Décidément, en ce moment, j’ai du mal à franchir les frontières de l’Italie. Je reste coincé là-bas comme un pauvre scribouillard en peine, mais le tour d’horizon des factions proposées n’est pas déplaisant pour autant. Et que les musiciens vouent un culte au Sludge, au BM, au Death, ou au Thrash, ils le font avec la même passion, et le résultat est souvent à la hauteur de l’attente. Et j’aime à imaginer la scène histoire de placer le contexte avec plus de réalisme. Je m’imagine en train de savourer un bon expresso à une table choisie de Milan, appréciant le paysage et le ragazze qui passent dans les rues pavées, l’air mutin et la démarche chaloupée. Je suis là, l’air détaché, ayant du mal à trouver l’envie de me presser pour m’affairer à ma tâche, lorsque soudain, débarque une bande de trublions sur des skates, hilares, ruinant la quiétude ambiante de leurs hurlements et gesticulations, beuglant des « Not !!! » et des « Mosh !! » à l’assemblée histoire de bien se faire remarquer. Et finalement, troublé dans ma douce torpeur par cette bande de jeunes tarés, je décide de m’en approcher pour en savoir un peu plus sur leur air engagé, et j’apprends de fait que loin d’être de vulgaires équilibristes approximatifs, les marsouins font partie d’un groupe, et pas n’importe lequel. Ces fouteurs de merde allergiques à la dolce vita ne sont rien d’autre que les membres du combo local de Lombardie, WARGAME, et non des admirateurs de Marcello Mastroianni, à qui ils n’ont certainement pas emprunté sa classe légendaire et son flegme bavard naturel. Alors, de discussions en rires à gorge déployée, les malandrins m’ayant reconnu (oui, ma réputation est désormais internationale, dans mes rêves tout du moins) m’informent qu’ils viennent juste de sortir un second LP, un an après leur frondeur et insultant pour leur patrie Sick Of Italy, qui avait déjà bien secoué les trottoirs de Milan de son Thrash furieux et de son Hardcore bienheureux.
Et les voilà donc affairés à extirper leur iPod de leur poche, pour me faire écouter l’objet en question, très justement baptisé Dead Skaters Brigade, et qui illustre fort bien leur mouvement de troupe, puisque ces lascars sont incapables de voyager seul. Ecoutant d’abord d’une oreille polie, je me retrouve très vite contaminé par leur folie, puisque sous leurs oripeaux de gros branleurs, ces WARGAME sont en fait de gros tueurs, maniant la rythmique atomique aussi bien que le riff aux saccades typiques, et ce quintette d’allumés (Ale Freaks - chant, Defo - chant, Max & Rello - guitares, Toxic Tony - basse et Tommy - batterie) a tôt fait de me rallier à sa cause, la même qui unit dans un élan toxique les MUNICIPAL WASTE, D.R.I, IRON REAGAN, ANTHRAX, et autres chantres du métissage bordélique. Certes, on le sait, le style est assez figé, et exige une bonne connaissance de la chose Thrash méchamment diluée dans une énergie Hardcore, mais l’euphorie exhalant des pistes de ce second LP est tellement enivrante qu’il est impossible de lui résister, même si ses incarnations sont somme toutes assez formelles. Sur l’instant, je me crois propulsé des années en arrière, lorsque les USA faisaient figure de pères fondateurs en la matière, et que les groupes du cru régnaient sans partage sur le vécu. Mais depuis, leurs enseignements ont été capitalisés, en Italie comme ailleurs, et ce Dead Skaters Brigade m’apparut dans toute sa clarté. Difficile en effet d’imaginer de pauvres zombies roulant tant bien que mal sur leur skate d’outre-tombe, tant l’allant et la démence de cette réalisation ridiculisaient la plupart des productions du style. En admettant les bases comme telles, les italiens se permettaient de broder une multitude de motifs, de l’attaque en double grosse caisse de half-pipe jusqu’au break aux limites d’un backflip Pop-Punk, sans pour autant remettre en cause l’allégeance Thrash de la chose. Beaucoup d’énergie donc, un investissement total, et surtout, des parties de chant mordantes, rappelant au bon souvenir des gnaques de Roger Miret dans AGNOSTIC FRONT, aux idées soudainement allégées par un petit tour en roulettes au centre-ville (« Recurring of Times »).
Bénéficiant d’un son à la hauteur de leurs ambitions, les WARGAME pouvaient dès lors être fiers de leur exubérance, susceptible de transformer n’importe quel morceau en hymne à la liberté, et au dévalement de pente en planche un peu usée, hululant des slogans destroy aux alentours pour effrayer des touristes en mal de romantisme prépayé. Comptant aussi sur un humour dévastateur, empreint de noirceur fort à propos, les jeunes imbéciles proposaient quelques vannes bien placées, et surtout illustrées d’un mini-résumé de toute l’épopée, se montrant aussi rigolards qu’intense dans leurs avancées (« Radioactive Fish (Sons of Fukushima) »). Collection de plans se poursuivant à la vitesse de la gomme sur le bitume, batteur tentaculaire jamais avare d’un break qui fume, paire de guitariste n’ayant pas gardé le médiator dans leur poche, et duo vocal en triple voire quadruple dimension pour une puissance de feu laissant les poings tendus à l’unisson. En privilégiant les petites attaques courtes, le quintette a fait le bon choix, et il se dégage de leur deuxième œuvre longue-durée une intensité à faire rôtir les damnés, et des intermèdes aussi brefs que lapidaires comme « Molotov Man » ne me faisaient pas regretter d’avoir arrêté de siroter mon café. Un Thrashcore à la limite des plus pointus canons du genre, pour aller titiller la corde pas sensible des CRYPTIC SLAUGHTER et autres C.O.C, qui n’occulte pas pour autant quelques tempi épileptiques mais joyeux, troussant des constats assez lucides sur une vie pas si facile (« Monodimensional Li(f)e »). Et entre questions de mode et d’éthique existentielles (« Where Are Your Bandana ? » qu’on imagine très bien posée par Mike Muir l’air renfrogné de ces blasts auquel il n’est pas habitué) et histoires de chef de bande qui tourne fou et qui impose le Speed partout (« Mad Master »), l’aventure proposée par ces allumés est assez convaincante pour rallier à leur cause les âmes mécontentes de se savoir moroses dans un monde aussi rose.
Un rose toxique bien sûr, comme la peau d’un nouveau-né abandonné près d’une centrale fuitée, et une ambiance de saine et joyeuse terreur qui plane au-dessus de Milan quelle que soit l’heure (« Terror Over Neo-Milan »), pour une grosse demi-heure de fun débridé et de rythmiques explosées. Je ne regrettais vraiment pas d’avoir abandonné la chaise sur ma terrasse de café bondé pour rejoindre cette bande d’amusés, toujours prêts à des figures non imposées pour épater la foule concentrée. Et entre un artwork méchamment bien griffé, et un son salement bien équilibré, les WARGAME m’ont sans peine refourgué leur Dead Skaters Brigade, histoire que j’en dise du bien une fois rentré. Sauf que je n’ai pas attendu d’être rentré pour rédiger d’une plume assurée un dithyrambe complétement assumé. Ecrire ses émotions sur le vif, ça compte aussi, même si l’on vit dans un rêve flottant, et qu’on n’a jamais vraiment foutu les pieds à Milan.
Titres de l'album:
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