Notre cher ami Serafino Perugino continue donc ses expériences génétiques de croisement de boutures internationales en nous proposant en ce mois de décembre une nouvelle association de stars. Cette fois ci, le boss a réuni deux valeurs sûres de la scène Hard Rock mondiale, et a construit un pont virtuel entre l'Angleterre et les États-Unis, provoquant une collaboration inopinée entre un guitariste au CV chargé et un chanteur devenu une référence sur la scène. Évidemment, cette collaboration respecte en tous points le cahier des charges de son label en proposant un Hard-Rock mélodique hargneux mais duveteux, aux coins arrondis et à la couette cotonneuse. Pourtant, point de doutes à avoir, une fois encore, le leader italien ne s'est pas trompé et a misé sur les bons poulains, ce que ce premier album éponyme s'évertue à démontrer en un temps imparti. Alors, quels sont les héros du jour qui une fois ensemble, voient leurs superpouvoirs décuplés sous l'émulation d'une performance collective ? D'un côté, un artiste aux multiples casquettes, qui non content d'avoir fait partie d'un des groupes les plus précieux des années 80 s'est ensuite lancé dans une brillante carrière de producteur, et de l'autre, l'un des chanteurs les plus flamboyants de ce siècle, qui depuis quelques années s'est parfaitement intégré à une bande de vieux briscards bien décidés à faire perdurer l'esprit de leur ancien mentor. Mike Slamer d'abord, qu'on retrouvait dans les rangs de STREETS, l'un des groupes les plus honteusement sous-estimés des eighties, dans lequel officiait aussi le célèbre Steve Walsh de KANSAS, et qui a produit deux albums de grande qualité il y a une trentaine d'années. Le parcours du guitariste anglais compte aussi quelques autres traces illustres (Steelhouse Lane, Seventh Key, Slamer, et Terry Brock), ainsi qu'une entame sous la bannière des CITY BOY dans les seventies, ce qui fait évidemment de lui l'homme de la situation, puisqu'en guise de sidekick, Frontiers lui a accolé la présence vocale d'Andrew Freeman, gorge des LAST IN LINE, faux tribute band des pistoleros Vivian Campbell (Def Leppard, Whitesnake), Vinny Appice (Black Sabbath) et Jimmy Bain (Rainbow), ce qui au final nous donne une équation pas si simple à résoudre.
Car une fois encore, malgré la collaboration entre deux poids-lourds (ou presque) de la scène, le résultat est tout sauf garanti. On connaît les travers d'accolage de musiciens au passé chargé, et leur travail prend parfois des airs d'autosatisfaction en musique, et non de réel travail de fond pour satisfaire l'addiction de leurs fans. Sauf que depuis quelques années, Frontiers semble être très attentif aux produits qui sortent de son usine, et ce projet DEVIL'S HAND a bénéficié d'un contrôle pointilleux, puisqu'il se présente sous la forme d'un LP finement ciselé, à l'énergie endiablée, et aux mélodies prononcées, soit la quintessence du Hard Rock mélodique que ses deux acteurs impliqués affectionnent tant. Et l'exubérance de cette musique associée à sa perfection immaculée nous offre un LP de très haute volée, de ceux qui s'imposaient il y a une trentaine d'années, à l'instar de ceux de WINGER auxquels Devil's Hand semble parfois emprunter une partie de son vocable. Mais impossible à l'écoute des onze morceaux de cet album de ne pas reconnaître la patte professionnelle de Mike Slamer, qui livre une fois encore une prestation au-dessus de tout soupçon, en tant que musicien évidemment, mais aussi dans le costume de compositeur qui lui colle si bien à la peau. Le tout n'est pas forcément diabolique comme le nom du groupe semble le laisser penser, mais diablement efficace par contre, et synthétique de tout ce que le courant Hard harmonique a pu proposer lors de ces quatre décades bien tassées. Et si l'on trouve trace, même en quantité infime, du passé des deux intervenants (et parfois même le souvenir du Rock explosif si cher au cœur d'Andrew Freeman, au sein des THIRTY STONES, de HURRICANE et même d'OFFSPRING, le côté Punk mis de côté évidemment), l'association des deux instrumentistes donne lieu non à un passage en revue de leur back-catalogue, mais bien à une œuvre nouvelle, certes assez formelle dans les faits, mais d’une fraîcheur indéniable et d'une envie appréciable, ce qui permet d'écouter des compositions agréables et souvent énergiques qui méritent toute l'attention des fans d'un Rock certes classique, mais si bien joué qu'on en pardonne quelques facilités.
