Contagion of Despair

Self Hypnosis

21/08/2020

Svart Records

L’affaire s’engageait sur un terrain glissant. Triant mes courriels pour tenter d’y dénicher une nouveauté digne d’intérêt, je tombe sur l’article d’un nouveau groupe proposant une forme progressive de Doom. N’étant pas spécialiste de la chose et présentant des symptômes d’aversion prononcés envers le genre, je constatais les dégâts et remarquais une durée déraisonnable de soixante-dix-sept minutes pour…sept morceaux. J’étais donc prêt à laisser couler le bébé Doom avec l’eau du bain des mails promo, lorsqu’un détail attira mon attention : le parrainage d’un des labels que je respecte le plus, Svart Records. La maison de disques n’ayant jamais fait preuve de fourberie à mon égard, j’accordais plus d’attention au produit en question, et glissais la première piste entre mes oreilles. Pourtant conséquente avec ses quasi quatorze minutes, « Contagion » me fascine immédiatement, et je me rends compte que l’étiquette Doom est décidément trop restrictive pour ce projet. J’insiste avec le plus court « Empowered (Restricted) », et réalise que SELF HYPNOSIS est beaucoup plus qu’un simple groupe Doom aux litanies interminables et aux pleurnicheries funèbres. Et en jetant un coup d’œil à la bio du projet, je note quelques noms fameux et une ambition décidément plus grande qu’un simple étalage de plans SABBATH/CANDLEMASS/TROUBLE usés jusqu’à la corde de pendaison, lorsque le groupe cite ses influences et nomme DEATH, THE PRODIGY, YES, GENESIS, GODSPEED YOU! BLACK EMPEROR, GODFLESH, MINISTRY, MELVINS, AKERCOCKE, LAIBACH ou YOB. De quoi alimenter mon imagination et faire accepter à mes tympans le fait de s’avaler des morceaux d’un quart d’heure sans avoir peur de perdre marteau et enclume. Et grand bien m’en a pris, puisque Contagion of Despair est une véritable bombe, méritant son titre sans nous engluer dans les marais de la commisération forcée et un peu exagérée.

Dans les faits, SELF HYPNOSIS est un nouveau projet monté par des musiciens rodés. Né de l’imagination fertile de Kris Clayton, leader de CAMEL OF DOOM, Contagion of Despair n’est en fait qu’un assemblage de morceaux qui auraient dû constituer l’ossature d’un cinquième album du concept, avant que Kris ne se rende compte que l’orientation musicale n’était pas compatible avec l’éthique. Désirant quand même exploiter ses chansons, le musicien se mit en quête de nouveaux partenaires pour exploiter le filon, et proposa un partenariat à Greg Chandler, membre des légendaires ESOTERIC, mais aussi producteur et ingé-son réputé. Le tandem fraîchement formé désirant compléter son line-up, Tom Vallely fut engagé pour frapper ses fûts en tant que musicien de session, sa réputation au sein de SANCTUS NEX, LYCHGATE, ou TERRESTRIAL parlant pour son talent. Une fois complétée, la formation put se mettre au travail et peaufiner les idées de Kris, pour finalement accoucher de cette œuvre éléphantesque qu’est Contagion of Despair. Sept morceaux, quatre d’un quart d’heure ou plus, trois interludes plus brefs, un son gigantesque, une puissance à faire glisser les plaques tectoniques et à replacer la Californie près du Japon, pour un album qui titille le Doom sans jamais glisser dans ses abimes de désolation.

