Donner suite à un parfait chef d’œuvre n’est pas chose facile. Les exemples sont légion de disques décevants et prévisibles, ou au contraire un peu trop ambitieux qui n’ont pas pu relever la gageure de maintenir un niveau de qualité stratosphérique. Mais certains groupes semblent avoir trouvé la formule pour ne pas glisser de leur piédestal, en optant pour la solution la plus simple qui soit : le naturel, qui revient toujours au galop. Or, donner une suite au monstrueux et miraculeux Mourn the Southern Skies semblait mission impossible tant ce comeback inopiné représentait le pic de créativité d’une scène née à l’orée des années 80 et pilotée par…EXHORDER.
Comme tout retour arrivant tardivement, je n’attendais pas grand-chose d’un disque qui allait certainement se contenter de faire du fan service sans essayer d’être créatif. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir une œuvre fondamentale, pleine de surprises, bourrée de groove et de riffs maousses, le tout agencé comme un trip immersif dans la Nouvelle-Orléans, avec ses marais, ses créatures de la nuit et autres autochtones à la mine basse. Mourn the Southern Skies, sorti il y a quatre ans tourne encore à plein régime sur ma platine, et son excellence n’a subi aucune altération avec le temps. C’est dire si un follow-up allait devoir se surpasser pour prendre sa place entre mes deux oreilles.
Defectum Omnium, l’échec de toute chose allait-il mériter son titre et devenir un machin passe-partout, utilisé dans les écoles de musique comme exemple de plantage de masse ? La question était sur toutes les lèvres, et les attentes de confirmation/infirmation allaient bon train. Et le train justement s’est arrêté dans la bonne gare. Celle qui renouvèle les valises pour du neuf et qui poinçonne les tickets avec fermeté. La violence, toujours omniprésente prenait donc le dessus pour nous offrir un nouveau chapitre encore plus furieux que les précédents.
Au centre des préoccupations, notre situation actuelle, catastrophique, et la désignation du réel ennemi. Kyle Thomas n’y va pas par quatre chemins pour expliquer ce titre qui résonne comme un constat d’échec patent et irréfutable :
Le monde est une poubelle en feu, et nous sommes tous complices de l’incendie. Les gens parlent de virus létal, bla-bla…Mais NOUS sommes le virus ! Notre planète essaie simplement de se débarrasser de ses parasites, et ses virus sont des anticorps qui nous combattent. La terre survivra, et nous rejoindrons les dinosaures, les mammouths et les tigres à dents de sabre dans l’histoire.
Afin de coller de près à une thématique pessimiste mais lucide, le groupe se devait d’enregistrer un album agressif, puissant, à la hauteur des catastrophes qui nous attendent. Pas question de sombrer dans l’atermoiement et dénoncer l’injustice, l’heure n’est plus aux regrets et aux prières, mais bien à la survie, via une machine arrière suffisamment rapide pour ne pas glisser dans l’abime de l’oubli. Alors, EXHORDER a sorti ses cartouches les plus mortelles, à légèrement accéléré la cadence de tir, et laissé place à ses instincts les plus durs.
Kyle (chant), Pat O’Brien (guitare), Sasha Horn (batterie) et Jason VieBrrooks (basse/guitare) nous proposent donc avec Defectum Omnium un album totalement extraverti, explosif, et démonstratif. Pas question de se laisser bouffer le nez par la nostalgie, même la plus bluesy, et ce quatrième album est certainement l’un des plus percutants du quatuor, pourtant peu amène en délicatesse et autres gentillesses de surface. Sans évidemment se retourner vers le passé illustre de Slaughter in the Vatican, le quatuor ose une hybridation globale de son œuvre pour lâcher un crossover échelle mondiale de première classe. Si beaucoup regretteront le parti-pris mélodique et pesant de Mourn the Southern Skies (qu’ils retrouveront pourtant épisodiquement à travers « Defectum Omnium - Stolen Hope » et « Three Stages of Truth - Lacing the Well »), d’autres au contraire salueront l’audace d’un groupe qui a su prendre des risques, et se mettre au diapason d’inquiétudes légitimes. De fait, solide comme le Rock, Defectum Omnium souligne nos échecs avec beaucoup de lucidité mais aussi pas mal de violence.
