Jeune groupe belge né durant le confinement, RÄUM incarne la relève de la garde Post-Black et Post-Metal. Alors que divers pays expérimentaient le cloisonnement at home, le télétravail et souvent, la solitude, ces créateurs de l’extrême fomentaient leur plan d’action en composant ce qui allait devenir le tracklisting de leur premier album. RÄUM a aujourd’hui terminé la préparation de son discours, et son huis-clos débouche sur quatre longs morceaux, très longs même, mais symptomatiques de cette nouvelle école Post qui va encore plus loin que la précédente.
Signés par les Acteurs de l’Ombre, les membres de RÄUM ont de quoi se frotter les mains. Entre un magnifique digipack trois volets et une production énorme, Cursed by the Crown est un bel objet que les fans de violence sourde et assourdissante voudront ajouter à leur collection grandissante, alors qu’artistiquement parlant, le projet propose quelques pistes classiques, ajustées aux exigences d’une époque de plus en plus pointilleuse.
En tombant par hasard sur « Fallen Empire », on est évidemment surpris. Loin d’un Post-Metal contemplatif et suranné, RÄUM propose un Black à peine projeté, strié de blasts, de hurlements raclés, et de quelques mélodies pour justifier l’étiquette. Mais c’est justement l’absence d’étiquettes qui fait la richesse de ce groupe unique, qui picore dans toutes les auges sa pitance.
Venus de Liège, Olivier Jacqmin (chant), Geoffrey Deghaye & Jérôme Di Naro (guitares) et Xavier Legrand (batterie) montrent déjà un visage assuré aux traits flous. Entre un balancement hypnotique et onirique et une attaque sans pitié des sens via la brutalité d’un BM de tradition, Cursed by the Crown est une malédiction typique lancée par la nouvelle scène, celle née durant la pandémie de COVID, et qui a pu voir les choses différemment, sous un angle plus restreint. C’est donc une fois la liberté retrouvée que les instincts primaires ont pu reprendre le dessus, mais les actes ont tous été conditionnés par cette période de liberté amoindrie et contrôlée.
Difficile en effet de considérer le monde comme un bel endroit pour vivre lorsqu’on est condamné à se piétiner dans un appartement de quelques mètres carrés, dans une capitale déshumanisée. Je ne sais pas dans quelles conditions Geoffrey Deghaye a composé ces morceaux, je ne sais pas non plus dans quel état d’esprit était Olivier Jacqmin lorsqu’il a couché ses idées sur papier, mais en écoutant le résultat et l’osmose entre les deux, je me rends compte que les deux hommes évoluaient sur le même plan.
Cette musique est donc violente, terriblement, mais aussi remplie d’amertume. Entre les influences classiques d’un Black majestueux et emphatique des années 90 et la liberté de ton Post du siècle suivant, RÄUM propose un entre-deux assez fascinant, qui une fois n’est pas coutume, séduira les amateurs de BM les plus puristes et réfractaires aux concessions harmoniques trop contemplatives.
Post par essence donc, mais résolument Black dans les faits. « Andromeda » ne prend d’ailleurs pas de gants pour introduire le groupe à son public présent et futur, mais traite l’agression sous un nouveau prisme. On sent que le rythme soutenu est là pour personnifier la rage et l’ennui, tandis que la voix lointaine nous donne des nouvelles de la pièce à côté, la seule qui reste pour s’isoler un peu. Musicalement parlant, RÄUM décrit le confinement avec une acuité impressionnante, et les sensations de privation, de paranoïa, d’oppression et d’apnée sociale sont restituées avec un sens du détail tenant de la maniaquerie la plus absolue.
Avec pas moins de quarante minutes pour quatre morceaux, Cursed by the Crown joue sur la longueur, mais ne lasse jamais. Les quatre morceaux se distinguent les uns des autres sans problème, osant des progressions divergentes pour mieux se retrouver sur le final homérique « Beyond the Black Shades of the Sun », éclipse sonore médium qui offre une plus grande place à la liberté de ton, et qui multiplie les rythmes pour bien souligner la thématique.
Cet épilogue de douze minutes nous offre justement le discours le plus synthétique que le Post puisse nous proposer au-devant d’une foule pas forcément conquise d’avance. Sorte de reprise de contact après des semaines passées derrière des portes closes, « Beyond the Black Shades of the Sun » traîne son feedback, ses riffs montants et ses imbrications diaboliques comme autant de souvenirs d’une époque traumatique, qui n’était sans doute que prémices des catastrophes à venir, bien plus graves.
Premier album fourmillant d’idées, entre deux ou trois eaux, Cursed by the Crown est une malédiction domestique qui laisse un goût amer dans la bouche. Un goût qui revient sous le palais comme un poison avalé sans consentent, et qui nous a paralysés pendant de longues journées d’ennui. Serpent qui refuse de se mordre la queue une fois sa cage ouverte, RÄUM incarne le venin d’une société qui une fois repliée sur elle-même, erre dans un désert émotionnel comme un reptile cherchant une proie imaginaire.
Nous verrons bien si la liberté de mouvement sied aussi bien aux belges dans quelques années.
Titres de l’album:
01. Andromeda
02. Cursed by the Crown
03. Fallen Empire
04. Beyond the Black Shades of the Sun
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