En Russie je suis, en Russie je resterai. Oui parfois les hasards du calendrier nous offrent un séjour prolongé dans une région du monde, et en ce moment, mon présent et avenir semblent complètement à l’Est alors que moi-même je suis plutôt à l’ouest.
Paradoxe intéressant en soi, mais qui n’est pas le sujet. Ce qui l’est ? La scène extrême Russe qui aujourd’hui nous présente l’un de ses représentants les plus féroces, en direct de Saint Petersburg, sous la forme d’un trio ayant banni de son vocabulaire musical les mots « commercial », « compromis », « modération » et « modernité ». Rien de péjoratif dans ce constat bien au contraire, puisqu’en termes de Thrash paillard, bestial et subtilement BM, les TANATOR peuvent faire office de chefs de file, tant leur Metal torride et paillard domine de la tête cornue et des épaules pointues le reste de la production.
Trois musiciens donc (Alligator – guitare/chant, Kannib – basse/chœurs et Neframor – batterie (live)), qui sont visiblement aussi connus sous leur patronyme d’état civil (Maxim Mikhaylov, Kannib Maledik et Nikita Antonow, membres et ex-membres de divers autres combos locaux, dont CHAOSBRINGER, PYRE ou SANCTORIUM et CHAMBER OF TORTURE), et qui se sont mis à la colle il y a maintenant presque cinq ans pour produire un Thrash qui pioche dans le passé de quoi assurer son pain (dans la gueule) quotidien.
Après un premier album paru à compte d’auteur en format tape, Possessed By Madness, Possessed By War, publié en septembre 2014, le trio a donc répété avec acharnement pour proposer une suite au moins aussi intense, et après écoute de Degradation Of Mankind, on peut affirmer sans risquer de se tromper qu’ils ont fait encore plus fort, encore plus rapide, et encore plus blasphématoire.
Le pari était pourtant difficile, mais ils l’ont relevé avec panache, et sans doute une ou deux incantations pour obtenir les faveurs de quelques démons avides de Metal brutal et sans concessions.
Autant être franc, en tant que fan absolu de Thrash old-school au léger feeling Punk et Thrashcore, j’ai vécu une véritable épiphanie de violence à l’écoute de ce tonitruant Degradation Of Mankind qui semble en effet décrire avec acuité la longue déchéance d’une espèce qui refuse d’assumer ses propres travers.
Pourquoi ?
Parce que tout sur cet album respire la brutalité sans fard, que les instrumentistes sont tous les trois parfaits dans leurs rôles respectifs, et que leurs compositions rendent hommage à un pan entier de l’extrême des années 80, tout en restant bien campé sur le sol de son époque. Pour solde de tout compte, le trio Russe lâche tout, et surtout les décibels et l’inspiration, qui se nourrit tout autant de la sauvagerie de MOTORHEAD que du Crust’n’Roll des DARKTHRONE, sans occulter les débuts de CELTIC FROST/HELLHAMMER et de la vague underground Allemande de la fin des eighties. On assiste donc à un véritable feu d’artifices explosif, qui tonne d’une rythmique infatigable mais créative, propulsant des riffs saignants et sombres dans les limbes de la stratosphère infernale d’une galaxie de bordel sous contrôle.
Au premier plan des qualités à souligner donc, des morceaux diablement bien construits, qui développent toute une panoplie de riffs accrocheurs, légèrement abrasifs, souvent basiques mais qui font mouche.
En tant que leader, Alligator assure dans les grandes largeurs, et se hisse au niveau d’un Cronos ou d’un Tom Warrior sans forcer son talent et tronçonne des parties de guitares qui vous lacèrent les neurones sans pitié, tandis que son chant écorché et menaçant vous accroche les tripes sur une partition démentielle.
Une basse énorme et grasse à la Lemmy, et un batteur qui ne rechigne pas à distiller les BPM en grand nombre, pour un banquet d’agressivité copieux et roboratif, qui parfois propose des plats de premier choix, comme ce tourbillonnant « Power » qui n’a jamais si bien mérité son nom.
Neuf pistes et rien à jeter, même pas le moindre reste un peu trop réchauffé, et une science des arrangements sobres qui permet aux recettes d’atteindre un point de perfection rustique admirable.
En faisant le choix de la concision et de la variété, le trio Russe TANATOR a mis dans le mille, et des pamphlets rudes comme « D.D.D » en ouverture ou « Axes From hell » qui le suit à la trace frappent très, très fort et nous terrassent d’entrée sans nous laisser le temps de monter notre garde pourtant éprouvée par des années à encaisser.
Ça joue vite, ça joue efficace, ça joue bien, et le tracklisting égrène ses litanies sans laisser pointer le bout de l’ennui, puisque chaque idée semble parfaitement à sa place et digne d’un très haut degré de sauvagerie.
Intros bien senties (« Waiting (For New War) »), inspiration rasant tout sur son passage dans un savant hommage à BATHORY et BULLDOZER (« Total Degradation », affolante démonstration de Thrash N’Roll qui ridiculise la concurrence), chœurs qui n’en font pas trop et jouent la parcimonie lumineuse, lyrics parfois borderline qui s’accordent parfaitement d’un tempo tribal gigotant d’un beat médium qui vous fait headbanger comme une folle (« Ebolavirus »), et final dantesque qui met le feu aux poudres avec une ultime étincelle (« Scream of Sacrifice »), Degradation Of Mankind frise la perfection dans la sauvagerie primale et l’atteint même en plus d’une occasion.
Pourtant Dieu (ou Lucifer, au choix) sait si la production Thrash vintage connaît quelques problèmes de créativité depuis quelques temps, mais il semblerait que les TANATOR n’aient cure de cette baisse provisoire de régime, eux qui foncent sans se poser de questions, sans pour autant ressasser les même plans virulents sans chercher à les enrichir.
Quelques mélodies subrepticement distillées, mais surtout, un impact immédiat et renforcé, ce deuxième album se veut point de jonction entre un Thrash en fusion et un Black de fond, et profite d’une production sans artifices pour imposer sa rudesse de principe.
Ecouter Degradation Of Mankind en 2017, c’est se replonger dans nos tendres années de thrasheur allumé, qui guettait la moindre sortie pour s’enthousiasmer, et qui hurlait à la moindre occasion de s’égosiller. En allant au plus simple sans se montrer simplistes, les Russes signent un des meilleurs albums du cru de ce début d’année et seront difficiles à occulter dans les mois à venir.
Mais faisons-fi des mots, et lâchons nous sur leur propos. Le meilleur Thrash bestial est disponible en CD, alors on se dépêche de l’acheter et d’en jouir sans se réfréner.
TANATOR de s’en priver !
Titres de l'album:
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