Cowards

Badguyswin

10/04/2020

Autoproduction

Désolé, mais j’ai toujours eu beaucoup de mal avec le terme « Grunge », inventé de toutes pièces par une presse qui ne peut s’empêcher de labelliser tout ce qu’elle ne connaît pas. De plus, le terme est devenu péjoratif avec le temps, désignant des musiciens fagotés comme l’as de pique jouant une musique qui s’est vue désignée comme le fossoyeur du Rock tape à l’œil des eighties que j’aimais tant. Alors quand un agent se pointe à moi avec ce terme en étendard pour défendre l’un de ses poulains, je reste sur ma méfiance naturelle avant de savoir ce qui m’attend. Et ce qui m’attendait en l’occurrence était un quatuor canadien à l’aise dans ses baskets et avec l’héritage des nineties qu’il semble avoir assimilé à la perfection. Mais ne parlons pas de Grunge s’il vous plaît, même si les références de ces quatre musiciens s’y affilient de facto. Né du désir de trois potes de longue date de proposer une musique différente de celle qu’ils jouaient depuis un moment, BADGUYSWIN est plus une affaire de passion et de sincérité qu’un énième dossier Post Grunge à ranger sur le bureau. C’est ainsi que trois membres du combo extrême et technique SLAGDUSTER ont décidé de simplifier leur approche pour proposer une digression sur un vieux thème, un thème populaire, pas désagréable qui trouve ses racines dans la poussée de l’arbre alternatif de 91/94, et qui a trouvé sa concrétisation en avril dernier avec la parution d’un premier album aux contours assez nets et à la démarche honnête. Voici donc un quatuor de musiciens fort sympathiques (Shane Sherman - guitare/chant, Zak Waterlow - batterie, Joe Northcott - basse et Eddie Bitzan - guitare) qui nous présentent le fruit de leurs réflexions sur un premier LP débordant d’énergie simple, qui dans les faits se rapproche des premiers méfaits de nos 7 WEEKS, avec cette tendance à la spontanéité qui se passe très bien d’étiquettes.

Grunge, OK, mais pourquoi pas du Hard Rock des nineties tout simplement ? Car c’est peu ou prou ce que nous découvrons sur ce Cowards, qui sans faire preuve d’un courage démesuré dans la prétention de composition, s’impose de sa fraîcheur et de son allant. Si la boîte de promo des mecs destine ce LP aux fans de HIGHER POWER, NIRVANA, QUEENS OF THE STONE AGE, CLUTCH, SOUNDGARDEN, ALICE IN CHAINS, voyez ça comme un argument publicitaire destiné à attirer l’attention, puisqu’on ne trouve pas grand-chose de ces références dans la musique des canadiens. On peut à la rigueur y dénicher un peu de QOTSA en fouillant bien, mais plus dans le fond simple que dans la forme brute, mais il est inutile de vouloir à tout prix comparer les BADGUYSWIN à un modèle fameux ou un schéma célèbre. Ils sont ce qu’ils sont, et c’est très bien comme ça, un peu nonchalants sur les bords, un peu gouailleurs, détendus, assument leurs penchants dans une courte déclaration qui remet le Grunge sur le tapis, mais qui occulte les deux points forts de la formation. Son habileté rythmique, et son penchant pour les refrains mélodiques qui restent dans la tête. C’est manifeste assez rapidement, dès le premier titre en fait, ce « Like A Sailor » qui met la pêche et qui use d’un mid tempo générique très en vogue il y a trente ans. Le chant particulier et un peu détaché peut faire penser une version chemise à carreaux d’un Ozzy en rupture de Heavy, mais l’instrumental en arrière-plan fait la part belle aux riffs francs et instinctifs,  et la rythmique abat un beau boulot syncopé pour nous maintenir en haleine. Du Rock qui se danse ? C’est presque l’optique, mais en tout cas, un Rock joyeux, loin des complaintes sourdes et sombres d’ALICE IN CHAINS ou de la Pop déguisée en Punk de NIRVANA.

Il n’est pas difficile de comprendre que les canadiens ont souhaité se faire plaisir en enregistrant cet album. Tout respire la bonne humeur et la joie de jouer une musique simple et percussive. Ce qui n’empêche pas Cowards de sonner très pro, et d’imposer une production sobre mais efficace. La technique sous-jacente permet aux instrumentistes de tricoter des plans rythmiques denses, soudainement propulsés par des refrains fédérateurs et euphoriques, à l’image de « Lowlifer », contagieux comme un tube de l’été 93. Grosse basse distordue, thèmes en gimmicks, méthode éprouvée pour nous mener sur les chemins d’un NOMEANSNO simplifié, trempé dans une tasse de café tiède MELVINS (« Honey Bucket »). On aime évidemment cette exubérance légèrement retenue pour ne pas sombrer dans la gaudriole musicale, et on se laisse happer par ce vortex qui arrête le temps à une date plus ou moins précise, tout en citant les MILK, ALICE DONUT et d’autres dignes représentants de l’underground (« Fly On The Wall »). Plaisant, pas dérangeant, une récréation en mode mineur mais traitée avec le respect dû à l’auditeur, et surtout, la politesse de ne pas proposer x chansons similaires pour boucher les trous. Certes la cohérence sert de fil rouge, mais avec des ralentissements, quelques assombrissements, des touches un peu plus Heavy, le quatuor sait mener sa barque, et nous délivre un message pluriel de passion universelle (« Coal »). On pense un peu parfois à JESUS LIZARD, en moins torturé, mais les cinquante minutes passent très vite en bonne compagnie, spécialement lorsqu’un peu d’émotion filtre à travers les persiennes (« August 8th », l’un des rares titres que SOUNDGARDEN aurait pu faire sien).

« Needle Beach », illustré d’une vidéo très rigolote se démarque comme le hit de l’album, en moins de trois minutes, mais Cowards se dispense très bien de tête de gondole, puisque sa cohésion lui suffit. On aurait pu demander à ce que quelques minutes soient expurgées parfois, mais ne faisons pas la fine bouche. Le tout tient debout, grâce aux riffs malins de Shane Sherman, jamais avare d’une saccade ou d’un délié bien gluant, et ce premier LP des BADGUYSWIN prouve que parfois, les méchants gagnent à la fin, pour peu que leurs desseins ne soient pas trop néfastes. Ici, on est là pour faire du bien, pour jouer un Rock facile mais souligné d’une technique certaine, et si le tout s’envisage comme un plaisir mineur, il en ressort une sensation de plaisir majeur.  

               

Titres de l’album :

01. Like A Sailor

02. Lowlifer

03. Honey Bucket

04. Lying To Myself

05. Between Hook And Hole

06. Fly On The Wall

07. Coal

08. August 8th

09. Needle Beach

10. Legends Of The Wheel

11. Under It All

12. Central


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par mortne2001 le 30/07/2021 à 18:09
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Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête. 

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