Peut-on arguer du fait que la vague old-school actuelle est totalement anachronique ? En effet, qui y-a-t-il de pertinent à proposer des sonorités passéistes que les fans connaissent par cœur depuis l’émergence de la vague de la Bay-Area et de la déferlante allemande de la première moitié des années 80 ? Pas grand-chose en effet, si ce n’est tenter de caresser les fans dans le sens du poil, et fédérer la nouvelle génération sans manquer de respect à l’ancienne. Mais avouons-le nous sans peine, toutes ces sorties ne font que remuer le couteau dans la plaie du temps qui passe, et qui nous rappelle que les grandes heures de METALLICA, SLAYER, EXODUS, DESTRUCTION, KREATOR, SODOM, et autres sont loin derrière nous, et que nous avons tous atteint un âge plus que respectable.
Ainsi, les ANACHRON ont choisi le bon patronyme, puisqu’ils s’ancrent d’eux-mêmes dans cette mouvance nostalgique qui consiste à refourguer de vieux meubles en formica en les faisant passer pour du vintage de chêne très recherché. Ayant moi-même épuisé tous les articles originaux d’époque, et en possédant les neuf/dixièmes en support physique, je me réjouis assez hypocritement de cet intérêt pour le passé, qui me permet de retrouver des sensations enfouies sans avoir à réécouter pour la millième fois le même album. Et Cycles Of Hate fait partie de ces petits interludes ludiques qui me gardent collé à l’actualité, d’autant plus que le produit en question ne demande aucun effort pour être apprécié.
En seize minutes et trois morceaux, ces originaires de Santa Ana, Californie, prouvent leur connaissance du vocabulaire des années 80, et leur capacité à le reproduire quasiment à l’identique. Pourtant, quelque chose diffère de la masse de sorties qui encombrent les Bandcamp, et qui pousse à croire que les américains ont autre chose à offrir qu’une simple photocopie. En effet, en cumulant tous les sous-genres, Death/Thrash, Techno Thrash, Thrash progressif, les ANACHRON déroulent le tapis de l’histoire et font rouler leur propre petite voiture miniature dessus. On se prend alors d’intérêt pour cette musique moins prévisible qu’on aurait pu le croire, qui flirte parfois avec le Speed naissant, qui profite d’une production et d’un mixage datés pour sonner casher, et qui finalement, intrigue.
Si la guitare sonne encore un peu mièvre dans ses interventions mélodiques, si le son de la rythmique est un peu compressé, et si le chant est encore un peu tendre, l’ensemble délivre quelques indices quant à ses intentions, flirte avec les limites de vitesse pour provoquer le Speedcore et le Death/Thrash, et lâche de longues parties instrumentales assez efficaces pour dodeliner du chef. Produit de son époque née d’une autre, Cycles Of Hate sonne encore un peu chien fou avec ses plans se télescopant à bonne vitesse, laisse un arrière-gout d’inachevé, mais titille l’imagination. On se prend à rêver d’un longue-durée qui ferait le tri dans les idées pour proposer autre chose qu’un simple succédané des succès violents d’antan, et surtout, d’un trait d’union entre tous les courants étant nés de la fusion entre Hardcore et Metal.
Encore vert, mais appétissant quand même, ce court EP passe par toutes les ambiances, montre la physionomie d’un groupe en osmose (Addican Hatch - basse, Kevin Mejia - batterie et Jonathan Jimenez - guitare/chant, costauds, chevelus et musclés), et sa quintessence se trouve en toute fin de parcours, lorsque le redoutable et lapidaire « Remnants of Hate » synthétise les idées pour les faire converger, et redistribuer l’énergie de façon centripète. On est alors pris dans un vortex de puissance, d’accélérations fulgurantes, de riffs qui s’empilent et pallient les silences du chant, et ce lifting global se transforme en idée assez sympathique, laissant un sentiment de trop peu.
Alors, heureusement, j’ose espérer que le futur des ANACHRON reste encore à écrire, et qu’ils reviendront vers nous avec un album complet, et délicieusement anachronique. Ne suis-je versatile…
Titres de l’album:
01. Desperation Act
02. Crossing the Line
03. Remnants of Hate
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