Voilà un album qui était méchamment attendu. Pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’il provient d’un groupe que des milliers de fans adorent, mais aussi parce qu’il est le troisième né de sa lignée. Une naissance à haut risque donc pour ce quatuor ricain adepte d’un Heavy Metal malin. Les NITE reviennent donc une fois encore à la nuit tombée, nous hurler leurs refrains de dégénérés sous des étoiles fatiguées.

Blackened par ci, Blackened par là, tout est à la sauce Black, et pas toujours de façon évidente. Alors admettons que les californiens jouent une forme très efficace de Heavy Metal, qu’un chant sombre et rauque vient noircir de ses inflexions macabres. Nul besoin de parler de parler de Blackened truc dans ce cas précis, puisque les morceaux de ce troisième album rappellent tout autant la vague US de Heavy salace, que son pendant européen, et plus particulièrement allemand.

Cult of the Serpent Sun est donc un culte voué au péché originel, à ce fameux serpent proposant une pomme à cette pauvre Eve, avant de devenir une figure déifiée dans de nombreuses cultures. Le serpent, c’est la sinuosité, le glissement, le sifflement d’une langue qui tremble, l’attaque fulgurante, le regard sournois et la phobie sous les doigts. Cette figure reptilienne a de quoi inspirer les plus grands, et NITE ne s’est pas gêné pour le faire sortir de sa cachette.

En huit titres, le collectif (Patrick Crawford - batterie, Scott Hoffman - guitare, Van Labrakis - guitare/chant et Avinash Mittur - basse) presque intact nous propose une cérémonie étrange, entre la messe noire et la célébration païenne, la vénération du mal et l’incantation Folk. Les sensations épidermiques générées par cette musique subtilement grossière mais réellement addictive sont d’un plaisir indiscutable, et sans changer quoi que ce soit à sa démarche, NITE progresse un peu plus, à sa vitesse, relativement conséquente.

Darkness Silence Mirror Flame et Voices of the Kronian Moon avaient ferré le poisson, Cult of the Serpent Sun le ramène sur la berge à grands coups de moulinet. Basé sur un principe simple de Metal pluriel traité au prisme d’un extrême raisonnable, ce troisième volet de la saga étale des qualités phénoménales, et développe des ambiances qui transcendent. J’en tiens pour mantra le pulsé et insistant « The Mystic », qui juxtapose avec un bel à-propos mélodies de guitare et riffs tendus comme la toile d’une araignée jamais repue.

D’un professionnalisme impressionnant, d’une pertinence incroyable, NITE continue son périple dans les ténèbres, et nous en ramène le souvenir d’un THIN LIZZY aux deux guitares unies. « The Last Blade » s’amuse beaucoup à confronter la NWOBHM et la hargne d’un CREMATORY, le tout sous couvert d’un classicisme de première importance. C’est rauque mais ça brille, c’est mordant mais séduisant, létal et fatal, et la beauté qui se cache sous l’agressivité est au moins proportionnelle aux qualités intrinsèques de chaque intervenant.

Bons musiciens, les californiens roulent sur du papier de verre, et polissent le diamant brut. D’une fausse simplicité remarquable, Cult of the Serpent Sun bouillonne d’idées toutes aussi porteuses les unes que les autres, à la manière d’un jeune IRON MAIDEN fier de ses racines anglaises (« Carry On »). Structuré, enrichi, décoré, sans en faire trop ni pas assez, cet album est une mine de plans à repiquer, et surtout, l’assertion d’un talent irréfutable. Les américains savent s’y prendre pour imposer des atmosphères tantôt menaçantes, tantôt accueillantes, insistant sur la pesanteur pour mieux s’envoler en bimoteur.

« Tarmut » est sans conteste l’acmé de cet amalgame entre douceur et terreur, avec en arrière-plan un instrumental riche et dense, qui ne crache pas sur un brin d‘aération. Prenant le meilleur du Heavy de leur pays pour le mélanger à la scène européenne plus limpide, NITE trouve un terrain d‘entente parfait, et propose un couvre-feu raisonnable.         

Produit Van Labrakis et le groupe, enregistré, mixé et masterisé par Van Labrakis aux 210 Studios de San Francisco, Cult of the Serpent Sun assume son rang, et transforme les deux essais précédents. On soulignera toutefois que quelques variations vocales eurent été les bienvenues, mais heureusement comblées par un travail impressionnant sur les guitares qui se montrent très bavardes.

Mélodies, harmonies, riffs acérés et rythmique stimulée, NITE remplit sa part du contrat, et s’en remet aux anciennes divinités pour assurer son succès. On ne pourra pas lui refuser, puisque la qualité haute tient jusqu’à terme, via l’épilogue « Winds of Sokar », aussi amer et nostalgique qu’il n’est énergique.

On peut l’écouter en plein jour, évidemment, mais la pénombre sied mieux à un disque conçu pour la faune nocturne. Les noctambules ruraux qui s’échappent dans la nuit à la recherche de toges et d’autels de mousse et de bois. Une invocation, une prière de saison, l’absence de raison et le fantasme le plus sincère. C’est ce qui se dégage de ce disque fier, petit dernier d’une lignée pas prête à s’éteindre.

Titres de l’album:

01. Cult of the Serpent Sun

02. Skull

03. Crow (Fear the Night)

04. The Mystic

05. The Last Blade

06. Carry On

07. Tarmut

08. Winds of Sokar

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