Premier album/EP pour le projet parisien WNTRHLTR, longtemps considéré comme un one-man-band articulé autour de la pensée de son leader Winterhalter. WNTRHLTR, à prononcer Winterhalter, du nom du peintre Franz Xaver Winterhalter, mais aussi tiré du mot Winterhalter, qui signifie « gardien de l’hiver », se propose donc d’explorer des propres sentiments, et notamment celui du deuil, que l’on retrouve partiellement dans le titre même de l’album. En effet, Deu.Ils, ou Deux Ils, ou Deuil, renvoie à ce sentiment de perte connu par le musicien lorsqu’il a perdu son père alors qu’il avait trente ans.
Deu.Ils est donc un exutoire pensé d’abord comme un album solo, pour pouvoir poser des mots sur cette douleur, mais aussi, laisser ses proches comprendre ses propres sentiments. Un disque fondamentalement humain donc, cathartique d’une certaine façon, qui décrit en musique des émotions complexes, mais qui justement, évite bien des discours stériles que seule une victime de perte proche peut ressentir. De fait, Deu.Ils reste un album contrasté, empli de lumière et de ténèbres, décrivant avec une belle acuité la lutte perpétuelle d’un être déchiré par ses propres démons qu’il souhaite maîtriser, apprivoiser, pour ne plus avoir à subir leur diktat.
Enregistré au Studio Sainte Marthe à Paris, mixé et masterisé par l’incontournable Francis Caste (HANGMAN’S CHAIR, BUKOWSKI, KICKBACK), et flanqué d’un superbe artwork signé Samuel Guigues, Deu.Ils se situe donc en convergence des genres, et propose une digression viscérale sur le thème d’un Post Hardcore fort et abrupt, qu’on sent influencé par les références du genre, dont NEUROSIS, TENGIL, et nombre d’autres artistes mixant avec bonheur la violence la plus crue et la contemplation mélodique la plus pure.
En tant que chef de projet, Winterhalter aiguise sa guitare, dont il tire les riffs les plus massifs, et éructe ses textes avec l’énergie du désespoir d’un patient sur la voie de la guérison artistique. Comme possédé par son sujet, le musicien parisien lâche tout, exprime ses sentiments les plus enfouis, et utilise les méthodes du docteur Janov pour mettre un cri d’honneur à cette période de deuil entamée il y a quatre ans. Ainsi, les morceaux gardent cette ligne directrice de brutalité ouverte mais pas hermétique, en imposant de courts silences, des digressions plus harmonieuses, sans pour autant édulcorer la virulence de la thématique.
On se demande même parfois si la frontière du Post Black n’est pas franchie, tant son chant se rapproche des hurlements les plus désespérés des maniaco-dépressif de la scène BM. Entre DSBM et DSPH, WNTRHLTR est un cri, que l’on ressent au plus profond de son être, à peine atténué par un prologue et un épilogue conviant la délicatesse et la douceur étrange de Laure le Prunenec (ex-IGORRR, RÏCÏNN).
Chemin de croix ou acceptation de la vérité, WNTRHLTR tergiverse alterne, penche d’un côté puis de l’autre, mais reste sincère tout du long. « Sonar » et son jeu de sons impose le son, énorme, le rythme, pachydermique, la voix, usée, et le cheminement à partir de ce point de départ est logique, avec des tendances plus franches, mais aussi des atermoiements introspectifs assez troublants.
On retiendra de ce premier album un traumatisme mis en musique, via des plages longues et explicatives, comme ce « Caught », totalement cauchemardesque, d’une lancinance éprouvante, et qui juxtapose des guitares fanées à une rythmique lasse.
Entre lumière et pénombre (« Light »), Deu.Ils est donc deux, il et les autres, je par le caractère personnel du ressenti, mais aussi pluriel dans l’expression d’un deuil auquel tout le monde fait face dans sa vie. La possibilité donc de se retrouver dans cet étalage de sentiments complexes, et de peut-être, en apprendre plus sur soi, et sur un musicien qui ne triche pas, et pose sur la table sa personnalité telle qu’il la voit et telle que les autres la perçoivent. Un bon moyen de guérir, et plus simplement, une pièce de musique âpre mais belle, pour un Post-Hardcore certes classique, mais authentique, sincère et…triste évidemment.
Mais des ténèbres jaillit toujours la lumière.
Titres de l’album :
01. Prologue (avec Laure le Prunenec)
02. Sonar
03. Caught
04. Light
05. Adored
06. Deuil (avec Laure le Prunenec)
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