A force de traiter de cas de groupes se vautrant dans la fange old-school, je manque de matière en termes d’images, de comparaisons et de métaphores. J’ai bien écouté le premier album des Belges de SLAUGHTER MESSIAH, et je l’avoue, la seule image qui me soit venue est celle d’un DESTRUCTION des premières années gambadant joyeusement dans la campagne infernale de Satan main dans la main avec le KREATOR de Endless Pain. Oui, je sais, pas terrible et manquant d’originalité, mais c’est comme ça. Sauf qu’au bout de quelques minutes de ballade, Mille fout un doigt dans le cul de Schmier, comme ça, émoustillé à cause de le désir bruyant et totalement teutophonique. C’est trivial, quelque peu bestial mais ce premier jet qui nous éclabousse comme une mousse renversée à la fête de la bière est de ceux qui maculent des oreilles encore plus salement qu’une saillie d’un pervers Thrash dans un scénario Speed. Le décor est planté, les acteurs nommés, le son enrobé, il est maintenant temps de détailler. SLAUGHTER MESSIAH est donc un quatuor belge qui a vu du pays (Ath, Namur…), fondé en 2008, mais qui a patiemment attendu une bonne décennie avant de nous briser les tympans avec un barouf longue-durée. Ce qui n’a pas empêché ces sagouins de nous déranger régulièrement avec des EP, dont trois de suite entre 2013 et 2016, qui posaient déjà méchamment les bases de leur approche. Dix ans et pas mal de témoignages, ces malandrins ont donc largement eu le temps de peaufiner leur bestialité pour qu’elle sonne encore plus tartare, et c’est avec plaisir que nous les retrouvons sur le label de passionnés High Roller, qui prend toujours son pied en remuant la boue du passé. Ainsi, Cursed to the Pyre s’apprécie tel quel, baignant dans son jus encore chaud, entouré de marauds qui apprécient autant que vous les effluves d’une nostalgie non révolue.
Formé autour de musiciens expérimentés, actuels plein de trucs et anciens encore plus de trucs (HEINOUS, ex-GODSEND, ex-HORACLE, ex-SLANESH, ex-DYING CORPSE, SABATHAN, ex-DISTANT WARNING, ex-ENTHRONED, ex-DAWN OF CRUCIFIXION, ex-MORBID DEATH, CERRO BLASFEMO, DESTRUKT, HEINOUS (encore), SPERMAFROST, MURDER ONE, BURIAL GROUND, GAE BOLGA, NOCTURNAL…), SLAUGHTER MESSIAH est l’incarnation même de la traditionnelle méchanceté des eighties remise au dégoût d’un nouveau siècle un peu trop porté sur son héritage. La recette est toujours aussi simple, prendre un morceau de chaque tranche d’extrême d’il y a trente ou quarante ans (Thrash, Speed, Heavy), blackiser le tout pour le rendre encore plus féroce, mais surtout, y croire dur comme ferme et en fermant l’enclos des chèvres derrière soi. Comme je le disais plus haut, c’est donc du côté de la tendre Germanie qu’il faut chercher les influences de ces quatre amateurs de stupre (Lord Sabathan – chant/basse, Rod Iron Bitch Desecrator – guitare, Thomas Exhumator – guitare et John Berry – basse), qui semblent fermement plantées dans la terre autrefois foulée par le KREATOR le moins complaisant. On retrouve donc pas mal de ces premières et jeunes années allemandes dans ces morceaux sans pitié, mais aussi d’autres références, plus occultes et denses, dont SLAYER et POSSESSED furent un temps les uniques dépositaires. En écoutant ces hymnes à la débauche, on pense aussi à EXUMER, à BULLDOZER, à DESTROYER 666, soit un lien entre les époques, mais surtout, à une exubérance qui fait plaisir à entendre, parce que faire du bruit c’est bien, mais le faire quand on sait jouer et composer, c’est mieux.
