Crestfallen Dusk

Crestfallen Dusk

14/07/2022

Folkvangr Records

Contrairement à d’autres déclinaisons du Metal, le Black est très perméable aux expérimentations avant-gardistes. Il faut dire que le genre n’a pas vraiment de fil conducteur ou d’éthique rigide, et peut donc se permettre à peu près tout, du moment que l’esprit soit respecté. Et cet esprit est animé par un sentiment de violence, de misanthropie, et de liberté créative absolue. De là, perméabilité classique, ambitions progressives, utilisation d’instruments hors contexte (dont le saxo est évidemment le héros), déviations Noisy et jazzy, pure noise, j’en passe et des moins évidents. Et en écoutant le premier album des américains de CRESTFALLEN DUSK, on ne peut qu’être fasciné par cette volonté de traiter le folklore local sous le prisme de la bestialité la plus froide. Mais à vrai dire, après quelques recherches de renseignements, on n’est pas surpris outre mesure de ce résultat et de cette réussite.

Pourquoi ?

Parce que CRESTFALLEN DUSK est le nouveau projet monté par le guitariste/bassiste/chanteur/auteur/compositeur Ryan Clackner, membre pivot de PRIMEVAL WELL, autre concept du même acabit. L’homme s’est donc fait plaisir en créant un nouveau projet de toutes pièces, désireux de s’éloigner quelque peu de ses influences Folk habituelles. Et si le résultat n’est pas si éloigné que ça de son imagination usuelle, on note quelques différences qui justifient la naissance de ce nouveau bébé, lui aussi obnubilé par la culture du Tennessee et la puissance du BM moderne.

Entouré par Sean Meyers à la batterie, épaulé par Zac Ormerod pour les textes, et soutenu par deux labels (Moonlight Cypress Archetypes et Folkvangr Records), CRESTFALLEN DUSK/Ryan Clackner nous propose donc sa première œuvre, constituée de six chapitres de durée élargie, et une nouvelle porte de sortie qui évite d’emprunter les sempiternels chemins nordiques. Mais les non-initiés, les étrangers à cette cause et plus simplement, ceux ne connaissant pas Ryan seront immédiatement effrayés par « Beneath the Cool, Calm Soil », intro en mode Folk/Hillbilly traversée de fulgurances Black, qui rebutera les amateurs de Metal franc et massif. Enregistré sur une Fender Musicmaster de 1958 passée par une Fender Reverb Deluxe, Crestfallen Dusk est un petit mausolée bien caché dans le cimetière des convenances, plongeant dans l’ombre les autres sépultures trop classiques pour encore intriguer les promeneurs de l’extrême. Et autant dire qu’une fois l’album digéré, on doit dissoudre de sucs des heures d’informations, tant cet album est riche, étrange, captivant et hypnotique.

Dans le bon sens des termes employés.

Les similitudes avec PRIMEVAL WELL sont à peu près aussi évidentes que les différences. Si évidemment le folklore local tient une place très importante, comme si un groupe du coin jouait son set en même temps qu’un ensemble Black Metal bien décidé à faire parler les watts, la rigidité est plus prononcée, et la méchanceté plus tangible. Et une petite merveille de dualité comme « The Blackness Come Creepin’ In » mérite à elle seule l’écoute de cet album, qui use de dissonances, de stridences, de périodes de calme tranchant avec des éclairs de violence crue, de doigté Blues, et de vocaux en écho d’un passé qui occupe toujours une place importante dans l’histoire présente…

Ryan Clackner n’a donc pas changé ses habitudes, et se montre toujours aussi gouailleur et séduisant, jouant sa carte maîtresse dans un bar quelconque, peuplé d’une faune interlope attendant l’heure du spectacle une bière plus ou moins fraiche à la main. L’opposition entre les fifties et le nouveau siècle est évidemment le point de focalisation central de cette réalisation, qui donne le sentiment d’un ensemble Honky Tonk partageant la scène avec une horde au corpsepaint de traviole, mais c’est surtout la complémentarité des deux facettes qui éblouit, chaque titre apportant ses preuves au greffe pour être enregistrées comme preuves à décharge.

Deux morceaux se taillent la part du lion, modèles d’équilibre et d’esprit aventureux, « Burn in Hell », injonction locale qui vaut plus que bien des discours, et « My Clouds Have Not a Silver Lining », peut-être encore plus, avec son intro de cowboy enivré par les grands espace et incapable d’accorder sa guitare ou son banjo. Un déluge de fausses notes, une ambiance qui passe du tiède au chaud bouillant pour les neurones, et une vraie envie, celle de proposer un trait d’union entre deux genres complétement différents pour accoucher d’un troisième, viable malgré ses déformations.

Pour faire simple, les fans de PRIMEVAL WELL se jetteront évidemment sur ce nouveau dossier, et plus généralement, les amateurs de délires signés Ryan Clackner reconnaitront la patte d’un musicien d’exception, un peu seul dans son monde, mais terriblement créatif et affranchi de toute contrainte. Un western purement américain qui se déroule en Norvège, et qui dégaine les pieux cloutés aussi facilement que les guns. 

 

                   

Titres de l’album :

01. Beneath the Cool, Calm Soil

02. The Blackness Come Creepin’ In

03. Burn in Hell

04. Our Old, Rotting Cabin

05. On the Outside of Town

06. My Clouds Have Not a Silver Lining


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par mortne2001 le 21/08/2022 à 16:16
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