Le groupe de Metal suédois le plus sous-estimé.
En même temps, il me semble que la plupart de la production suédoise est surestimée. Vénérée depuis plus d’une quinzaine d’années pour la suprématie insolente qu’elle exerce sur la production mondiale, l’industrie musicale de Suède se repose souvent sur ses lauriers old-school, recyclant avec panache des recettes datant des années 80, en y ajoutant une touche 2K de synthétisme et de Synth-Pop brillante. Alors, évidemment, inutile de nier que les suédois sont doués, comme les norvégiens, et que ce petit pays est le plus productif proportionnellement, bien plus que les USA, que l’Allemagne ou l’Angleterre. Et alors que dans les années 70, un allemand sur deux était joueur de football, deux suédois sur trois sont des musiciens, ce qui devient problématique au moment de faire le tri dans leurs exportations. Mais une fois n’est pas coutume, la Suède se souvient de son passé brutal et nous offre sur un plateau les GRAND HARVEST.
Le groupe de Metal suédois le plus sous-estimé.
Je ne connais évidemment pas l’intégralité des groupes de la scène nationale, mais il semblerait que ces cinq-là puissent s’y faire une place notable. D’abord, parce qu’ils ont bien roulé leur bosse du côté de Malmö chacun de leur côté, ensuite, parce qu’ils ont essayé plusieurs configurations avant de trouver la bonne. Celle qui assemble donc les talents de Dr. Häll (chant), F.S. & A.L. (guitares), N.N. (basse) et R.M. (batterie), qui ensemble, nous proposent ce premier jet, qui a de sérieuses allures de copie définitive.
Consummatum Est - c’est fini - alors même que l’aventure ne fait que commencer. Est-ce à dire que ces gens-là sont pessimistes, qu’ils ont un plan bien écrit, ou qu’ils jugent la situation mondiale suffisamment tragique pour savoir que la fin est déjà là ? En écoutant leurs morceaux aussi violents que résignés, on est en droit de se dire que l’avenir sent au moins aussi mauvais que le présent. Grandiloquence en gravité, lourdeur épidermique, morosité atavique d’une ancienne génération coincée dans un hiver perpétuel, pour une litanie en Death/Doom majeur qui se veut plaisir mineur…mais fameux.
GRAND HARVEST fait partie de ces groupes qui ne se contentent pas de la lancinance et de la répétition pour imposer leur point de vue. Et surtout, qui transcendent leurs influences pour créer leur propre son. A la manière d’un PARADISE LOST de jeunesse, d’un OPETH des débuts, ou d’un MY DYING BRIDE moins obsédé par les mouchoirs, d’un KATATONIA moins romantique que morbide, Consummatum Est explore les possibilités de la théâtralité dans le message musical, et nous impose un tableau assez fascinant, aux détails riches, qui concernera autant les amateurs de Death ouvert que les fondus de Doom plus léger que celui obligeant à racheter du doliprane et du Deroxat.
Il n’y a bien sur rien de vraiment innovant sur ce premier album, mais on note un savoir-faire assez bluffant dans l’agencement des idées. Plus gothique que macabre, à des miles de l’inspiration américaine la plus putride, GRAND HARVEST envisage les choses sous l’angle européen des théories, et plaque de gigantesques riffs majestueux sur une rythmique mouvante. Ici, la répétition n’est pas un argument, mais une fatalité. A vouloir instaurer des atmosphères déliquescentes, on est condamné à répéter le même thème plusieurs fois, durant de longues minutes, mais on n’exagère jamais. Ainsi, même si « No Paler a Horse » piétine les sept minutes, le temps passe très vite car le quintet à le flair d’alterner les séquences, sans trahir son fil rouge. Argument qui est d’ailleurs promotionnel, ce qui en dit long sur son acuité.
« As the Vultures Descend » de son côté, évoque à merveille le vol descendant de vautours qui s’amoncèlent près d’un cadavre, se nourrissant de sa charogne et respectant ainsi le cycle de la vie. Parfois plus simplement Heavy musical mais empesé que Death/Doom rude, Consummatum Est considère donc la fin comme un nouveau début, et évoque donc plusieurs sentiments et situations, loin d’un immobilisme ténébreux prévisible.
Ce qui nous donne des accès de colère purement suédois, rappelant la magie des studios Sunlight (« Crowns to Ashes – Thrones to Dust »), et des montées en puissance impressionnantes de finesse et d’intelligence évolutive (« My Desolate Sea », le point d’orgue du concept). Sachant se montrer efficace et cohérent lorsqu’il le faut (« Fatehammer », et ses faux airs de CARCASS), ou au contraire ample et démonstratif (« Consummatum Est », superbe clôture lyrique noire comme une nuit de deuil), GRAND HARVEST signe un premier album varié dans la cohérence, et versatile dans la logique.
Le groupe de Metal suédois le plus sous-estimé.
Je ne saurais valider cette assertion, en restant objectif, mais il est certain que GRAND HARVEST est l’un des nouveaux groupes suédois qui mérite le plus d’attention.
Titres de l’album :
01. Sol Maledictor
02. The Harrow
03. No Paler a Horse
04. As the Vultures Descend
05. Crowns to Ashes – Thrones to Dust
06. My Desolate Sea
07. Fatehammer
08. In Memoriam – Magnus Invictus
09. Consummatum Est
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