« Cloudburst is a collection of young dudes playing metallic hardcore with chaotic attitude»…
Alors, comme j’aime bien décortiquer les assertions, je m’y colle. Oui, les CLOUDBURST sont jeunes. Oui, ils jouent une sorte de Hardcore très métallique. Et oui, leur attitude est très chaotique, et verse parfois d’ailleurs dans le Chaotic Core le plus dru.
On peut donc dès le départ affirmer qu’ils ne nous prennent pas pour des imbéciles en se vendant sous de fausses étiquettes.
Plus prosaïquement, les CLOUDBURST sont quatre (Mahreza E – guitare, Riddho N – basse, J. Yudha – batterie et A.Okta – chant), viennent de Yogyakarta, ville située au centre de l’île de Java. Et dire qu’ils nous la font danser à un rythme épileptique est un euphémisme tant ce premier longue durée est une débauche de folie sonore agencée avec méthodisme et brutalité juvénile.
Je ne vais pas mâcher mes mots, l’intensité qui se dégage de Crying of Broken Beauty est vraiment impressionnante. A l’écoute de ces onze morceaux, les TRAP THEM et autres CONVERGE pourraient se sentir légèrement gênés aux entournures en réalisant à quel point ils ont été complaisants jusque-là. Sans jamais tomber dans le piège du bruit mal maîtrisé, les Indonésiens poussent les rythmiques dans leurs derniers retranchements, et osent des riffs massifs, et des structures parfois complètement Mathcore (« Meditations of Piss Artist », ce coup-là, même les DILLINGER en duo avec les TOMBS n’auraient pas pu nous le refourguer), pour distiller une ambiance démente, en appelant tout autant au Hardcore le plus violent qu’au Crust le plus virulent.
C’est simple, j’ai rarement assisté à une telle débauche d’agressivité sur un seul LP, et dire que Crying of Broken Beauty finira dans mon top 10 de 2016 des realizations Core relève d’une lénifiante évidence.
Vous-vous dites certainement, « c’est samedi, c’est l’euphorie, il ne sait plus ce qu’il dit… ». Mais rassurez-vous, je suis en pleine possession de mes moyens, et si je savais la scène extrême Indonésienne en plein boom, j’étais loin de me douter qu’un groupe aussi absolu que CLOUDBURST allait en émerger.
Certes, leur première démo montrait déjà des qualités indéniables, mais leur marge de progression en deux ans est tout bonnement hallucinante, et ce mélange d’ambiances glauques (l’intro « Invitation To Snuff Film » concoctée par Yogi Obluda des JARUMEYA met direct dans le bain et donne le ton), de courts morceaux aux multiples cassures et poussées de violence effrayantes (« Essence of Chaos », rarement morceau aura été si judicieusement baptisé), et d’intermèdes Ambient vraiment angoissants (« Corpse of The Optimist », dans le genre mélodie éthérée qui fout les miquettes on a rarement fait mieux…) est vraiment un voyage hors-normes aux frontières de la malséance musicale concrète, et transforme ce premier essai en cauchemar sonore qui donne quand même quelques suées.
Hybride de Crust vraiment féroce, de Hardcore en écorce et de Metal en coups de crosse, l’extrême vu par le prisme Indonésien est vraiment sans concession, et s’épanouit tout autant dans de courtes compositions qui explosent comme un champignon atomique près d’un atoll (« Cripples Battalion », trois minutes de Core déstructuré avec voix sous-mixée, pour une gigue Mathcore/Crustcore délirante de violence), que dans des évolutions plus développées qui sans changer l’optique, la modulent avec beaucoup de pertinence (le long final « Harakiri Rhapsody », hypnotique et drivé par des riffs dissonants à la UNSANE, et une rythmique lourde semblant porter tout le poids des efforts accomplis précédemment).
Entre des crises de franchise radicale qui ébouriffent (la tornade « Madness Touch », qui une fois de plus accorde son thème à son propos et cavale sans repos, « Numbers », hystérique et apocalyptique dans son rôle de cousin Indonésien d’un CONVERGE particulièrement fiévreux et malsain), de fausses accalmies qui prennent un peu plus leurs marques sans pour autant se montrer plus empathiques (« Stoning », encore une fois un travail incroyable accompli par le duo/basse batterie qui sonne comme un pivot de Jazz pris de crises de folie), Crying of Broken Beauty ne marque jamais le pas et avance jusqu’à notre trépas sans remord ni regrets.
Et si la vitesse et la déconstruction règnent en maître sur ce premier LP, quelques passages plus aérés viennent offrir une bouffée d’oxygène un peu vicié, à l’image de cette mélodie vénéneuse qui transperce « To Board A Crashing Plane » de ses arpèges malmenés par des arrangements anémiés.
Le spectre de la scène Hardcore de NYC s’invite même au banquet disposé par « Restless Piledriver », qui se souvient avec effroi des leçons d’urbanisme désabusé et écorché des UNSANE, avant de repartir de plus belle dans une fuite en avant Crust qui laisse tout le monde à la traîne derrière.
Violence, démence, agressivité, capacité instrumentale au-dessus des labels de qualité des genres abordés, ce premier longue durée des CLOUDBURST est une tuerie absolue qui ne laisse aucun survivant dans son sillage, et qui se permet de donner une leçon d’ultraviolence maîtrisée à bien des leaders incontestés.
Et si ces onze morceaux se veulent concrétisation musicale d’une réalité locale, ils ne donnent vraiment pas envie d’effectuer une lune de miel en Indonésie, à moins de vouloir défendre sa dulcinée à la machette au moindre coin de rue mal famée.
Un cauchemar cathartique, une agression systématique, et surtout, un album époustouflant de densité graphique, qui relègue la concurrence au simple rang de fantasme cinématique. A écouter pour comprendre jusqu’où la violence instrumentale peut aller lorsqu’elle est prônée par des guérilleros entraînés. Mais il n’existe aucune parade pour s’en protéger.
Autant vous en informer.
Titres de l'album:
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