Deathblade

Deathblade

03/09/2021

Autoproduction

Cette matinée Thrash est donc placée sous le signe de la surprise et de l’étonnement. Après m’être immergé dans les délires opératiques me voilà confronté à une nouvelle pièce de choix, qui sur le papier ne faisait pourtant pas montre d’ambitions démesurées. Je m’attendais à une tranche de vie nostalgique de plus, quelle n’en a pas été ma surprise en découvrant le premier album des anglais de DEATHBLADE, qui malgré un nom classique pratiquent l’art du contrepied et de l’ampleur avec un panache certain.

DEATHBLADE, c’est un peu le one-man-project par excellence, mis sur pied par Daniel Garner il y a trois ans. Un projet assez versatile, puisque l’année 2018 verra trois baptêmes différents pour le groupe, d’abord appelé ASCENSION, puis CATHARTIC REVERIE, puis INFERNAL IMMOLATION, avant d’opter pour ce nom plus générique, mais qui peine à décrire le contenu de ses pensées.

Logo traditionnel, confidentialité de sortie, autoproduction, programmation, rayonnement modeste, DEATHBLADE avait tout pour rester dans l’ombre de l’indifférence, laissant croire à tous ceux ne s’étant pas intéressés à son cas qu’il n’était qu’une incarnation old-school de plus à ajouter à une longue liste. Et si l’assertion a quelque chose de vrai dans le fond, la forme n’en est pas moins étonnante, et mérite d’être promue à une échelle plus conséquente. Avant de plonger ses oreilles dans cette forêt de morceaux, on remarque des yeux des incongruités dans le tracklisting. « Raze Gomorrah », et ses neuf minutes en intro a de quoi faire s’écarquiller les mirettes, mais c’est surtout le diptyque final « Biblical Infamy » / « Deathblade » qui laisse le souffle coupé : en effet, combien d‘album estampillés Thrash se permettent une doublette de vingt-cinq minutes en clôture, position d’avantage occupée par les morceaux les plus brefs et lapidaires ?

Mais visiblement, DEATHBLADE a l’habitude de ne rien faire comme les autres, et c’est tant mieux pour nous. Après quelques démos et tentatives en format court, les originaires de Dorset se sont donc lancés dans le grand bain complètement à poil, alors même qu’ils savaient que la température des eaux était largement en dessous de la moyenne. Daniel Garner (guitare/chant/programmation rythmique), Ewan Molineux (guitare) et Aiden Fitzpatrick (basse), ont donc osé l’effort Thrash du mois, en combinant la force des guitares et la nuance de l’évolution. Sorte de Proto-Thrash progressif des années 80 retrouvé dans une vieille cave de la Bay-Area, Deathblade reste une incongruité temporelle délicieusement anachronique, évoquant un mélange entre BLIND ILLUSION, MANILLA ROAD et ANACRUSIS. Un Thrash inventif et culotté, suffisamment classique pour séduire, mais délicieusement rétrograde, et flanqué d’une production pas vraiment up to date.

Troublant au départ, ce premier album se révèle vite sous un jour nouveau durant sa progression. L’ambition du compositeur Daniel Garner est papable sur chaque entrée, même les plus brèves, et il est évident que le guitariste/chanteur souhaitait proposer autre chose qu’une simple resucée vintage de plus à ajouter à la longue liste des efforts sans intérêt. Celui de cet album réside dans son désir d’échapper à la datation, et aux influences trop marquées. Pas de legs EXODUS, pas d’héritage KREATOR, pas non plus de parrainage SABBAT, le tout est résolument personnel, et désarçonne de sa volonté farouche de ne sonner comme personne.

Si la production rappellera aux anciens le son des années underground 87/88, si la programmation pourra chagriner les fans de Tom Hunting et Dave Lombardo, si le mixage aléatoire ruinera les espoirs des bassistes de Thrash toujours un peu frustrés, le tout fait preuve d’une belle inventivité dans l’adaptation du formalisme, permettant aux musiciens de proposer de belles embardées dans un contexte de pur Heavy/Thrash (« Feverish Jurisprudence »).

Empruntant de multiples directions tout en connaissant son plan de route, DEATHBLADE brosse un tableau assez étourdissant de la carte Thrash de la seconde moitié des années 80. Tout n’est évidemment pas remarquable, certaines idées sonnent encore un peu plates (et ne sont pas aidées par la fluctuance de la production, défaillante sur les reprises), mais avec une partie centrale plus classique, suggérant le meilleur de la seconde division Thrash, Deathblade séduit même dans notre contexte nostalgique à outrance de par sa volonté de brouiller les pistes et de vraiment sonner comme un produit unique.

Avec un solide travail de programmation qui ne se contente pas du « poum-tchick » habituel et des embardées de double grosse caisse pénibles, une guitare qui distille les arpèges au bon moment et les riffs maousse qui tassent le séant, ce premier album est une véritable pépite perdue dans un coffre rempli de bijoux plaqué or. Ainsi, entre la franchise rétrograde de « The Introversion of Sacrifice », et les ambitions progressives et évolutives de « Biblical Infamy », Deathblade se détache clairement de la majorité de sorties actuelles. On se prend alors d’affection pour un album hautement imparfait, qui ose des choses étranges sur le chant, qui enchaîne les parties biscornues comme si elles s’imbriquaient naturellement, et qui n’a surtout pas peur de proposer une longue suite éponyme en tant que final. « Deathblade » est donc un petit monstre qui existe par lui-même, déployant des soli tout à fait capables et des transitions assez fluides, et achève de conférer à l’album une aura unique.

Fascinant, ce premier album est une bouffée d’air frais dans la suffocation nostalgique globale de ces dix dernières années. Bricolé, assemblé avec des pièces parfois disparates, cette créature de Frankenstein au triphasé mérite votre attention, ne serait-ce que pour ses prises de positions excentriques et culottées.  

 

                                                                                                                                                                                                        

Titres de l’album:

01. Raze Gomorrah

02. Feverish Jurisprudence

03. Cessation

04. Undead Insurgency          

05. The Exorcism

06. The Introversion of Sacrifice

07. Biblical Infamy

08. Deathblade


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par mortne2001 le 29/04/2022 à 18:24
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