sDepuis une petite quinzaine d’années, les allemands de CRUEL FORCE font tout ce qu’il faut pour mériter leur nom, nous cognant sec et sévère d’un Thrash subtilement Black. Mais pour être honnête, on commençait à s’inquiéter un peu, le groupe de Mannheim se montrant particulièrement discret depuis la sortie explosive d’Under the Sign of the Moon il y a douze ans. Pas la moindre apparition, pas le moindre EP, et c’est en 2022 que la bête est sortie de son état d‘hibernation, pour nous assommer d’un troisième long qui se devait de mettre tout le monde d’accord.

Dont acte.

Dawn of the Axe et sa superbe pochette nous ramène aux grandes heures du Speed/Thrash des années 80, avec ce petit parfum viril qui s’échappe des aisselles. Se comportant comme le fils spirituel de DESTRUCTION et POSSESSED, CRUEL FORCE attaque intelligemment, n’oublie pas de composer de vrais morceaux, sans avoir à piller le catalogue d’une icône quelconque. L’exercice est périlleux dans ce créneau de nostalgie si prompt à plagier, mais le quatuor (GG Alex - batterie, Slaughter - guitare, Carnivore - chant et le petit nouveau Spider - basse) a visiblement bien profité de son hiatus de dix années pour revenir encore plus gonflé que jamais, et sans avoir recours aux stéroïdes et autres substances illicites.

Ces neuf nouveaux morceaux sont donc autant d’invitations à la débauche, et une fête Thrash dans une vieille baraque bourrée à craquer de nostalgiques de l’époque charnière 1985/1987. Avec un son de batterie qui rappelle clairement les premières années de Ventor et les roulements de Mike Sus, des riffs en acier trempé qui paient leur tribut à la sauvagerie Black/Thrash, et un chanteur toujours aussi capable qui ne se contente pas de hurler ou de grommeler, l’affaire roule sur les bons rails, et se montre aussi jouissive qu’un comeback réussi.

Dawn Of The Axe est une épée de Damoclès qui plane au-dessus de votre tète, et qui régulièrement, vient vous chatouiller le cuir chevelu. Car loin d’un crachat à la face du bon goût, ce troisième album fait montre d’ambitions non négligeables, que l’on peut sentir sur les titres les plus développés. Ainsi, le terrible et éprouvant « Devils Dungeon » étale pendant plus de six minutes des arguments majeurs, entre Metal acide et attaque étudiée, pour un voyage au pays du Heavy Thrash le plus concis et efficace.

Esthètes, les allemands n’ont évidemment pas renoncé à leurs principes de qualité. Il est donc très agréable de les retrouver aussi motivés qu’en 2010/2011, promouvant un répertoire digne de ce nom. Les diversions, les convergences, les attentes et les accélérations font le show pendant quarante minutes, le quatuor dosant à merveille les ingrédients nécessaires à l‘élaboration d’une grosse tarte Thrash qu’on reçoit en pleine face. Et cette tarte balance ses cerises confites dès « At The Dawn Of The Axe » qui cavale comme le KREATOR d’Endless Pain ou Pleasure to Kill.

Pourtant, et là n’est pas le moindre des défis relevés, CRUEL FORCE parvient toujours à rester suffisamment léger pour ne pas se perdre dans les couloirs du blasphème. Même si son Black/Thrash est épais et gluant, il est très digeste, et se déguste sans aucun problème d’estomac à déplorer. « Night Of Thunder » confirme rapidement les options avec son riff circulaire comme une scie pénétrant dans du hêtre, mais loin d’une assemblée de bas du front, le groupe allemand fait honneur à son rang, et diversifie ses attaques.

Les opinions positives dégagées à la sortie des deux premiers albums vont donc se confirmer. Car loin d’un jet de bile unidirectionnel à la saccade trop régulière, Dawn Of The Axe module et souligne, pour se montrer assez vicieux sur le marché. Et sincèrement, ces intonations graves et ces soudaines embardées donnent clairement le tournis.

Rien à jeter sur ce disque qui refuse de se cantonner à un style en particulier. Aussi Heavy qu’il n’est Thrash, très judicieusement agencé pour faire s’enfiler un intermède Ambient et une longue suite pesante et éprouvante (la doublette « Watchtower Of Abra » / « Across The Styx »), avant de finir l’épopée sur un troisième morceau à rallonge, aussi influencé par la NWOBHM que par la première vague de Thrash allemand.

Une sacrée réussite donc, pour un groupe qui nous avait manqué. Mais les retrouvailles sont sincères et sauvages, et ce troisième long tient son rang sans aucun problème. Une certaine idée rétrograde d’une violence positive, et fertile. Largement de quoi mettre en avant un talent naturel pour éviter les pièges de la redondance et de la copie carbone, afin de retrouver les sensations éprouvées il y a plus de trois décennies.

Espérons seulement que le groupe ne s’absentera pas encore pendant une décennie. Tout ça c’est bien gentil, mais la concierge ne peut pas toujours être dans l’escalier.    

Titres de l’album:

01. Azrael's Dawn

02. At The Dawn Of The Axe

03. Night Of Thunder

04. Death Rides The Sky

05. Devils Dungeon

06. Watchtower Of Abra

07. Across The Styx

08. Power Surge

 09. Realm Of Sands

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