Du Thrash aux forts relents Hardcore, qui n’est fondamentalement pas du Crossover, ça intéresse quelqu’un ? Parce que si tel est le cas, j’ai reçu une livraison fort intéressante de la perfide Albion, qui compte nous envahir via l’un de ses représentants les plus obscurs, mais pas des moins combatifs. Formé en 2018, BLACKLIST fait partie de cette jeune relève de la garde anglaise, qui n’hésite pas à piocher dans l’héritage national et international de l’extrême pour construire sa propre expérience, et ce premier album tombe à pic pour rappeler que l’Angleterre Thrash du nouveau siècle n’a heureusement pas grand-chose en commun avec son armée des années 80, qui faisait bien piètre figure sur le champ de bataille.
Danny France (guitare), Curtis Goodyear (basse), Matthew Warburton (batterie) et Tyler Larkin (guitare/chant), soit un seul musicien d’origine et des pièces rapportées en cours de route nous proposent donc une tranche de violence typiquement européenne dans les faits, mais agrémentée de cette lourdeur Thrash qu’on retrouvait dans les meilleurs pièces des CRO-MAGS, que l’on peut appréhender comme une version plus légère des miraculeux et plus récents ENFORCED, soit un mélange assez agressif et pugnace entre Thrash raisonnablement véloce et Hardcore méchamment féroce.
Impeccablement produit, ce premier longue-durée enregistré seul dans son coin ose donc le classicisme puissant des années 80 revu et corrigé 2021. Chœurs proéminents comme toute formation Core sous égide AGNOSTIC FRONT qui se respecte, riffs épais à la DEATHWISH, attitude virile, pour une grosse branlée de quarante minutes ou presque, qui laisse quelques dents sur le trottoir de Blackpool. Et si la visite guidée est ludique, elle ne vous permettra pas pour autant d’aller admirer les illuminations locales, très connues, mais vous proposera plutôt un trip dans les bas-fonds les moins recommandables de la ville, là où la seule loi qui règne est celle du plus fort en gueule. On en prend bien conscience en encaissant la guerre de tranchée de « In The Trenches » qui ne ménage pas les effets pour faire virer les avions juste au-dessus de nos têtes. Gros son, rythmique pugnace, guitares en baïonnette, chanteur au timbre ferme qui préfère la harangue musclée à la provocation hurlée, la tactique est en place, et la bataille s’annonce rude. Avec quelques mélodies en filigrane pour éviter la boucherie, ce premier titre de Disciples Of Time replace les débats dans leur contexte, et expose des arguments solides, mais construits.
Pas question donc ici de Thrash rétrograde produit à la chaine dans une usine locale, mais bien de recyclage d’idées pérennes pour faire honneur aux deux styles qu’affectionnent ces musiciens redoutables. Pourtant, inutile de vous attendre à un Crossover rigolard à la GAMA BOMB, ici, c’est le sérieux qui domine et un regard sur la société qui prime, et l’horizon est plutôt chargé en nuages noirs de pollution.
On craque assez rapidement pour cette franchise de ton, et « Buckets Of Blood », en gardant solidement le cap, ne laisse planer aucun doute. L’efficacité prime, et la production, parfaitement calibrée par un mixage futé, laisse certes la basse aux arrière-postes, mais propulse les guitares comme des balles qui sifflent dans vos oreilles. Avec un batteur à l’assise incontestable et un chanteur qui impose ses lignes comme un général motive ses troupes, BLACKLIST fait rapidement oublier le formalisme de son nom pour se détacher des lignes vintage ennemies. On aime ces refrains scandés comme des slogans dans un stade de foot archibondé, on aime ces quelques allusions au patrimoine américain de SLAYER (« Crucifix », tout y est, on s’y croit complètement), ces quelques samples qui plombent l’ambiance déjà bien sombre, et ces accès de colère Core qui coulent dans les veines comme une rage centenaire (« Blood On The Sand »).
Pas grand-chose à jeter dans ce premier jet de bile, et une assurance qui fait plaisir à entendre. Avec quelques EP’s et singles comme CV, le groupe étonne de sa mise en place et de sa confiance, et ose même des choses plus évolutives, comme cet infernal et chaotique « Buried Alive », au tempo louche et bancal. « Disciples Of Time », et son beat moins raisonnable fait office d’hymne indispensable, et la fin d’album consolide les bonnes impressions, nous livrant même une tranche Thrash de vie qui tâche avec l’écrasant « Plague Doctor », lourd comme un inédit de King et Hanneman des années 90.
Beau boulot donc pour ces anglais qui concassent, qui pulvérisent mais avec beaucoup de pertinence et d’intelligence. Un Crossover conséquent, lourd à porter, mais qui dévie de la trajectoire un peu trop second degré des groupes du cru actuels.
Titres de l’album:
01. In The Trenches
02. Buckets Of Blood
03. Crucifix
04. Blood On The Sand
05. Buried Alive
06. Disciples Of Time
07. Plague Doctor (feat. Wayne Dorman)
08. Vengeance (feat. Liam Stubbs & Daniel Lucas)
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21/11/2024, 08:46
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