Si DESTRUCTION et AT THE GATES avaient fauté un soir de pleine lune, trompant pour le premier la scène Thrash allemande et le mouvement Néo-Death mélodique suédois pour le second, ils auraient probablement eu un enfant très turbulent, qu’il sauraient prénommé BLOODLETTER. Presque nouveau venu surfant sur la vague nostalgique, ce quatuor de Chicago n’en est pas à son coup d’essai, mais bien à son troisième album, le virage en épingle le plus difficile à négocier.
Les quatre musiciens américains (Tanner Hudson – basse, Zach Sutton – batterie, Peter Carparelli – guitare/chant et Pat Armamentos – guitare), forts d’un bilan plus que positif établi consécutivement à la parution d’Under the Dark Mark en 2018 et Funeral Hymns en 2020, se présentent de nouveau à nous le torse bombé et la confiance remplie à ras bord. Et ils auraient tort de faire profil bas, puisque A Different Kind of Hell est une tuerie digne de ce nom, frappant entre nostalgie et modernité, avec cette petite touche crossover qui fait la différence avec le reste du troupeau.
Fan de Thrash, touille la tambouille, et tu découvriras de gros morceaux appétissants, entre le charnel TESTAMENT, l’épicé OVERKILL, et le bouillant DESTRUCTION. Un beau mélange donc pour un plat de résistance qui laisse repu, le ventre tendu et l’estomac satisfait. Sans vraiment changer leur mode de préparation, les américains accentuent leur empreinte, et appuient là où ça fait du bien. D’ailleurs, conscients de ne rien bousculer, les musiciens se contentent de se placer dans une excellente moyenne Thrash old-school, en dosant impeccablement les passages groovy et les accélérations inouïes.
La rythmique formée par Tanner Hudson et Zach Sutton se permet même quelques fantaisies en blasts de temps à autres, pour bien faire décoller la machine, tandis que le duo de guitares animé par Peter Carparelli et Pat Armamentos ose les mélodies imposées, quelque part entre les tierces de la NWOBHM et les licks californiens de la Bay-Area. Le tout est donc formidablement bien équilibré, joué avec les tripes, mais pensé, ressenti, et restitué le plus honnêtement et sincèrement possible.
De fait, « The Howling Dead » place les billes, pose les jalons, et établit le parcours avec un souci d’exhaustivité remarquable. Car quatre-vingt-dix pour cent du tracklisting est moulé du même modèle, entre ruades violentes mais souples, et attaques en piqué en mode mouche tsé-tsé.
Classique mais exubérant, propre mais débridé, carré mais sauvage, A Different Kind of Hell est une petite merveille de savoir-faire, dans un registre fondamentaliste. Pas question de déformer les modèles à disposition, mais en gardant la possibilité de transformer le prêt-à-porter en sur mesure. La redondance cyclique nous ramènera évidemment du côté de l’Allemagne Thrash des années 80/90, mais la précision dans les harmonies, la variété des ambiances, rappellent clairement la Suède des nineties, lorsque le vocable Thrash et le lexique Death étaient réinterprétés à la nordique.
Un peu ASSASSIN en plus calme, GAMA BOMB en moins récréatif, BLOODLETTER ne se pose pas de question inutile, et fonce droit devant, en prenant soin de bien dégager le chemin. Ainsi, les riffs précis, les soli harmonieux et veloutés, le chant râpeux et effronté, tout contribue à surchauffer la chaudière pour faire exploser les oreilles des fans d’un Thrash viral, mais capital.
Une fois de temps en temps, la structure change pour fricoter avec l’habileté d’un ANNIHILATOR de début de carrière (« To Darkness Damned », diablement séduisant et bien méchant), ce qui permet de reprendre son souffle. Car l’apnée de la vélocité est assez sévère, et une fois que le quatuor vous tient par la barbichette, il ne vous lâche plus, même si vous riez. Mais il n’y a pas de quoi rire sur cet album, plutôt de quoi sourire de plaisir. Pas plus de trois minutes et quelques par titre, une concision agréable donc, pour un inventaire des astuces Thrash, utilisées à bon escient.
Recensons. Saccades, BPM, lignes vocales hargneuses, soli pertinents, breaks à l’avenant et humeur chafouine, tout y est, vous pouvez remballer le sac à reproches. Le seul formulable à la limite concernera la tendance à se fixer sur une progression unique, tout en incluant quelques passages techniques (« Lord of Pain »).
Du Metal de tradition donc, rehaussé par une méchanceté plus moderne. Les premières secondes d’intro de « Flesh Turned to Ash » font penser à du DISSECTION reprenant CARCASS, alors que « Obsidian Offering » joue la carte d’un métissage Thrash/Death sur moins de deux minutes. De l’aisance donc, des influences, évidemment, mais beaucoup d’envie et d’énergie, et un passage de témoin largement dans les temps.
Ecoutez A Different Kind of Hell, en imaginant DESTRUCTION folâtrer avec AT THE GATES. L’image peut choquer, mais le résultat reste le même.
Titres de l'album :
01. The Howling Dead
02. Blood is Life
03. Bound & Ravaged
04. From Hell They Came
05. The Last Tomb
06. His Will Be Done
07. Obsidian Offering
08. To Darkness Damned
09. Lord of Pain
10. What Lies Beneath
11. Flesh Turned to Ash
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