Certains reprocheront aux belges de tout faire pour. Pour sonner comme si, pour ressembler à, mais c’est justement cette honnêteté dans le propos qui séduit, avec un discours d’une franchise rare. Et de sa pochette à sa production, de ses intitulés de morceaux aux musiciens et leurs pseudos, tout est fait pour, et on se laisse prendre au jeu. Parce qu’à contrario de nombre de leurs collègues moins rigolos, les belges proposent de longs titres ambiancés, avec intro, développement, refrain en plein dans les dents, solo hystérique et break dynamique, pour ne pas se contenter d’un minimum de mimétisme. L’ambiance est d’ailleurs si bien travaillée et développée que Cursed to the Pyre a de faux airs de film d’horreur pour les oreilles, avec ces chansons qui naviguent entre Speed/Thrash occulte et Blackened Thrash qui bute. Il faut dire que SLAUGHTER MESSIAH a utilisé tous les ingrédients dont peuvent disposer les groupes vintage pour créer. De l’angoisse Doom aux clôtures purement Heavy en passant par les riffs tournoyant du Speed de 84/85, tout en usant d’un chant sardonique qui fait sonner Paul Baloff comme un clone de Donald passé à l’hélium. Prenez par exemple le miraculeux « The Hammer of Ghouls », puisque tout y est. Le côté catchy n’lusty du Speed et ses accroches gluantes, les ténèbres bon enfant du Doom à la CANDLEMASS piqué au SAB, l’atmosphère confinée et gothisée des DEATH SS italiens, l’aspect rudimentaire et sauvage des premières réalisations Thrash européennes, le tout emballé dans un enthousiasme laissant pantois les hordes les plus sauvages.
Produit par le groupe lui-même, mais mixé par Chris Menning (aka Mersus, qui a déjà bossé avec ATTIC, KETZER ou DESTRÖYER 666), Cursed to the Pyre est donc une bouffée d’air frais vicié que l’on hume à pleins naseaux. Le groupe, affuté, n’est jamais à une surprise près, et nous assomme de blasts intempestifs, tout en célébrant la gloire d’un Heavy vraiment solide et sombre (« Fog of the Malevolent Sore »). D’ailleurs, ce premier LP a parfois de faux airs d’ancêtre du Black Metal tant il use des astuces les plus diaboliques des premières années du genre. Sans rien inventer, mais en transcendant tout ce qu’ils peuvent approcher, les belges livrent leur propre version de la nostalgie, et imposent dès « From the Tomb Into the Void » une cadence d’abattage conséquente et frénétique. En combinant des thématiques de guitare volubiles et piochant allègrement dans le bestiaire Death, Black, Thrash et Speed, et des rythmiques atypiques (le son mat de la batterie est particulièrement délicieux et crédible), SLAUGHTER MESSIAH invente la juxtaposition totale, et se permet même des morceaux qui dépassent allègrement une durée raisonnable, sans manquer de jus ou de piment (« Mutilated by Depths », « Hideous Affliction »). Certes, parfois le mimétisme avec le KREATOR le plus juvénile est assez troublant, spécialement lors des tempi les plus symptomatiques et lorsque la voix de Lord Sabathan baisse dans les tours, mais l’un dans l’autre, et l’un en dehors de l’autre, ce quatuor parvient à synthétiser tout ce qu’on a aimé de bestial et total dans les années 80, nous offrant en prime quelques riffs inédits bien poisseux comme le poisson. Talent de composition, foi indéfectible, ambiance putride, pochette superbe et production casher, Cursed to the Pyre est comme une joyeuse malédiction qui revient du fond des temps pour nous hanter un soir durant. Mais sent ton doigt Mille. C’est de la bonne non ? Ah Namur, toujours Namur…
Titres de l'album :
01. From the Tomb Into the Void
02. Mutilated by Depths
03. Pouring Chaos
04. Hideous Affliction
05. Descending to Black Fire
06. Pyre
07. The Hammer of Ghouls
08. Fog of the Malevolent Sore
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