Il y a les branques, et puis il y a les vrais branques. Et dans le monde de l’extrême libre et affranchi de toute contrainte, les exemples ne manquent pas. Mais autant admettre que les brésiliens de TEST font partie d’une catégorie spéciale, très relevée, symptomatique d’une génération de créatifs qui n’admettent aucune règle, et acceptent encore moins des barrières et carcans.
TEST en est déjà à son quatrième longue-durée, treize ans après ses débuts. Quatre albums certes, mais un nombre conséquent de splits, des live en-veux-tu-en-voilà, une poignée de formats courts, mais surtout, et le plus important, une attitude, et une éthique. Ils appellent ça « le filtrage ». Ils refusent en effet l’accumulation, et lorsqu’ils intègrent de nouveaux éléments à leur approche, ils en dégagent d’autres. C’est assez inhabituel, mais ça vous garantit une écoute pleine de surprises, et bien loin des généralités Death/Grind usuelles.
Adoubés par les frangins Cavalera et Shane Embury, les deux brésiliens (Barata - batterie, João Kombi - guitare/chant) sont des adeptes de la guérilla sauvage, et n’hésitent pas à s’imposer dans des contextes ne leur étant pas réservés. Comprenez ceci : les gus se pointent dans un combi Volkswagen, avec un générateur, et jouent aux portes des festivals sans vraiment y être invités. C’est une aventure hors du commun, et le mieux, c’est que ça fonctionne, puisque le concept a même partagé des scènes officielles avec le gratin, dont NAPALM DEATH, CARCASS, CANNIBAL CORPSE, EXODUS, BRUJERIA, MAYHEM, MORTICIAN, ou DILLINGER ESCAPE PLAN.
Je vous le disais, ces deux-là sont des branques, des vrais.
Alors, au menu de ce quatrième longue-durée, ironiquement baptisé Disco Normal, beaucoup de choses. Un exercice rythmique foudroyant, des déviations méchamment étranges, quelques airs de samba pour la couleur locale, un chant traité, et un enregistrement pas banal du tout. Dans les rues, sous un pont, dans un wagon abandonné avec des micros bricolés pour l’occasion. On est loin du tout luxe des grands studios, mais ce procédé permet à l’album de ne sonner comme aucun autre, comme un témoignage live pris à un instant T, éphémère, mais durable de par sa qualité musicale.
TEST n’est pas vraiment un groupe de Death/Grind. C’est plutôt un concept bizarre d’extrême bouillonnant de créativité, qui explore les possibilités de l’impro, et qui n’hésite pas à envoyer valser les structures de composition formelles. Alors, si certains titres vous paraissent sans queue ni tête, rien d’étonnant à cela : c’est fait exprès, et si ça vous dérange, c’est encore mieux.
Percussions en constante évolution, guitare qui explore toutes les possibilités sonores et ne se contente pas de riffs prémâchés, osmose incroyable entre deux musiciens qui se connaissent bien, et vogue la galère sur la mer de l’incertitude, comme un happening génial donné en pleine rue passante, durant une période touristique. Alors pour les cartes postales de Rio et autres clichés de carnaval, vous pouvez vous brosser et repasser plus tard.
Il est impossible de comparer Disco Normal à quelque chose d’existant. Ce disque tout sauf normal est une incongruité géniale, un travail de passionnés, une immersion dans la folie et un BA-BA du DIY, le genre de chose qu’on peut parfois dénicher sur Ipecac lorsque Mike Patton cède à sa schizophrénie et s’acoquine avec des partenaires aussi barrés que lui.
Un peu MR BUNGLE débridé, un peu PAINKILLER sans les crises de nerfs de John Zorn, quelque chose de NOMEANSNO dans le rythme, et puis finalement, une conception à la RESIDENTS, refusant toute logique, et tirant la bourre à des BUTTHOLE SURFERS particulièrement farceurs. Ainsi, « Nem me Vê » est insupportable, bruitiste au possible, sorte d’incantation chamanique pour atteindre un nirvana bien mérité, mais encore assez abscons dans sa définition.
Vous avez toujours une ou deux idées, un ou deux plans pour vous raccrocher au wagon dans lequel cette pirouette a été enregistrée. Des choses peut-être un peu plus simples, mais pas convenues pour autant. Car le but du jeu est de provoquer, de stimuler, et de jouer ce que l’on ressent, logique ou pas. De fait, « Eles Voltam » est aussi génial qu’effrayant. « Esquema Tático de Destruição em Massa em Nome de Jesus » honore enfin les Dieux antiques du Rock n’Roll pour transformer MORPHINE en trio de Black/Death affreux et méchant.
On n’écoute pas TEST pour se distraire ou agrémenter une soirée tranquille entre amis. Non, on l’écoute pour se tester justement, et savoir si l’extrême Free est supportable dans des conditions originales.
Libre. Voici un mot qui sied à merveille à ces deux marsouins. Vous ne les enfermerez jamais. Ni dans une petite case, ni dans une cage. Alors, n’essayez même pas.
Titres de l’album:
01. Derrama
02. Eureka
03. Ódio em Espera
04. Fama/Fome
05. Olhos Vazios
06. Nem me Vê
07. Eles Voltam
08. Deixe e Saí Daí Vai Viver
09. Só se D.E.R., mas Faz
10. Cascavel
11. Esquema Tático de Destruição em Massa em Nome de Jesus
12. Outro
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