D'ailleurs, Andrew Freeman loin d'être dupe affirme avec beaucoup d'honnêteté que l'album a été enregistré avec le plus grand dénominateur commun en tête. Le chanteur déclare sans ambages :
« Mon approche du chant a été la même que celle que j'ai utilisée sur tous les albums que j'ai enregistrés. J'essaie insuffler la même passion et la même conviction dans tout ce que j'écris. Certes, les morceaux co-écrits avec Mike sont peut-être un peu plus commerciaux, mais ils ont la même intensité et le même esprit anthémique que l'album de LAST IN LINE. Beaucoup de refrains à reprendre en chœur et de guitares hurlantes! Et je pense que le morceau "Devil's Hand" résume assez bien l'ensemble. Il a les mêmes éléments que les meilleures chansons de Rock que j'ai pu entendre! »
Certitudes, fanfaronnade ou réalisme musical ? La première et dernière option sont les bonnes, et il est indéniable que les deux hommes (supportés dans leur tâche par Chet Wynd à la batterie) se sont méchamment fait plaisir en enregistrant un lot de morceaux Classic-Rock qui tiennent admirablement bien la route, et qui semblent passer en revue toutes les digressions agressives et mélodiques possibles. On balance donc sans vergogne mais avec cohérence du Heavy léger au Hard-Rock incendié, laissant filtrer quelques allusions à la scène Rock des années 70, le tout mis en scène comme un produit contemporain qui ne renie en rien son passé. Si l'ouverture aux claviers proéminents de « We Come Alive » sonne comme l'introduction parfaite d'une production estampillée Frontiers avec ses couplets rageurs allégés d'une patine synthétique, « Falling In » nous replonge dans l'heure de gloire de la seconde vague de Hard-Rock US menée par un WINGER à l'appétit décuplé (d'ailleurs le chant d'Andrew prend des accents du beau Kip sur les pré-chorus), et impose un refrain que le BON JOVI le plus populaire aurait pu larguer sur les charts. Mais loin de se contenter de séduire les masses nostalgiques d'un certain esprit en vogue dans une décade hédoniste, DEVIL'S HAND se frotte aussi au Hard Rock le plus affirmé, et laisse les guitares rugir sur des interventions musclées de la trempe de « Devil's Hand » qui fond la hargne et l'harmonie dans un équilibre des forces assez admirable. Nous avons donc droit à un melting-pot d'une qualité indiscutable, et les onze titres de cette première livraison sont autant de déclarations d'amour au genre. Touches bluesy et boogie, rythmique appuyée pour burner dévoyé (« Another Way To Fly »), tempo trépidant pour tube intemporel saignant (« Drive Away »), émotion brute pour fausse balade qui atteint son but (« One More Time »), douceur progressive qui nous ramène aux plus grandes heures du Billboard (« Heartbeat Away »), et volutes de sensibilité pour cassure romantique authentique (« Justified »), et un bilan sans tâche qui fait honneur au pedigree de deux musiciens qui n'ont jamais fonctionné autrement qu'en laissant leur passion s'exprimer.
Et si certains regretteront l'absence de prise de risque, et un caractère Classic-Rock très prononcé, les esthètes du Hard-Rock le plus honnête et mélodique sauront reconnaître les leurs et célébrer un concept qui a parfaitement sa place dans une époque vouée à la nostalgie d'une musique pure et sans artifices. Et Devil's Hand d'apparaître sous son vrai jour, inondé d'une lumière de sincérité et de s'imposer comme la célébration parfaitement méritée du talent indéniable de deux musiciens aussi intègres qu'impliqués.
Titres de l'album :
1.We Come Alive
2.Falling In
3.One More Time
4.Another Way To Fly
5.Drive Away
6.Justified
7.Rise Above It All
8.Devils Hand
9.Unified
10.Heartbeat Away
11.Push Comes To Shove
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