Defiled Creation

Quis Deo

25/12/2020

Autoproduction

Voilà un cas des plus intéressants ma foi, qui permet d’entamer le dernier virage de 2020 avec du jus en réserve dans le réservoir à verbe. Sorti le jour de Noël, ce premier album des américains de QUIS DEO est une vraie bonne surprise underground, de celles qui permettent de croire encore que la production mondiale est capable de s’extirper de son marasme vintage pour proposer des choses plus pensées et originales. Mal aiguillé par un site référentiel sur le créneau occupé par ce groupe, j’ai pendant quelques jours remisé cette archive dans le dossier des anonymes méritants, avant de me pencher dessus, et même si tout le monde a vu mes seins, je ne regrette pas mon geste, puisque leur premier longue-durée est de ceux qui fascinent et qui restent terriblement difficiles à classer. Car si la toile range les QUIS DEO dans la catégorie des boxeurs poids moyen, évoluant en championnat Heavy/Thrash, la réalité est toute autre, et les coups portés beaucoup plus fins et efficaces. Fondé en 2004 à Morton, Pennsylvanie, autour d’un line-up qui n’a que peu changé au cours des années (David Larson – batterie, Joshua Larson – guitare/chant, les deux frères fondateurs, Bill Pullen – basse et Jonathan Dowell – claviers), QUIS DEO ne s’est pas montré des plus productifs, attendant 2010 pour oser son premier EP, The Agony, avant de se murer de nouveau dans le silence pendant une décennie. Mais cette fois-ci, les dés sont bien lancés, et le groupe pourrait rafler la mise en proposant un mélange très intéressant de Heavy progressif, de Thrash et de Death allusif, ce cocktail conférant à Defiled Creation des allures d’hommage à la scène de Seattle des années 80, et des combos comme HEIR APPARENT, SANCTUARY ou même METAL CHURCH.  

L’écoute de ce premier album surprend, et de fil en aiguille, on se sent fasciné par cette complexité de ton qui laisse pourtant passer de nombreuses mélodies. On pense même parfois à une version plus évolutive des NWOBHM de SATAN, passé au prisme d’un OPETH un peu embryonnaire et pas encore sûr de ses mouvements. Le chant principal, clair, rappelle le timbre de Brian Ross, et sublime des compositions pleines et riches, qui se souviennent tout autant des enseignements progressifs des années 70 que de l’énergie brute des groupes de Metal des années 80. C’est ainsi que grâce à une production très fine et précise, l’auditeur peut apprécier des lignes de basse serpentines à la Geddy Lee, mais aussi des nappes de claviers très persistantes, qui ramènent la mémoire du côté de Rick Wakeman.

Bien plus qu’un simple quatuor de Heavy Thrash anonyme, QUIS DEO est donc un groupe de Metal progressif dans le sens le plus noble du terme, et un seul morceau permet de s’en rendre compte. « The Awakening », de sa pureté acoustique d’introduction place donc les pions, et incite à la rêverie, rappelant l’entame mélancolique « Crystal Ann » d’ANNIHILATOR en version plus bucolique et fleurie. Près de sept minutes pour une prise de contact, c’est un pari risqué, mais un pari remporté haut la main par les américains, qui dévoilent leurs capacités sans aucune gêne. Et si le morceau reste emblématique de la thématique de l’album, il fait partie des plus remplis, et ose un faux départ assez culotté, les fans de Metal puissant risquant d’appuyer sur la touche « stop » après avoir pris note du manque de violence. S’il est certain que d’ordinaire, les groupes préfèrent placer aux avant-postes les attaques les plus franches, QUIS DEO sait retenir notre attention par son parti-pris, et après une ou deux minutes de traitement acoustique délicat, la rythmique s’emballe, avec tant de précision qu’on pourrait toucher la ride du doigt. Soulignons au passage l’osmose totale qui lie les deux frères Larson, dont les riffs et les percussions s’entremêlent avec un talent fou, conférant à l’album un parfum épique savoureux et hypnotique.

Mais il serait aussi injuste d’occulter l’importance des claviers de Jonathan Dowell, qui n’empiète jamais sur le terrain des deux guitares, mais qui ne se laisse pas non plus remiser au fond du pré. Ses volutes et autres déliés sont fondamentaux, et soufflent un vent classique sur la tempête Metal ambiante, sans dénaturer la virilité de l’ensemble. Très capable, le claviériste parvient toujours à trouver les bonnes lignes pour aérer les riffs tendus, ou au contraire, se taire pour laisser les soli parler. La voix claire et juste de Joshua Larson n’a plus qu’à faire le reste, et l’équilibre fantastique entre les quatre instrumentistes permet à Defiled Creation de garder cette patine amateur, tout en défiant les plus grands professionnels sur leur propre terrain.

Et ce mélange des décennies est assez troublant en soi, le groupe picorant les décades selon sa faim du moment. On navigue donc entre Death/Thrash des années 90, Heavy Metal des années 80 et Progressif des seventies, sans jamais sauter du coq à l’âne. Les enchaînements sont pro, et les approches les plus traditionnelles totalement maîtrisées, comme le démontre « The Masquerade » qui en est tout sauf une. Souvent longs mais pas excessifs, les morceaux font étalage de tout le talent du groupe, qui se sent à l’aise dans toutes les ambiances, qu’elles soient délicatement Metal Folk (« Harbinger of Suffering »), ou plus généralement Heavy technique (« Empire »). Difficile de plonger l’analyse plus en profondeur, mais les quelques clins d’œil sont savoureux, et l’on reconnaît une certaine fascination pour le Canada de Jeff Waters sur l’imparable et touffu « Dogs of War » avant qu’une fois encore, le rythme ne monte dans les tours pour aller chatouiller le Death le plus velu et charnel.

Pas vraiment de point d’orgue, mais pas non plus de moment faible, QUIS DEO reste concentré et cohérent jusqu’au bout, et ne baisse pas la garde en fin de combat. « Before the Tyrant Throne » fait même monter la température sous les armures, avant que « Screams of the Neverborn » ne boucle la boucle en reprenant les thèmes déjà développés sur « The Awakening ».

Très joli cadeau que les américains nous offrent donc pour ce Noël 2020, et après seize ans de carrière, il est largement temps que le nom de QUIS DEO se propage plus loin que les frontières de l’état de Pennsylvanie.

                                                                                                                                                                                                        

Titres de l’album:

1. The Awakening     

2. The Masquerade    

3. The Summons

4. Destroyed Invincible        

5. Harbinger of Suffering     

6. Empire

7. Wither

8. Dogs of War          

9. Before the Tyrant Throne 

10. Screams of the Neverborn


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par mortne2001 le 27/05/2021 à 14:11
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