« On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille. On choisit pas non plus, les trottoirs de Manille, de Paris ou d'Alger pour apprendre à marcher… »
Visiblement, Bruno Zamora n’a pas vraiment choisi les Philippines pour naître, et affronter une réalité somme toute assez violente et cruelle. Depuis, celui que l’on nomme Zachariah dans les milieux autorisés de l’underground s’est expatrié au Canada, et a sorti de sa veille forcée son projet KRATORNAS, qui sommeillait depuis 2009 dans les limbes de l’âme torturée de ce musicien décidé.
L’histoire de KRATORNAS remonte en fait au milieu des 90’s, 1995 pour être plus précis, lorsque trois passionnés de musique extrême unissent leur forces…avant de se séparer aussi vite qu’ils ne s’étaient rencontrés, laissant Zachariah seul aux commandes…
De ses Philippines natales, l’homme publia toute une poignée de démos, avant de parvenir à mettre au point son premier long en 2007, Over The Fourth Part Of The Earth. S’ensuivit deux ans plus tard The Corroding Age Of Wounds, avant un hiatus provoqué par un désir d’ailleurs tout à fait légitime.
Relocalisé au Canada, Zachariah décide de se remettre au travail, et élabore donc son grand retour dans de meilleures conditions, pouvant de fait proposer un troisième album digne de ce nom, Devoured By Damnation, que nous découvrons donc en ce mois de décembre frigorifié.
Et croyez-moi, ce LP a largement de quoi vous réchauffer, puisqu’il semblerait que les flammes même de l’enfer s’en échappent en larges gerbes.
Selon l’EPK fourni avec ce Devoured By Damnation, ce troisième effort du Philippin est le premier à être enregistré dans de bonnes conditions. Ses sillons transpirent d’influences classiques et démoniaques, des premiers BATHORY à DEICIDE, en passant par SADUS, TERRORIZER ou VADER, et selon son géniteur, « il prend les auditeurs pour des punching-balls ». On pourrait croire à un excès d’enthousiasme ou à des arguments promotionnels savamment distillés, mais je vous assure qu’il n’en est rien. C’est effectivement un déferlement de violence et de haine, et gageons que Zachariah a puisé dans ses années de disette et de violence l’essence primale de son inspiration qui se veut haine, ultraviolence et rejet des convenances.
Enfant du tape-trading et d’un quotidien peu complaisant, l’homme sait ce qu’il veut, et l’exprime sans ambages au travers de son médium musical. Les structures de base des morceaux sont simples, et reposent sur des attaques franches et massives. En choisissant de confronter le Thrash pur au BM le plus dur, KRATORNAS s’est ressourcé aux origines de la bestialité musicale, celle que prônaient VENOM et SEPULTURA dans les années 80, et que le Death des années 90 a rendue encore plus véhémente et crue. Alors pas de pitié, des riffs saignants et des rythmiques affolées, pour une grosse demi-heure d’agression sonore non- stop.
En substance, Devoured By Damnation est une ode ininterrompue au bordel fourchu, et sonne en l’état comme une jolie moyenne entre la crudité occulte des premières démos de BEHERIT, et l’émergence du Thrash Brésilien du milieu des années 80. Il n’est pas difficile d’y voir un crossover entre le The Oath of Black Blood des Finlandais et le Bestial Devastation des Brésiliens de SEPULTURA, avec une pointe de folie assumée de la vague Death/Grind européenne de la fin de la même décennie.
C’est certes très linéaire dans le déroulé, mais l’intensité qui se dégage des morceaux est tout bonnement hallucinante, et parfois, le maelstrom prend des airs d’opéra de maniaque en goguette, couteau à la main, prêt à dépecer la première victime innocente qu’il rencontre.
A ce titre, le morceau «Huios Diabolus » est un modèle du genre, proposant une rythmique complètement démente forçant sur les breaks et autres roulements hystériques, qu’une guitare schizophrénique vient lacérer de ses sifflantes et autres feedback, alors que le chant se dédouble à la Glen Benton, et que la basse se libère de son carcan pour brûler son manche. Affolant, affolé, dément, et fonctionnant comme une catharsis, c’est sans doute la tranche de mort la plus symptomatique de ce troisième LP qui ne s’appréhende que comme une libération bruitiste incontrôlable.
Alors certes, la variété n’est pas de mise, et chaque intervention rebondit sur la précédente. Mais c’est ainsi que fonctionne l’œuvre, alors autant accepter ses dogmes. Mais il est impossible de ne pas se laisser happer par ce déversement de fiel continu, qui ne marque aucune pause, et semble mépriser la modération par tous ses pores.
Zachariah semble avoir hérité des gênes les plus néfastes de tous ses mentors, et laisse sa nature profondément revancharde prendre les commandes, ce qui transforme Devoured By Damnation en exorcisme musical assez effrayant.
Mais pas de doute, l’homme est compétent, et sait exactement où il va. Il le démontre d’ailleurs dès l’entame « Spit On God », qui ne fait aucun mystère de son message blasphématoire. Blasts de folie, cris de dément en pleine schizophrénie, guitare acide et corrosive, pour une succession de plans joués à une vitesse hallucinante pendant plus de quatre minutes. Condensé de BM teinté de Thrash diffus, l’attaque se poursuit de case en case, et nous sautillons sur les braises incandescentes de « Dead Burning Christ » qui ne change pas d’optique et accentue même la tension, pour atterrir avec peine sur «Evil Is Reborn, » qui justifie son appellation à chaque note en fusion.
Morceau le plus long du lot, mais pas le moins intense, il propose un chant sous mixé dans la grande tradition misanthropique de BATHORY, qui lance ses incantations sur fond de rythmique à la VADER, pour une orgie Black dégoulinant de stupre gluant.
L’exil Canadien aura donc profité à ce musicien de l’extrême très attachant, qui s’il ne révolutionne pas l’underground, lui offre une caution animale indéniable.
Un album en exutoire, qui récompense des années de souffrance et d’obstination, et qui mérite largement votre attention. Intense, bordélique, Devoured By Damnation est un hymne dédié aux vrais amoureux de l’underground, ceux qui se moquent d’avoir un album en cassette ou en CD pourvu qu’ils puissent en apprécier les excès.
Titres de l'album:
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30
Un bouquin est sorti là-dessus, "The Tape Dealer" de Dima Andreyuk ( fanzine Tough Riffs)...
10/02/2025, 15:31
Toute ma jeunesse.Mais franchement, je ne regrette pas cette période : Le nombre d'heures "perdues" à remplir des K7s et faire les pochettes bordel... ... ...
10/02/2025, 10:16
Um som genuíno e nostálgico.Eu olho para Um poema morto, com grande carisma, com a esperança de que a boa e velha desgraça dos anos 90 ainda respire. Abstract Existence, talvez, seja o &(...)
09/02/2025, 11:22