Le progrès, la technologie ont toujours été source de doutes et de craintes de la part de la population. Au moyen-âge, la science était souvent perçue comme de la sorcellerie remettant en cause les enseignements des physiciens et des mathématiciens de référence, la révolution industrielle a laissé pas mal de monde sur le carreau, les progrès de la médecine s’accompagnent d’une terreur quant à la progression de l’humanité sous couvert d’expérimentations fumeuses et de virus lâchés dans la nature, mais parfois, le progrès est plus insidieux, plus sournois, et s’insinue dans vos maisons sans que vous ne le sachiez vraiment. Ainsi, l’ère informatique qui a permis à tout le monde d’avoir accès à l’information n’importe où et en temps réel s’est accompagnée d’une isolation des consciences, et d’une peur de ne plus vraiment savoir qui nous sommes et à qui nous avons affaire. Sans parler de ces fake-news, d’Internet qui a méchamment lésé les artistes, des puces et relais de géolocalisation qui informent la plèbe de votre présence quelque part, et de tout ce cortège de flicage qui a rendu l’anonymat impossible.
Le Thrash a souvent été le vecteur de dénonciation des dérives globalistes, parlant de l’environnement, du collectivisme social et de sa traînée de négation de l’individualité, mais aussi des avancées qui ont permis à des esprits élitistes de dominer le monde derrière leur écran. C’est cette déshumanisation d’un monde déjà exsangue que les américains de DARK AGE OF TECHNOLOGY dénoncent aujourd’hui au travers d’un troisième album méchamment solide et puissant.
Après un premier LP éponyme en 2018, rapidement suivi par un Ragnarok rageur en 2020, les texans n’ont donc pas traîné pour mettre en forme leurs récriminations conceptuelles et musicales. En formation resserrée de trio, DARK AGE OF TECHNOLOGY dégage une puissance phénoménale, et nous propose avec Dehumanify de nous pencher sur cette époque moderne de communication biaisée, de surveillance étatique, et de solitude accentuée par la lumière d’écrans qui peinent à masquer l’ombre menaçante de la solitude.
Ted D (batterie), Ben Randolph (guitare) et Alex Crews (guitare/chant/basse) dévoilent donc leurs craintes, et leur rébellion. Avec cinquante minutes de musique pour neuf morceaux, les trois musiciens n’ont pas lésiné sur les arguments, qui immédiatement frappent de leur brutalité. Car si le trio admet rapidement sur son Bandcamp des influences qu’il juge évidentes (TESTAMENT, SLAYER, OVERKILL, METALLICA), leur réalité musicale est toute autre, et pas forcément ancrée dans un passéisme de rigueur, qui de toute façon dénoterait trop eu égard au concept choisi.
C’est ainsi que dès les premières mesures de « Indomitus », l’auditeur prend acte d’un Thrash flirtant avec le Death Metal le plus abordable dans les faits. Entrée en matière lourde comme l’enclume du destin, riff lancinant, échos mélodiques, accélération impromptue, le groupe passe immédiatement en revue le cahier des charges du Thrash moderne, et nous sert bouillante une prédiction funeste. Malgré son autoproduction, DARK AGE OF TECHNOLOGY dispose d’un son ample, et peut immédiatement compter sur la complémentarité de ses guitares, et sur ce chant caverneux et rauque de Crews, qui éructe plutôt qu’il ne grogne. Le phrasé très imposant du chanteur et sa capacité à manier les riffs les plus complexes est assez bluffante, et rapproche souvent le projet d’un Techno-Thrash sourd et épais, bien que les prouesses techniques soient plutôt à chercher du côté de la fluidité des enchaînements et dans la disparité des idées. Les soli, très carrés et mélodiques sont pertinents, et la cohésion entre les trois musiciens est palpable. Avec ce petit côté GRIP INC malmené et gonflé aux stéroïdes, Dehumanify affiche la morphologie d’une créature virtuelle en guerre contre son propre monde, et si ses muscles ne sont pas forcément les plus saillants du marché, sa manière de les utiliser est très convaincante.
Véritable maelstrom sonore, ce troisième album fait honneur à son statut d’œuvre pivot, non par son culot, mais par sa solidité rythmique. Avec des pistes plus ambitieuses de l’envergure de « The Great Crusade », cet album se démarque de l’évidence de la production actuelle, et permet quelques exactions progressives du meilleur goût, sans pour autant dénaturer sa puissance assourdissante.
Certes, le tout est encore un peu empesé et rythmiquement compact, mais la ligne est bien tracée, les exercices rythmiques de décalage sont probants, et si les guitares restent encore en terrain balisé, quelques idées plus culottées permettent de remarquer le talent de composition. On se laisse facilement amadouer par cet avertissement contre l’asservissement, spécialement lorsque les ambiances se font plus nuancées et aérées (« Revolt of the Peasants »), ou au contraire, lorsque l’atmosphère adopte des inclinaisons plus catchy et séduisantes (« Daemonifuge », mid tempo en rouleau-compresseur).
On soulignera évidemment le caractère répétitif des harangues d’Alex Crews, qui gagnerait à moduler ses inflexions, mais le travail global est suffisamment remarquable pour qu’on excuse quelques erreurs d’aiguillage. Manquant encore de précision dans le rendu, Dehumanify adopte les réflexes robotiques d’un système binaire qui régente nos vies, mais ne dénonce pas assez musicalement parlant cette déshumanisation qui nous guette à chaque clic inutile. Mais l’album est bien ancré dans son temps et ses craintes, et nous prévient des dérives de plus en plus intrusives à venir.
Titres de l’album:
01. Indomitus
02. Stormbringer
03. Omnissiah
04. The Temple Beneath the Sand
05. The Great Crusade
06. Revolt of the Peasants
07. Daemonifuge
08. Exothermic Antagonist
09. Dawn of the Final Darkness
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