Death Is Absent

Aethyrick

13/09/2024

Autoproduction

Il n’aura fallu qu’un seul morceau à Gall et Exile pour m’embarquer dans leur nouvelle aventure. Ceci étant dit, l’exploit n’est pas si grand, puisque leur création, AETHYRICK, fait partie des groupes que j’admire le plus sur la scène Black Metal finlandaise. Cinquième album, belle constance pour le duo, qui depuis 2018 s’accroche à l’actualité via des œuvres pleines, ésotériques, et diablement (sic) accrocheuses. La recette n’a pas changé en 2024, et Death Is Absent est évidemment symptomatique de la démarche des deux musiciens. Une solide base norvégienne, des velléités mélodiques prononcées, et un véritable amour du style pour accoucher de morceaux ambitieux, progressifs, mais terriblement généreux.

Produit à compte d’auteur, ce cinquième tome renoue avec la grandeur des pays nordiques, celle qui avait permis aux premiers acteurs des ténèbres de se voir intronisés rois du mal et de la pénombre. Si bien sûr la trame reste traditionnelle, ce sont encore une fois ces arrangements brumeux qui tirent l’œuvre vers le haut, avec en exergue cette guitare intarissable et cette batterie dont la grosse caisse semble sortir des enceintes.

Enrobé dans un son gigantesque, Death Is Absent est un état des lieux de luxe pour le duo finlandais. « The Fire That Sires the Sun », ouverture immédiate ne perd pas de temps en conjectures, et installe les blasts dès sa première mesure. Cette poigne est la marque de fabrique d’artistes confirmés, sûrs de leurs options, qui n’ont guère besoin d’une intro à rallonge pour nous plonger dans leur marasme. Une fois encore, le contraste entre les passages classiques et oppressants et ces envolées rythmiques aux harmonies étranges est frappant, et constitue le ciment de cette construction aussi solide qu’un bunker, mais ouvragée comme une villa abandonnée du début du 20éme siècle.

Sans vraiment savoir qui fait quoi, AETHYRICK se dispense toujours aussi bien de précision, et fonctionne à plusieurs niveaux de lecture. On peut y voir une certaine forme d’avant-garde lorsque les dissonances déforment le tableau, comme un effort formel et bien troussé, comme une expérience de dosage parfait, et en tout cas, comme un album qui se laisse infuser dans l’âme comme un poison lent.

Pas de déviation inutile, pas de bavardage de remplissage, Death Is Absent est un concentré de pulpe de haine et de misanthropie, mais aussi un jus frais de poésie morbide et de contemplation nostalgique. On imagine très bien les deux musiciens encapuchonnés s’enfoncer dans une forêt quelconque, pour rejoindre un lieu tenu secret, et y élaborer des recettes artistiques très personnelles. L’image est frappante, et utilisée de façon promotionnelle, et décrit avec acuité ces sons tournoyants qui agressent comme des ennemis invisibles. Le chemin est donc droit mais pentu, avec ses phases de glissement dangereux, mais nul besoin de boussole. Ce sont vos sens qui vous guident.

Où ?

Au milieu de nulle part, où plutôt exactement là où AETHYRICK le souhaite. Dans un purgatoire aussi cruel qu’amer, formidablement bien dépeint par le colossal « Beyond All Death » qui se permet de voir au-delà de la mort. La vilénie de lignes vocales évidemment raclées, cette batterie qui prend une place considérable, ces riffs congelés mais romantiques, tout contribue à mettre en place un décorum de tragédie personnelle, vécue seul, à un moment charnière de l’existence.

Ce testament unique s’appuie sur une science exacte du niveau sonore. Bien qu’extrêmement puissant, ce cinquième long respire, se meut, sinue et frappe au moment opportun. S’ensuivent donc des périodes de douleur intense, dont les échos se terrent sous le monstrueux et emphatique « Midwinter Masks », mid tempo appuyé à la lancinance obsédante.

Six longs morceaux, du brio, une régularité dans la modulation, pour donner l’impression d’avancer à pas de géant tout en restant très prudent. Avec en apport ces synthés qui ne servent que de ligne mélodique ponctuelle, et un héritage BATHORY très bien digéré (« The Hands of Fate »), Death Is Absent est l’avant et l’après, le pendant et le dépendant, et plus simplement, l’un des meilleurs albums de Black traditionnel de cette rentrée 2024. On y trouve toutes les nuances de gris que l’on chérit, l’effort de composer autre chose qu’une simple complainte pénible et prévisible, et l’amour de l’artisanat de deux hommes immergés dans leur passion.

Constant de son ouverture à son terme, Death Is Absent s’autorise même avec une morgue déconcertante un final d’une qualité rare. L’aspect le plus abordable du duo y est mis en valeur, via une guitare mélodique disputant l’espace aux claviers sans leur marcher sur les touches, alors que la voix bénéficie d’une réverbération cryptique.

AETHYRICK est un grand du Metal finlandais, et compte bien garder sa place. Avec des albums d’une telle valeur, le duo n’a pas à craindre pour sa réputation. Mystère et humeur macabre, sonnet aux rimes riches mais au propos austère, Death Is Absent pose comme base l’absence de mort, qui en soit, peut symboliser un éternel recommencement. Ou un chemin unique et sans fin.       

    

Titres de l’album:

01. The Fire That Sires the Sun

02. Empyrean Silver

03. Beyond All Death

04. Midwinter Masks

05. The Hands of Fate

06. Only Junipers Grow on My Grave


Site officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 28/11/2024 à 16:28
90 %    8

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