Et « Wrath of Prophecies » joue la franchise immédiate avec son tempo échevelé et ses lignes de chant méchamment grognées. On reconnaitra toute l’influence que le quatuor a pu avoir sur des groupes comme ALICE IN CHAINS via ces harmonies en background aussi amères qu’un bulletin météo de fin du monde, mais aussi cette pugnacité des premiers jours, toujours aussi effective et impressionnante. EXHORDER a donc choisi de rentrer dans le lard de ses contemporains, pour leur coller la tronche sur la vitre de leurs contradictions.
Outre une nouvelle collection de riffs à rendre fous de jalousie les EXODUS, PANTERA et SACRED REICH, on notera un travail énorme sur la rythmique, avec un Sasha Horn en constante démonstration, les baguettes agiles et la frappe assurée. Le percussionniste a vraiment donné de sa personne pour rendre les morceaux encore plus hargneux, empruntant au Black quelques astuces en blasts pour dynamiser un concept déjà crument méchant.
Entre Groove Metal vraiment provoquant, Thrash suintant et Heavy Metal bandant, Defectum Omnium sonne comme un best-of de la scène NOLA, rendant hommage à ses influences les plus évidentes. Avec ce sens imparable du déhanchement dans la débauche sonore, les américains donnent une sacrée bonne leçon à la vague old-school qui n’a pas les moyens d’un tel travail de haute volée, et nous emporte dans le marasme d’une fin du monde qui s’approche à grands pas.
Et sa bande-son est à la hauteur de ses catastrophes à venir.
Entre ces saillies ultraviolentes et sans complaisance (« Forever and Beyond Despair », Punk, Crust et vraiment velu/vilain), ces moments de lourdeur au mal de tête incurable parrainé par DOWN et toute la clique des cousins d’Anselmo (« The Tale of Unsound Minds »), EXHORDER joue avec les nuances, et opte pour le meilleur parti. Celui de la non-répétition, de l’honnêteté et de l’urgence Punk entre deux prises de tête Metal. Et le choc est souvent rude, entre la corrida mortelle de « Sedition », le passage de témoin entre DEATH ANGEL et SACRED REICH (« Year of the Goat »), et la subtilité monolithique en héritage de BLACK SABBATH et des Southern bands les plus méritants de l’histoire des Etats-Unis (« Your Six »).
Il est assez amusant de constater que ce disque sort alors que la « nouvelle mouture » de PANTERA sillonne les routes avec son line-up bricolé. Mais si vous voulez mon avis, en toute sincérité, Defectum Omnium incarne avec beaucoup plus de franchise l’héritage des frangins Abbott que cette fausse reformation avide de brouzoufs. Un héritage qu’EXHORDER pérennise en tant que légataire, mais surtout en tant que dépositaire.
Titres de l'album :
01. Wrath of Prophecies
02. Under the Gaslight
03. Forever and Beyond Despair
04. The Tale of Unsound Minds
05. Divide and Conquer
06. Year of the Goat
07. Taken by Flames
08. Defectum Omnium - Stolen Hope
09. Three Stages of Truth - Lacing the Well
10. Sedition
11. Desensitized
12. Your Six
J'avais déjà hâte d'écouter ça, mais avec une chronique pareille...
Vivement.
Pis surtout, vivement la tournée de mai prochain bordel !
Ouais du tout bon. Assez balèze pour un groupe avec autant de bouteille de sortir un album aussi "frais" ! Et puis ce côté Metal "nola" : irrésistible !
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21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
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NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
11/11/2024, 10:09