Le but du jeu est avoué, et connu de tous. Faire la musique la plus agressive, la plus puissante, la plus irritante, bruyante, noire et concassante possible, et la compétition est ouverte, depuis de nombreuses années. Mais certains à ce petit jeu s’en tirent beaucoup mieux que d’autres, qui sombrent dans le grotesque du chaos et de la panoplie intégrale du sous-zéro (ou sous-héros) incapable de faire la différence entre pied de nez au solfège et fête de patronage à fond les ballons pour faire chier ses voisins. Parce qu’après tout, on peut très bien emmerder ses voisins tout en leur opposant une vraie musique. Un truc aussi dark que la nuit, et aussi noisy qu’un cri d’enfant perdu dans une cave vide. Un truc qui fout vraiment les jetons, et qui vous laisse avec une impression tétanisante la nuit, à passer des heures à regarder sous le matelas pour savoir s’il bouge vraiment, ou si l’on délire de transe.
Allez, faites le recensement des performances qui en valaient vraiment la peine ces derniers temps. TRAP THEM, FULL OF HELL, pas mal de Crust, de BM, de Noise, de Hardcore maladif, et puis le reste. Mais surtout ça à vrai dire, des brutes épaisses aux leitmotivs minces comme du papier à clopes. Et tant qu’on y est, pourquoi ne pas parler de la perméabilité de l’extrême ? De cette façon de tordre le coup aux préjugés pour laisser le Black s’imprégner du Hardcore et inversement.
Crust Black ? Oui, et finalement, le métissage a du bon dans le bricolage. Parce que ça aussi, ça rentre dans les règles du jeu. Faire la musique la plus agressive, la plus puissante, la plus irritante, bruyante, noire et concassante possible. Et sur le tapis, les originaires de Chicago de MORAL VOID ont mis une belle mise, et semblent avoir une bonne main. Un poing plutôt. Celui très serré qu’ils nous collent dans la gueule via leur premier longue durée, Deprive.
Un monstre de violence et de véhémence qui rappelle les plus grandes heures de la non alternance entre vitesse et brutalité, qu’ils marient avec une aisance sans pareille.
FULL OF HELL, TRAP THEM, NAILS, voilà des références qui en jettent. Si vous y ajoutez la crème du BM le plus sale, et celle du Hardcore ne l’étant pas moins (CONVERGE, BRUTAL TRUTH, MAYHEM, DARKTHRONE), vous obtenez cette énorme bombe qui vous pète à la tronche sans retardateur, décomposée en dix éléments, et qui prend une bonne demi-heure à exploser complètement. Alors certes, on connaît la fragmentation qui consiste à noircir la haine Core d’une virulence Black, mais admettons qu’elle est ici poussée à ses extrêmes les plus éloignés. En termes de fureur, d’oppression et de glaciation des sens, Deprive est une machinerie tellement bien huilée que son essence coule dans vos veines quelques secondes après injection…létale. Deux EP, d’égale qualité, un split, et puis le grand saut, dans le vide d’une moralité qui n’a d’autre juge que ses propres vices, qu’elle a assumés depuis fort longtemps. Une ode à l’ultraviolence si chère à Alex, qui de son siège et face à son verre de lait reste goguenard devant une telle démonstration de vilénie, que même Kubrick n’aurait pas pu anticiper. Un viol des sens et du libre arbitre, via l’une des musiques les plus absolues qui soient, et qui se sert de rythmiques purement Crust pour y apposer à la volée une bordée de riffs aussi Hardcore que Black, un peu comme des scies circulaires sur les avant-bras tranchant des chairs pales d’une lune déjà morte.
Quel tableau, mais quel effort aussi pour tenir la distance. Et on finit complètement à plat, le cœur, l’âme, les muscles, mais aussi la conscience, qui refuse de croire qu’un être humain est capable d’une telle somme de méchanceté musicale…pas si gratuite que ça.
Parce qu’en plus, ces trois là (Rus Holler, Matt Russell, Ryan Emmans) ont redoutablement bien agencé leur approche, en commençant par les titres les plus immédiats, et en progressant constamment vers une longueur traumatique qui nous enfonce un peu plus le clou dans l’oreille. Ainsi, le son de l’entame cathartique de « Harvest » est l’un des plus abominables qu’il m’ait été donné d’entendre, avec sa distorsion au-delà de toute raison qui fait rouiller sur place un des riffs les plus vilains de l’histoire du Blackened Core. Et comme l’expression est lâchée, autant l’employer pour juger sur pièce du monstrueux « Callous » qui laisse en effet les mains calleuses de trop se protéger le visage de la déflagration.
Dur, rapide, intense, et intelligent, une combinaison diabolique que le trio décline comme toute responsabilité. Car après tout, si vous êtes encore là, c’est que vous le voulez bien non ?
Alors profitez-en pour imaginer un CONVERGE dopé à l’amphétamine FULL OF HELL, et vous toucherez du doigt la quintessence de l’atrocité qui vous attend et qui est pourtant délectable, jusqu’à la dernière goutte. Car entre des horreurs bruitistes comme les quarante-six secondes de « Dust », propres à ridiculiser tous les groupes de D-beat suédois, et le long et souffreteux « Shadow », qui se doomise d’une basse lugubre et de guitares absurdes, le panel est large, et les moyens de vous faire souffrir nombreux. Entre rapidité excessive et lancinance, le groupe n’a pas choisi, et manie ses instruments comme des scalpels nous retirant le derme couche par couche, pour nous laisser les muscles à vif, sans anesthésie.
« Bereft » dénote d’ailleurs un esprit vraiment sadique, de ses dissonances et de ses itérations cycliques purement Black, alors que « Martyr » avoue enfin le but global, nous transformer en héros d’une cause qui est forcément la nôtre. Celle d’une quête d’absolu, visant à aller toujours plus loin, pour satisfaire notre addiction à une fièvre que rien ne saurait apaiser. Beaucoup penseront que ce carnage presque propre a des airs de déjà-vu, et n’auront pas tort. Pourtant il y a quelques chose dans le refus de lumière qui me pousse à croire que les MORAL VOID sont encore plus dénués de moralité que les cadors de la terreur que sont les références citées en amont, et qu’ils risquent fort de pousser le fight club de l’abomination musicale à revoir ses propres règles.
Sur Deprive, rien ne semble perfectible, ni mesuré. L’excès est présent à chaque instant, et nous oblige à faire face à notre propre violence, comme les spectateurs d’un snuff musical, aussi écœurés que vicieusement fascinés. Mais c’est surtout la validation d’une mutation du Hardcore qui se rapproche de plus en plus dangereusement du nihilisme BM, et en épouse les contours les plus définitifs. Mais prosaïquement, c’est surtout un album qui peut sans peine se hisser à la hauteur d’un Trumpeting Ecstasy ou d’un You Will Never be One of Us. Et c’est assez ironique d’ailleurs. Parce que maintenant, les MORAL VOID sont l’un des vôtres, grâce à Deprive. Et ça, dans votre démarche aveugle, vous ne l’aviez pas vu venir…et vos pauvres voisins non plus…
Titres de l'album:
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30