Joli cadeau fourni par la maison de disque danoise Emanzipation Productions avec la sortie en vinyle du troisième album de la référence nordique en matière de Death mélodique à relents Thrash PITCHBLACK. Un bel objet qui fait honneur au travail accompli par les musiciens pour franchir ce cap important, mais surtout, une quantité de musique assez phénoménale à la qualité proportionnelle au son énorme peaufiné en studio. Et il est important de souligner que les originaires de Kastrup et Copenhague ne se sont pas loupés, puisque nous étions sans nouvelles de la horde depuis la parution du EP The Download, accusant aujourd’hui huit ans d’existence. Sans vraiment savoir ce qui pourrait expliquer ce long silence, il convient de juger Death & Disbelief avec le maximum de recul, en tenant bien évidemment compte des deux longue-durée des danois, déjà parus en 2007 (Designed to Dislike) et 2011 (The Devilty). Musicalement, la donne n’a pas vraiment changé, le groupe prônant toujours cette alternance entre brutalité ouverte et mélodies prononcées, se calant sur une ligne de foi Melodeth et Death/Thrash, mais le soin apporté aux compositions prouve que le groupe a atteint une maturité incroyable, et qu’il est à présent prêt à se distinguer sur la scène internationale pour rivaliser avec les plus grands. Et si MTV avait considéré Designed to Dislike comme le meilleur premier LP de 2007, la méfiance est de mise avec treize années de distance nous séparant de cette distinction. Plus d’une décade suffit amplement pour qu’un groupe retombe dans la normalité et qu’un enfant prodigue soit considéré comme un adulte aux capacités normales. Mais avec ces onze nouveaux morceaux, PITCHBLACK nous prouve qu’il n’a rien perdu de sa superbe, et qu’il continue d’éclairer les ténèbres de son nom d’une lumière aveuglante et d’une puissance assourdissante.
Le quatuor (JP Storm: guitare, Danihjel: chant, Schou: batterie et Dag: basse), bien conscient qu’il fallait frapper un grand coup pour marquer son retour entame les hostilités de la meilleure façon qui soit. Avec un morceau à la bestialité évidente, qui ne prend même pas de gants d’intro pour nous fouiller sur le bas-côté. Ainsi, « Loco Motive » fonce comme un train lancé pleine bourre sur les quais de Copenhague avec un chauffeur ayant perdu le sens commun, et les riffs s’amoncèlent, tous plus graves les uns que les autres, alors que Danihjel hurle comme un damné pour qu’on capte bien son ressentiment. Immédiatement, l’ambiance est étouffante, la violence urbaine, et les mélodies sont momentanément remisées dans l’arrière-wagon pour que les plus bourrins ne se sentent pas lésés. Pas d’originalité, mais une efficacité incroyable pour confronter le Death Metal le plus moderne au radicalisme Hardcore contemporain, et une grosse bombe qui nous explose au visage façon attentat pas si suicide que ça. En quelques minutes, les PITCHBLACK fracassent tous les néons pour nous plonger dans la pénombre d’une brutalité extrême, et excuse sa longue absence avec brio et efficacité. Mais évidemment, aussi brutal soit un album, il se doit d’être agencé, et dès « The World Is Mine », le quatuor se rapproche de ses racines plus nuancées, et adopte une posture Thrash virile, avec des harmonies légères revenant sur le devant de la scène. Le morceau est formel, assez proche d’un FEAR FACTORY post reformation, avec toujours cette raideur dans les riffs qui s’apparente à une modulation sur des thèmes de Metal industriel. Le son, gigantesque permet à la guitare de déchirer les rideaux du doute comme un tigre lâché dans un beau salon, et l’axe rythmique concasse tout, laissant la finesse sur le bord de la route pour bien nous écraser les tympans. La sensation de puissance est telle qu’on a le sentiment de pouvoir la toucher du doigt, et on imagine bien la tête de guitare émerger des sillons du vinyle, tandis que la production nous rappelle au bon souvenir de SOILWORK et THE HAUNTED, avec ce mélange de Death mélodique et de Thrash impitoyable.
« Erase My Race » semble calmer un peu le jeu de son entame plus modérée, mais le naturel revient vite au galop, et ce mid-tempo lourd nous permet de marquer une pause dans la vélocité ambiante, sans que la brutalité générale n’en pâtisse. Totalement en place, parfaitement sûr de son fait, PITCHBLACK surpasse ses deux précédents efforts sans changer sa nature, et privilégie les ambiances, sachant pertinemment que le pilonnage systématique ne les mènera nulle part. Et même si « El Dictador » reprend la cadence folle d’un Thrash eighties remis au goût d’un jour encore plus véhément, la succession des plans, les silences placés pile où il faut, les saccades entraînantes et les reprises vocales typiquement Hardcore créent une ambiance de pit en fournaise, et nous laissent entrevoir le potentiel d’un répertoire qui deviendra véritable boucherie en live. En aménageant les morceaux pour ne pas que les charges trop rudes se succèdent dans une violence gratuite, les danois ont fait le bon choix, et nous permettent de sortir la tête de l’eau poisseuse à intervalles réguliers. C’est ainsi que le lourd et oppressant « Crumbling Sands » fait figure de bouée nineties au milieu d’un océan de brutalité 2K, tandis que « I Live In A Grave » joue l’ambivalence d’un énorme Death Metal combiné aux méthodes élitistes d’un METAL CHURCH en pleine crise de colère. Certes, la densité ambiante ne se démentant jamais, les amateurs de dynamiques fluctuantes se sentiront certainement un peu délaissés, mais on ne peut qu’être admiratif et impressionné par cet étalage de muscles bandés comme un arc de Guillaume Tell, et au moment de négocier le virage de la composition épique, le groupe s’en sort une fois encore avec les honneurs.
La responsabilité des ambitions repose donc sur les solides épaules de « Blood Tracking » qui entame cette face B à la SEPULTURA/FEAR FACTORY, avec un motif unique et hautement redondant, toujours souligné de mélodies sous-jacentes n’édulcorant pas le propos. Mais une fois cette volonté de se démarquer satisfaite, le groupe revient vite dans sa zone de confort, et lâche un écrasant « Deathbed Lullabye » qui pulvérise les derniers doutes. Sans s’aventurer en terre inconnue, sans essayer de briguer le titre du combo le plus inventif de sa génération, PITCHBLACK affirme son identité en piquant des idées à droite à gauche pour les accommoder à sa sauce. Et jusqu’au bout de l’effort, le quatuor maintient la pression, nous laissant sur une sensation de plénitude brutale totale, avec en conclusion une dernière levée de fonte sous la forme de cinq minutes synthétisant deux décennies de violence hybride (« The Way It Ends »). Après huit ans de silence en longue-durée, les danois fêtent leur retour de la façon la plus franche et honnête qui soit, et affûtent leurs couteaux pour affronter une nouvelle campagne live qui va ressembler à la pire tornade qu’ait connu l’Europe depuis 1999.
Titres de l’album:
Side A :
01. Loco Motive
02. The World Is Mine
03. Erase My Race
04. El Dictador
05. Crumbling Sands
06. I Live In A Grave
Side B:
01. Blood Tracking
02. Deathbed Lullabye
03. We Expire
04. Fra Glemsels Død at Befri
05. The Way It Ends
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