une surprise, et plutôt bonne. A l’inverse de RAZOR qui a joué l’économie après une absence de plus de vingt ans, Fred Bizier (basse), Francis Labelle (batterie), Joel Racine (guitare), Patrick Martin (chant) et Philippe Lemire (guitare et dernier arrivé) se sont trituré les méninges pour retrouver l’impulsion magique de Horns Up, et nous en offrir une suite digne de ce nom.
Enregistré, mixé et masterisé par Jef Fortin au Badass Studio, Commotion est la baffe qu’on attendait de prendre en pleine face, et sonne effectivement méchamment badass, tout en restant classique dans le rendu. Quel plaisir de retrouver ces mid tempi méchants comme des teignes et ces accélérations fumasses, cette voix rauque à la limite de l’apoplexie, et ces duels de guitares en riffs majeurs, le tout agencé de façon traditionnelle, mais efficace comme un coup de poing californien des années 1988/89.
Entre classicisme revendiqué et modernisme léger, ce troisième album fait honneur à son rang, et balaie les scories non sous le tapis pour les planquer, mais bien par la fenêtre. Pas de place au remplissage ou aux facilités les plus évidentes, le quintet frappe le plus fort possible, mais dévoile un jeu de jambes fluides et rapide, et une aisance naturelle au moment d’agencer des idées formelles, mais efficaces. On s’en prend plein la nuque en soufflant « Commotion », qui en effet laisse de sales traces sur l’organisme et quelques bleus, mais on suffoque aussi sous la moiteur d‘un mid aussi pertinent que « Burnt By The Witch ».
En sept ans, REANIMATOR n’a rien perdu de cette capacité à réveiller les morts d’un glaviot Speed/Thrash à la EXODUS piqué par des puces (« Terry Fire »), ou à se souvenir de ses racines francophones pour ruer dans les brancards du Québec (« L'Appel Du Vide », pure tuerie fast qui met en relief le jeu fluide et concis de Francis Labelle). Et de fil en aiguille dans le bras, on se rend compte que le tracklisting de ce nouvel album frôle la perfection dans le style, en évitant très intelligemment de se contenter d’un fumet vintage prononcé. REANIMATOR ne rentrera pas dans les rangs d’un Sephora Thrash générique, et affirme son parfum unique, et Ô combien persistant.
En savourant la moindre piste, on se rend compte du fossé qui sépare REANIMATOR de ses aînés de RAZOR. Ici, on se creuse un peu plus le ciboulot pour éviter la rodomontade d’une réputation immaculée, et on cherche encore à prouver la validité de sa démarche en osant la créativité dans la tradition. Rien n’est gagné d’avance, et REANIMATOR le sait, tirant ses meilleures cartouches pour une chasse aux hérétiques qui considèrent encore qu’une meute de chiens californiens ou allemands des années 80 suffit à rabattre le gibier des fans.
Et il est impossible de ne pas craquer en écoutant le mortel « Necronomicunt », jeu de mots plus ou moins habile sur charge Speed monstrueuse, ou de se décoiffer en subissant la montée dans les tours du massacre « Anti-Sobriety », appel à la conduite en état d’ébriété pour tester les nerfs d’un passager un peu trop sensible. La ballade prend des allures de go-fast, avec un moteur vrombissant et cachant un certain nombre de chevaux, capable de tenir le rythme d’un « Wretched Affliction », à la limite d’un Techno-Thrash de première division, ou de négocier les virages en épingles (« Heads Or Tails », rageur à souhait).
Il y a sept ans déjà, je soulignais le talent d’un groupe qui selon moi, se détachait de la masse grouillante des suiveurs sans imagination ni ambition. En 2022, je récidive, et vous invite à découvrir un pur album de Thrash épais et conséquent, truffé d’idées addictives, et rempli de pièges en BPM affolés (« Out For Justice »). Bravo donc aux canadiens qui donnent une bonne leçon aux élèves du fond de la classe, mais aussi aux maîtres se reposant sur leurs lauriers.
Tiens, j’irai plus loin : il y a de grandes chances que Commotion se glisse dans mon classement de fin d’année. Ça vaut ce que ça vaut.
Titres de l’album :
01. Commotion
02. The Ditch
03. Burnt By The Witch
04. Terry Fire
05. L'Appel Du Vide
06. Necronomicunt
07. Anti-Sobriety
08. Wretched Affliction
09. Heads Or Tails
10. Out For Justice
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