« T’as beau pas être beau, monde cinglé, j’tai dans la peau, j’taime t’aime t’aime »
C’est Louis Chédid qui chantait ça d’un ton guilleret et d’un rythme sautillant, mais visiblement, tout le monde ne partage pas l’intégralité de son point de vue. Prenez les canadiens de RESENT par exemple, ils rejoignent notre ami Chédid sur le fait que le monde n’est pas beau, mais je ne suis pas certain qu’ils l’aiment par contre. C’est en tout cas ce qu’on croit comprendre en écoutant leur musique maladive, viscéralement grave, et délibérément glauque et poisseuse. Nous en venant de Colombie britannique, ce combo tout pourri s’y est formé il y a quelques années, produisant une initiale démo en 2018, avant de prendre deux ans pour préparer son premier long, qui se présente aujourd’hui sous la forme de six titres aussi gais qu’une litanie funèbre de Roger Gicquel. Distribué par plusieurs labels de par le monde (Dry Cough Records | Nerve Altar | Rope Or Guillotine), Crosshairs est une affaire sérieuse de Sludge vraiment pesant et bruyant, sans aucun échappatoire, violent, monolithique, oppressant, sale, rouillé, semblant émaner des bas-fonds de la terre, et empestant le désespoir, la résignation, et l’attente d’une fin qui ne devrait pas tarder. On sait le genre pas forcément joyeux à la base, mais ces quatre-là (Julian - basse, Russ - batterie, Mark - guitare et Matt - guitare/chant) parviennent à le rendre encore plus ignoble, et sont sans doute les seuls à pouvoir faire passer les WINTER pour une bande de joyeux drilles adeptes du calembour potache. Il n’est pas difficile d’analyser les six pistes qui constituent ce premier LP. Elles sont quasiment toutes similaires, avec une intro en samples, si possible dérangeante, une entrée en matière lourde et compressée à base d’un riff unique martelé comme un mantra néfaste, une longue progression sur un seul thème, et vogue la galère, désignant l’humanité comme le pire fléau de l’histoire du monde.
Avec une production granuleuse pour bien accentuer le côté sale, les RESENT signent un manifeste de dégoût, et seuls les vrais fans d’un Sludge lent et sourd sauront apprécier cette tranche de mort. Se rapprochant des meilleurs représentants du genre, GRIEF, NOOTHGRUSH et CORRUPTED, les canadiens ont signé l’effort le plus déprimant et glauque de l’année. Accentuant tous les aspects les plus repoussants du cru (lenteur hypnotique et grasse, guitare en feedback qui ne frotte que ses cordes les plus graves, chant sous-mixé qui pleure sa tristesse vomie, dissonances assourdissantes), Crosshairs est en quelque sorte une torture auditive dont on se remet difficilement, et qui transforme n’importe quel jour de la semaine en dimanche hivernal de pluie et d’ennui. Un Sludge tellement Sludge qu’il en sonne presque Black, et qui renvoie le Doom dans les cordes de la légèreté et d’humeurs primesautières. Il n’y a pas à dire, écouter ce truc n’est pas le meilleur moyen de s’imaginer un lundi au soleil, mais plutôt coincé dans le cortège funèbre d’une procession amenant un corps dans sa dernière demeure. Il y a pourtant quelque chose de fascinant dans cette démarche, comme une progression dans les tunnels de l’horreur, les pieds écrasant la pourriture de la société, la lumière diminuant, et le cœur ralentissant ses mouvements. Quelques rares et humbles accélérations viennent parfois nous sortir de notre torpeur, comme sur le final de « Wallowing In Filth », mais ces rares modulations ne sont là que pour accentuer le côté infect de la chose, à grand renfort de bruits blancs, de grognements à peine audibles, et d’une guitare qui s’empêtre encore plus dans ses motifs bornés.
Vous l’aurez compris, cet album est plus à concevoir comme un test de résistance à la douleur que comme une pièce musicale à proprement parler. D’ailleurs, il n’y a pas grand-chose de musical dans ce magma d’ordures mises en partition, juste une répétition de philosophies visant à nous faire piger une bonne fois pour toute que le monde va crever, et si possible, le plus rapidement. Tout n’est que lassitude et laideur, pesanteur et oppression, et celui capable de s’enfiler l’œuvre dans son intégralité sans avoir envie de rendre son petit déjeuner devrait consulter immédiatement. Mais c’est pro, c’est carré dans la démence, c’est insistant, ça gratte comme de multiples piqûres de tiques, ça irrite l’âme comme un constat sans appel, et « Crosshairs » d’appuyer encore plus là où ça fait mal avec une redondance encore plus excessive. Stoppant souvent leur avancée lente pour nous assourdir d’un feedback sadique, les canadiens mettent vraiment en avant leurs grimaces les plus laides et leurs postures les plus grotesques. On en vient à se demander s’il est possible de faire pire que ça sans tomber dans le bruit et le foutoir, et la réponse est négative : les RESENT ont défini la limite à ne pas franchir. En employant systématiquement la même recette tout du long de l’album, le quatuor assoit ses politisions, ne dévie jamais de sa ligne droite, et nous assène coup sur coup, pas trop fort pour ne pas nous éclater le crâne, mais d’une façon suffisamment insistante pour nous rendre complètement dingues. Sample, riff, batterie de mammouth, cris à peine audibles, gravité, lourdeur, crasse. Vous avez la progression type de « Miserable Pt.2 » à « Miscarriage », alors inutile d’attendre autre chose. Vous voilà prévenus, Crosshairs est un tas d’immondices mis en Sludge, un non-cri de même pas désespoir, et une fin de non -recevoir d’illusions qui n’ont plus cours. Il est trop tard, le monde n’est pas beau, nous non plus, et nous allons tous mourir. Débrouillez-vous avez ça.
Titres de l’album :
01. Miserable Pt.2
02. Dengenerate
03. Wallowing In Filth
04. Crosshairs
05. Victimized
06. Miscarriage
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