Il paraît que du côté de Besançon, des chercheurs ont réussi à isoler le gène de la violence pure. Ils sont même parvenus à le synthétiser, pour le reproduire, et le transformer en vecteur expressif, une sorte de mise en abîme ultime de la véhémence caractérielle.
Le problème étant que la créature née de cette expérience a échappé à tout contrôle. Elle s’est enfuie des laboratoires en l’an de disgrâce 2009, pour depuis parcourir les routes afin de propager son message de brutalité en détruisant tout sur son passage.
Ses premiers méfaits ont pu être plus ou moins couverts par les autorités, et le carnage en résultant est resté plus ou moins confidentiel, hantant les colonnes des webzines sous la forme de notules éparses, parlant de ci de là de « démos » (Goatvermin, 2011, le pourtant direct et sans ambages Crevez Tous deux ans plus tard), de « compilation » (2009-2014 – Cinq Années de Guerre Totale, plus difficilement gardé sous le manteau) ou même de « collaborations » avec d’autres entités aussi néfastes (massacres perpétrés à l’aide des UHL et des CULT OF THE HORNS, en 2014).
Sauf que cette fois-ci, les pouvoirs publics et le laboratoire impliqué auront du mal à garder la situation sous contrôle. La bête a visiblement dérapé une fois de plus, et à grande échelle, puisque son premier forfait longue durée a été dévoilé en janvier de cette année, et que ses conséquences sont catastrophiques sur la santé et l’opinion publiques.
En même temps, le but était logique et assumé. Détruire. Et c’est exactement ce qui s’est passé.
Plus concrètement, l’entité Franc-comtoise GOATVERMIN est assurément un cas à part sur la scène extrême Française. Alors que leurs homologues ouvrent leurs horizons et diluent la brutalité dans les harmonies flottantes du Post Black, ou s’entêtent à s’empêtrer dans un War/Total Black Metal qui finalement, mord la queue du malin sans même l’agacer, les originaires de Besançon suivent leur propre ligne, creusée dans les sillons d’un BM aride et définitivement stérile. Pourtant, et par un miracle dont le processus m’est inconnu, les récoltes qu’ils en tirent tendent vers une uberviolence absolument inédite dans nos contrées, et plus symptomatiques des battues à la faux Canadiennes ou même Brésiliennes.
En détail, et en termes plus choisis, le Black/Death développé sur ce Détruire au nom si franc et explicite est un cas d’école, qui renvoie pas mal de leurs concurrents à l’écurie, histoire d’y affûter un peu mieux les outils de leur approche.
Si ce premier longue durée officiel se permet de reprendre à son compte d’anciens titres (« Pogrom Of Hate », « Mort Aux Traitres », tout un programme), il continue l’avancée à pas de géant, et les sons qui en émanent ressemblent aux chenilles de ce char de couverture qui broie tout sur son passage. Car GOATVERMIN ne se pose aucune question inutile, et ne perd jamais son temps en conjectures tactiques. La seule qu’ils admettent est l’attaque frontale massive, à grand renfort de blasts, de riffs froids et mécaniques, et de chant doublé, glouton et parfois Gore (d’ailleurs, « Pogrom of Hate » ressemble à s’y méprendre à une actualisation des meilleurs morceaux de Reek of Putrefaction).
La recette est simple, mais toujours appliquée en toute absence de demi-mesure qui permet justement aux GOATVERMIN de se démarquer méchamment des autres.
Car ne nous y trompons pas, là est leur point fort, ce refus de tout compromis, et cette exagération sonore de tous les instants, qui menace pourtant de les faire basculer dans le fossé du ridicule à la moindre aspérité. Si leur label aime à les comparer à d’autres concepts dans le but de les situer sur la carte de l’extrême brutalité, en citant BLASPHEMY, REVENGE, BEHERIT, BLACK WITCHERY, DEIPHAGO, INCANTATION, IMMOLATION, AUTOPSY, DISGORGE, n’y voyez qu’un moyen de baliser légèrement le terrain pour ne pas perdre le néophyte en route.
Mais ne vous y trompez pas. Si quelques noms peuvent en effet vous aider à y voir un peu plus clair dans l’épaisse couche de fumée BM qui vous tombe sur les poumons, sachez que les GOATVERMIN sont uniques, et que Détruire l’est tout autant.
Ce premier LP est à même de vous rappeler les débuts chaotiques du BM hors cadre scandinave, tout autant que le Brutal Death US le moins dilué dans les mécanismes triggées de l’artifice de studio.
D’ailleurs, pour mettre les choses au point sans attendre, « Reek Of Massgrave » vous oppresse dès les premières secondes de son BM extrême souillé de Brutal Death en pleine putréfaction. En à peine quatre-vingt-seize secondes, ce morceau sonne l’hallali des trépassés, et vous jette la première pelletée de terre en pleine face médusée.
« Pogrom of Hate », déjà abordé ne ralentit en rien le geste, et « Detruire » se pose en premier hymne fatal de ce LP décidément radical.
Le son est si massif que même les haut-parleurs tombent en syncope, et l’union sale et salie des guitares et de la basse vous appuie sur le thorax sans vous laisser la possibilité de rependre votre souffle. Rapide, ultra-brutal, ultra-rapide, concis, gras et grave, le Metal de GOATVERMIN est si extrême que les qualificatifs usuels deviennent caduques à peine pensés.
Les ralentissements glauques s’enchaînent aux brutales accélérations, les intros se veulent de plus en plus sournoises (« Impure Flag Of The Vermin », personne, même pas REVENGE n’avait encore tenté un truc pareil), l’allemand succède au français et à l’anglais sur fond de BM grindisé au paroxysme (« Mord Gewalt Urin »), et plus les pistes progressent, plus l’ambiance se dégrade sur fond de guerre absolue menée contre la médiocrité et la tiédeur.
Les dissonances de « Gibier Humain », évoquent des chasses du Comte Zaroff parmi les décombres encore radioactives de Prypiat, tandis que « Infanterie Enfer » nous remémore les tranchées de 14-18 avec force coups de canon et de baïonnette au colon.
« Atrocious Rituals », seul segment se permettant une emphase de plus de cinq minutes, oppose une fin de non-recevoir d’une lourdeur asphyxiante, sorte de développé-couché post-mortem un peu Gore sur les bords, mais tout aussi frondeur que le reste des exactions. Les cadavres en main, GOATVERMIN contemple le spectacle sanglant de sa propre désolation, et nous laisse le regard vide et les tympans violés, satisfaits d’avoir réussi une fois de plus à pousser la provocation littéraire et musicale dans ses derniers retranchements, comme une allégorie de la caverne pour psychopathes assoiffés de vilénie gratuite.
Il paraît que du côté de Besançon, des chercheurs ont réussi à isoler le gène de la violence pure…Mais vous connaissez la suite. Détruire, leitmotiv comme un autre. Mais pas sûr que l’on reparte sur des bases plus saines.
D’esprit en tout cas.
Titres de l'album:
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