Crypter

Crypter

04/05/2019

Autoproduction

Avec une pochette pareille, impossible de se tromper. On pourrait à la rigueur penser à un groupe de BM souhaitant brouiller les pistes, mais c’est bien à un pur combo de Classic Death auquel nous avons affaire, de cette trempe d’ensembles qui n’ont accepté aucune évolution depuis la création du genre. Et cette cover digne d’Ogrish.com nous donne tous les indices nécessaires pour jauger de la qualité d’un premier long qui ne perd pas son temps en tergiversations, et qui dès ses premiers instants joue franc jeu. En douze morceaux et quarante minutes de barouf, les CRYPTER posent donc les jalons d’un Death old-school, légèrement diffus aux entournures, mais d’une franchise exemplaire et d’une patine morbide assez poisseuse. Fondé en 2015 du côté de Santiago du Chili, ce quatuor de bouchers macabres (Jorge Fernández - basse/chant, Pablo Lillo & Nicholas Saavedra - guitares, et Pedro Díaz  - batterie) a d’abord pris son temps pour construire un répertoire, et nous à giclé deux EP, Mercado Troll en 2016 et Slasher en 2017, qui en disaient assez long sur leur philosophie bruitiste. Fascinés comme leurs aînés par les histoires de serial-killers et autres contes d’horreur à glacer les sangs d’une vieille grand-mère pendant un Halloween organisé par un hôpital psychiatrique voisin, ces quatre musiciens n’ont donc pas vraiment accepté le legs de progression d’une musique qu’ils conçoivent toujours comme l’exutoire qu’elle incarnait à la fin des 80’s, et il n’est pas difficile de voir en ce premier LP une continuité logique des premiers travaux de Chuck (Leprosy et Scream Bloody Gore), un agrandissement des excavations creusées par AUTOPSY, mais aussi une continuité dans la violence des analyses post-mortem de la vague scandinave de l’orée des 90’s.

Mais si cette pochette au cadavre grimaçant semble indiquer des inclinaisons plus ou moins Brutal Death ou même Gore, pas question de remiser la musicalité au profit d’un barouf de cimetière industriel. Ici, la violence se fait intelligible, certes poussée, mais totalement compréhensible, et articulée autour de plans brutaux mais précis, et de breaks assez bien amenés. Si le son global de l’album semble assez fluctuant (l’écart séparant « Granja de Cadáveres » de « Caníbal Carnicero Sádico » est à peu près le même que celui éloignant une démo home-made d’un album professionnel, ce qui est pour le moins étrange), il s’accorde parfaitement avec l’optique artistique choisie, qui hésite encore entre le Death sec et décharné et les pulsions plus brutales, se manifestant par une succession de blasts et de ralentissements étouffants (« Necrofagia »). L’ensemble dégage donc un parfum très frais, et se rapproche de la vague vintage actuelle, sans toutefois renoncer à une certaine tradition toute sud-américaine, à base de bestialité bon enfant et de provocation un peu cheap sur les bords. Grognées dans un idiome local, les onze compositions (plus une intro) parviennent à convaincre sans forcer, même si le caractère assez linéaire des interventions empêche de s’enthousiasmer complètement. Les partis-pris choisis par le groupe sont assez monolithiques, et la voix monocorde de Jorge Fernández semble légèrement brider l’imagination du concept, qui pourtant trouve toujours un plan conséquent pour relancer la machine. Ainsi, les dissonances perturbantes de « Criatura » font penser à un genre de GODFLESH torturé par des cannibales en manque de chair humaine dans une vieille friche industrielle, et confèrent à ce premier album des allures sympathiques de fourre-tout. Mais c’est bien évidemment le tempo instauré par Bill Andrews et Chris Reifert qui domine les débats, bien que des accélérations fréquentes viennent perturber le bon déroulement de l’avancée macabre.

Assez à l’aise dans tous les secteurs de jeu, les chiliens prouvent aussi qu’ils sont capables d’instaurer des ambiances plus glauques et pesantes, et « Foso de Inocentes » de nous prendre à revers de son mid tempo martelé comme des coups sur la tempe d’un migraineux à deux doigts du suicide, et d’étaler pendant cinq bonnes minutes des supplices auditifs parfaitement délicieux. Mais c’est bien cette cadence enlevée qui fait la force du quatuor, ces rythmiques impulsives qui guident des riffs sombres et épais, lâchés comme autant de menaces par un tueur avide de sang frais. On se fait bousculer gentiment par cette méchanceté de surface qui n’empêche pas de discerner un niveau global largement assez suffisant pour jouer carré, et la langue espagnole confère une aura particulière à ce premier album. Certes, quelques compositions auraient pu être plus travaillées, d’autres mises de côté, mais globalement, l’effort mérite d’être souligné, ne serait-ce que pour sa capacité à éviter les tics les plus HM-2 en vogue actuelle chez les plus nostalgiques des fossoyeurs. Ici, le son est sec comme un fémur en plein soleil, les guitares sadiquement sous-mixées en arrière-plan, la voix mise en avant, et l’ambiance générique assez proche des premiers efforts du genre, avant qu’il ne devienne la référence de l’extrême. On pense parfois à un fœtus d’ENTOMBED pas encore arrivé à terme (comprenez un NIHILIST en quelque sorte), mais aussi à pas mal d’autres choses, qu’il est inutile de nommer tant les fans de Death bien méchant et ancien y trouveront leur compte sans comparaison inutile.

Quelques hits placés de çà et là pour attirer le chaland (« Menudencias Humanas », rythmiquement irrésistible), des clins d’œil aux histoires de grand-papa d’autrefois (« Zombie Children », médian sur sa moitié, mais au feeling assez prenant), et une sorte de tube imparable final qui donne le là avant que le liquide d’embaumement ne coule le long d’une énorme basse bien grasse (« Andre the Butcher », raid sud-américain qui ne laisse aucun survivant sur sa route). Du brutal donc, mais moins qu’on aurait pu le craindre, et une carte de visite très sympathique des bas-fonds de Santiago, avec cadavres dans les champs et odeur de mort dans les funérariums environnants.    

 

Titres de l’album :

                        1.Decapitación

                        2.Granja de Cadáveres          

                        3.Caníbal Carnicero Sádico  

                        4.Necrofagia

                        5.Criatura       

                        6.Foso de Inocentes  

                        7.Descuartizado del Matadero         

                        8.Pacto Macabro       

                        9.Menudencias Humanas      

                       10.Rey de Ratas        

                       11.Zombie Children

                       12.Andre the Butcher

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par mortne2001 le 09/12/2019 à 16:36
75 %    971

Commentaires (1) | Ajouter un commentaire


jefflonger
@86.227.210.218
22/12/2019, 16:05:29
très sympa ce morceau

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