Après une écoute synthétique de l’ensemble du répertoire, un nom se dégage, celui de NEUROSIS, alourdi d’une charge d’un MASTODON encore plus créatif qu’à l’ordinaire, le tout dopé aux stéroïdes d’un Death pas forcément avoué, mais criant en arrière-plan. Basant leurs attaques sur des plans de guitare monolithiques et une dualité vocale vraiment probante, le concept anglais souffle sur les braises d’un Metal franchement massif, complètement hermétique, et pourtant généreux dans sa redistribution électrique. On retrouve en effet des approches plus électroniques, qui valident les parallèles Indus avec MINISTRY, notamment sur le plus bref et costaud « Scandal ». Mais si l’une des raisons de la force de SELF HYPNOSIS réside dans sa versatilité, la véritable cause de ce succès est sa créativité dans le classicisme, qui oppose le Doom de papy au Post Hardcore du fiston. On s’en rend assez rapidement compte en encaissant le puissant uppercut de « Contagion », qui ressemble à s’y méprendre à une réappropriation du répertoire de TERRA TENEBROSA par un groupe de Death Metal de l’est. Les bruitages sont assourdissants, les lignes vocales saignent de l’âme sans verser dans la complainte larmoyante et pénible, et les guitares, fondues dans le décor des arrangements créent des strates de sons hypnotiques. C’est massif, gigantesque, et pourtant tous les détails se perçoivent, de ce rythme qui décélère discrètement à ces mélodies maladives cachées dans le magma, en passant par ces transitions intelligentes qui font évoluer la progression sans la dénaturer. Mais autant l’avouer, le tout est effrayant, comme une tempête qui s’approche et commence à faire craquer la maison.

On pourrait faussement croire que les compositions les plus longues forment le réel pivot de l’œuvre, mais c’est l’œuvre elle-même dans sa complétude qui en est le support. Les inserts sont loin d’être anodins, et ne servent pas que de tremplin aux morceaux développés. Ainsi, l’acidité d’outre-tombe légèrement Stoner de « Leeches » prépare merveilleusement le terrain au long épilogue « Succumbed ». Sa soudaine cassure centrale et sa reprise digne du NEUROSIS des grands jours (la voix criarde ressemble d’ailleurs beaucoup à celle de Scott Kelly) amène doucement l’auditeur à se préparer au cauchemar final, et sa percussion globale nous sort de notre état de torpeur sans renoncer à appuyer sur nos névroses sonores les plus profondes. Et lorsque les premières notes apaisées du monstre « Succumbed » résonnent, nous sommes préparés à tout affronter. Après une longue intro étrange mais apaisante, le titre se révèle dans toute sa magnificence de gravité, et nous écrase de sa mélancolie morbide. Mais en insufflant à chaque plan écrasant une respiration mélodique, les anglais nous évitent la trajectoire rectiligne et déprimante du Doom anglais de tradition, continuant le travail d’élaboration d’un Post-Doom aux relents Hardcore. Les sons sont étudiés, les rythmiques travaillées, et la dualité vocale fonctionne à plein régime d’une schizophrénie létale. Certes, « Divided » nous avait déjà plus ou moins présenté les arguments du trio, avec ce piano économique en intro classique qui pendant près de trois minutes nous entraîne sur un faux chemin, avant de nous ramener vers le bon en utilisant des recettes connues des amateurs de MY DYING BRIDE ou KATATONIA. Et avec ce splendide solo digne d’OPETH, SELF HYPNOSIS s’inscrit dans son époque, refusant le statisme de son histoire anglaise, pas forcément la plus merveilleuse déjà contée.

Cri de désespoir intelligent et cathartique, Contagion of Despair est en effet un mal-être qui se répand comme un virus hautement contagieux, mais un virus qui loin d’endormir à jamais, ouvre les yeux sur une réalité musicale concrète. Un voyage aux confins de la douleur, un pansement imbibé d’alcool de l’âme, et plus simplement, un LP gigantesque aux couches épaisses qui révèle un noyau terrestre terrain de jeu de créatures bien plus intelligentes que nous autres.                      

                                      

Titres de l’album :

                     01. Contagion

                     02. Empowered (Restricted)

                     03. Omission

                     04. Scandal

                     05. Divided

                     06. Leeches

                     07. Succumbed

Site officiel

Facebook officiel


par mortne2001 le 16/08/2020 à 18:25
88 %    1116
Derniers articles

Great Falls + Kollapse

RBD 04/05/2025

Live Report

Chaulnes MÉTAL-FEST 2025

Simony 27/04/2025

Live Report

Star Rider/Blaze Bayley

mortne2001 24/04/2025

Live Report

LOUDBLAST : 40 ans de carrière !

Jus de cadavre 20/04/2025

Vidéos

Big Brave + MJ Guider

RBD 12/04/2025

Live Report

Becoming Led Zeppelin

mortne2001 09/04/2025

Live Report

Klone

RBD 08/04/2025

Live Report

Dr. Feelgood

mortne2001 29/03/2025

Live Report

1000Mods + Frenzee

RBD 24/03/2025

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
RBD

@ Oliv : Montpellier étant une ville et une agglomération plus petite que Lyon, il n'y a véritablement de la place que pour deux petites salles orientées Rock-Metal-Punk-etc, à ce qui me semble après vingt-cinq ans d'observation. Au-delà,(...)

