Genre. Vous entrez dans un style de maison des horreurs dans un parc d’attraction un peu louche. Pas de celles construites par Rob Zombie, avec de beaux effets spéciaux piqués au White Zombie de Boris Karloff, plutôt imaginée par Andy Milligan et élaborée par John Waters et Lux Interior. Un machin décadent, avec plaisir coupable et squelettes qui sortent du placard pour vous arracher votre chemisier. Une ballade dégoulinante de stupre, main dans la main avec un playboy un peu béta sur les bords qui sourit à la moindre apparition bizarre, mais qui a quand même les miquettes.
Galerie des glaces, rails miniers avec « heili, heilo » en fond sonore, qui soudain sature et dégénère en gros Rock un peu Batcave sur les bords, hommage aux CRAMPS, aux TROGGS, et surtout à cet Horror-Rock qu’on aime tant parce qu’il fait peur pour de faux.
Une musique qu’on identifie aux premières notes parce qu’on l’a déjà entendue, en format court, il y a quelques mois/années. Mais les années passent comme des secondes dans l’univers des VOLKER.
Et si on les a aperçus hier, on a le sentiment de ne pas les avoir croisés depuis des années.
Alors ils reviennent, et même pas par une porte dérobée. En grands seigneurs, un LP sous le bras, pour sonoriser tout ça, parce que c’est leur boulot.
Le titre de leur truc ? Dead Doll, et ça, ça annonce la couleur sans avoir besoin de paraphraser des MURDERDOLLS en plastique.
Allez, un, deux, trois, les revoilà. Qui donc ? Jen Nyx (chant), Ulrich W. (guitare), M. Pliszke (basse) et John A. (batterie), pour une nouvelle salve de vignettes frightening, assemblées genre album panini Amicus, colorié par un Richard Kern soudain en rupture de noir et blanc crade. Ou par Paul Morrissey tiens, avec des vierges qui saignent, et pas que de l’entrejambe.
Vulgaire ?
Non, les VOLKER sont tous sauf ça, ils connaissent leur culture populaire et pulp par cœur, et la récitent au son d’un gros Rock tendance Hard, mais surtout ludique et malicieux, un peu vaudou sur les bords, mais bien dans son époque, comme si les PRETTY RECKLESS fouillaient les poubelles des CRAMPS du début des années 80, épaulés dans cette tâche par un Glenn Danzig un peu moins borné que d’habitude, et enfin prêt à fêter Halloween en avril, mais comme il se doit.
Depuis leur premier EP convaincant, le quatuor est allé de l’avant, et a perfectionné son approche de l’épouvante musicale au point de nous offrir en ce mois d’avril de cerisiers l’album de Shock Horror Rock de l’année. Cohésion, puissance, folie, démence, tout y passe et reconnaissons que les frenchies manipulent le bestiaire avec flair. Enregistré, mixé et masterisé l’été 2016, au BUD records studio, avec Mathieu Pascal (GOROD), ce Dead Doll ressemble à une séance de torture pas très chic mais salement choc, avec une Courtney Love assise au milieu d’une pièce, qui attend de sentir la lame passer sous ses ongles, en punition de ces années passées à renier HOLE en compagnie du business. Sauf que Jen chante comme la Love n’a jamais chanté, et ressemble même parfois à une très malicieuse Katie Jane Gardner ayant découvert les joies du mix des TERRA TENEBROSA et des MISFITS, sur une même platine.
Alors évidemment, pour une fête comme celle-ci, le son se devait d’être massif, ce qu’il est sans conteste, mais les musiciens devaient être affutés, et les compos soignées.
Les facteurs sont respectés, et la fête peut donc commencer.
Et quelle fête nom de Dieu…
On se demandait encore si le Rock’n’Roll, le vrai, paillard et second degré avait encore de vieilles histoires à recycler, mais les VOLKER prouvent qu’ils ont dû tomber sur un vieux grimoire remettant les pendules du basculement à l’heure de minuit.
Tout sur ce nouvel album respire le non-respect de la politesse musicale élémentaire mais pénible, et tout expire le mal par ces guitares assassines, qui pourtant le temps d’un morceau, peuvent se montrer d’un romantisme morbide admirable (« Yell », Blues/Grunge mortifère et crépusculaire, qui traine son spleen le long de chœurs fantomatiques).
Mais la plupart du temps, ne cachons pas notre tête dans les viscères, cette fameuse guitare turbine, et peut compter sur une section rythmique qui usine, pour une longue adaptation des standards des SONICS, revus et corrigés 2017, avec un sens de l’emphase dramatique que DANZIG en couple avec les NYMPHS pourraient envier en louchant sur le côté (« Black Sunday »).
Ça turbine sec pendant que Jen hurle comme une belle diablesse (ce qu’elle est sans conteste), ça syncope sévère sur nappes de lignes vocales incandescentes mais ingénues, et en gros, ça résume la plupart de cet album très cru, qui révèle un potentiel d’individualité que personne ne peut négliger.
Et si le salut du Rock un peu tendu venait de France après tout ? Belle revanche isn’t it ?
Un, deux, trois, nous n’irons pas au bois, avec une telle triplette d’ouverture qui nous pique nos clefs de bagnole histoire qu’on reste coincés.
« Freaky Bride », mariage pas si contre nature que ça entre la beauté et la vilénie, « Obey », qui vous oblige à avouer vos péchés sur fond de barouf teenage à la BIKINI KILL en pleine séance d’extase Screaming Jay Hawkins. « Negative Waves » qui ne s’emmerde même pas à changer le tempo, mais qui délire sa mélodie d’une grosse caisse aplatie. Ouf, tout ça porte en plein dans les tripes et vous laisse un peu hébété, pas sur de votre résistance aux coups encaissés…
Et puis, cerise sur le gâteau, un featuring costaud puisqu’on retrouve au milieu de la piste, juste après la galerie des glaces typique, ce cher et lettré Arno Strobl venu taper le délire avec les autres sur un « Suicide Love Addict ». L’homme joue et vocifère un peu partout, mais comme il fait toujours preuve de goût, on appréciera ses petites invectives de chœurs sournois derrière Jen toujours aux abois. Tiens, les deux se retrouvent même sur un refrain qui ferait valser la gigue à la momie qui perd pourtant ses bandelettes…Et puis ce phrasé Punk qui délie une souplesse de diablesse…
Un hit ?
Un hit !
Un autre ? « Voodoo Baby » et cette fois-ci, dame Jen se lâche complètement et hurle comme un dément, sur fond d’arrangements venteux et stridents à la Hammer pour un nouveau déhanché sexy mais pas dupe. Les RAMONES lipstickés version 2017 endiablée, c’est possible ? L’image fonctionne ? Oui.
« In Black White » ne joue pas les plus malins et se souvient de ces pellicules sans couleur qu’on dévorait le samedi matin ou le vendredi soir après l’heure, tâte de la Pop pour électriser le Rock et fracasse tout sur son refrain une fois de plus uberboosté par un John A. dont la grosse caisse tente de résister.
Et à ce moment-là, Jen ose nous demander si on veut encore jouer…avec elle ??? « Would You Play With Me », c’est le traquenard fast qui nous séduit de son chant de poupée de cire et de son, avant de nous enfermer derrière une porte refermée à clef par des SKIDROW soudainement punks à crête.
Et puis, tout se finit très intelligemment et violemment avec une longue litanie, « Raven », qui rameute les corneilles pour une dernière black celebration. Jen fait fi des éventuelles crises d’aphonie, et braille comme une sorcière bannie, pendant que l’instrumental ralentit dans un genre de Blues funèbre un peu doomy…Chute logique d’un album tragique, qui finalement, aura le mérite de nous avoir prouvé que la peur pouvait encore être un sentiment souvent associé au plaisir…
Genre. Vous entrez dans un style de maison des horreurs dans un parc d’attraction un peu louche. Vous y croisez un quatuor un peu hirsute et dépareillé, pas de ceux à qui on taxe un clope ou une bière. Plutôt de ceux qu’on évite pour ne pas finir sous un tas de pierres.
Et pourtant, vous auriez tort de bifurquer, puisque les VOLKER sont les gens les plus aimables et éduqués que vous pourriez rencontrer.
La preuve, ils vous jouent toujours une musique inspirée aux citations éclairées. Et vous oseriez les ignorer ou les craindre ?
Vous n’êtes décidément pas malins…Le Rock’n’Roll n’a jamais été sérieux pourtant… Mais pas d’inquiétude. Avec Dead Doll dans les mains, et quelques aiguilles, vous risquez de comprendre le truc qui vous fera mal à la nuque.
Titres de l'album:
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