06/05/2025, 20:29

MobidOM

"Death To All", à chaque fois que je les ai vu ils avaient un line-up tout à fait légitime (dont une fois tous les musiciens qui ont joué sur "Human", à part Chuck bien sûr)Et puis la phrase "Chris Palengat pr(...)

06/05/2025, 20:28

RBD

Je ne vois pas beaucoup l'intérêt, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas attendu les trente ans de l'album l'an prochain. Ces dernières semaines je me retape les premiers, et ça reste un bonheur.

06/05/2025, 19:29

Caca

line-up de clodos

06/05/2025, 18:18

SALMIGONDIS

Vénérant ces albums et n'ayant jamais vu la vraie incarnation de Massacra, hors de question de louper ça (si ça passe à portée de paluche, pas à Pétaouchnok). Un peu comme un "Death To All"...  

06/05/2025, 17:11

DPD

Ils sont juste trop faux-cul pour assumer le statut de tribute band, voilà tout.

06/05/2025, 16:15

DPD

Bhen c'est écrit dans la news, les 3 premiers albums.

06/05/2025, 16:14

LeMoustre

A voir quel contenu sera proposé 

06/05/2025, 15:42

DPD

Si je comprends bien il n'y a qu'un seul membre d'origine ? et évidemment que c'est un tribute band, comment l'appeler autrement. à ce point autant commencer un nouveau groupe avec un clin d'oeil, pour affirmer une certaine continuité. Faut assum(...)

06/05/2025, 05:51

Moshimosher

Perso, je suis plutôt preneur ! Reste plus qu'à espérer que ce soit à la hauteur de mes attentes !(Faut bien avouer que même si je suis fan de l'album Sick, mon préféré reste Enjoy the Violence ! Quelle tuerie absol(...)

05/05/2025, 23:34

La Boca

J'ai eu la chance de les voir il y quelques semaines dans une salle stéphanoise chauffée  à blanc et je peux vous dire qu'on va entendre parler de ces garagnats dans le monde entier !!!! Du grand art .

05/05/2025, 18:16

Humungus

Il était temps...

05/05/2025, 09:15

Oliv

Après j'ai 50 balais et je ne vais plus trop a des concerts ou festival et pourtant j'ai le sylak a 10 minutes de chez moi mais ce n'est plus ma  tasse de thé et désintéressé de la scène actuelle et l'ambiance qui ne me correspond(...)

04/05/2025, 12:35

Oliv

C'est très surprenant car Montpellier est bien connu pour être étudiant , dynamique et jeune . Je ne comprends pas ces difficultés car je ne maîtrise pas tout alors qu' a l'inverse dans la région Lyonnaise où je suis , c'est plut&oci(...)

04/05/2025, 12:25

Simony

Moi j'y serai !Avec les copains de Sleeping Church Records, on sera sur place !

04/05/2025, 09:55

RBD

Je l'ai essayé, alors que je n'écoute plus Benediction depuis beau temps. Ce sont des vétérans et le retour de popularité du Death vieille école leur vaut une certaine popularité, qui n'est pas volée au regard de cette long&ea(...)

03/05/2025, 22:39

DPD

T'as même pas le courage de dire que c'est un comportement typique de la population noire américaine, ce qui n'a aucun rapport ici.

03/05/2025, 21:41

DPD

Je précise ne rien avoir avec ce dénommé Caca qui semble péniblement tenter mon style pour faire fureur dans les commentaires. Vous manquez de style et de fond, cher Caca !Je suis top nazi ici et je vais pas laisser ma place à la médiocrité (...)

03/05/2025, 21:36

DPD

Oui c'est tellement américain cette histoire, je juge même c'est tellement un autre monde. Mais il semblerait qu'il ait, c'est peu dire, dépassé les bornes.

03/05/2025, 21:31

Caca

En France, sa mère serait tout sourire sur un cross volé devant les caméras en train de dire "qui n'a jamais fait un refus d'obtempérer".

03/05/2025, 19:37