En lisant la bio de ces charmants chiliens, je me rends compte que l’opiniâtreté paie. Si certains se laissent abattre par les aléas du destin, qui s’échine souvent à mettre des bâtons dans les roues de mobylette, d’autres au contraire gardent la tête haute et le regard enflammé, certains qu’à un moment donné, la chance soufflera de leur côté pour leur permettre de se faire connaître à une plus grande échelle que celle disposée à l’arrière d’un bar de quartier. Jugez du peu. Ces originaires de Santiago du Chili ont commencé leur carrière en 2008, et ont dû patienter presque dix ans pour pouvoir sortir leur premier album, alors même que leur line-up paraissait solide dès les origines, ainsi que leur style. Mais si le service militaire a fait des ravages chez bon nombre de combos il y a quelques décennies, il semblerait que la poisse et le mauvais hasard l’aient remplacé avec les mêmes contraintes…En plus de neuf ans, le groupe n’a pas été capable de garder une formation stable, voyant ses musiciens ouvrir et claquer la porte avec une régularité effarante, les écartant de fait du chemin des studios pour enfin graver une œuvre qui n’aura pas été de tout repos. Mais ces constantes fluctuations de personnel ont permis au moins aux PRIMERO MUERTO de trouver leur style, moins générique que ce que leurs aspirations initiales ne laissaient entrevoir, et glisser d’un Metal assez passe partout vers un Speed plutôt teigneux, avant de s’abandonner à un Thrash au groove contagieux. Et c’est sous cette forme que nous les retrouvons aujourd’hui, même si l’héritage du passé a laissé quelques traces en s’incrustant dans le filigrane de compositions moins linéaires que celles de bon nombre de leurs collègues.
Alors, le résultat de ce long passage au purgatoire de l’anonymat ? Un Thrash intelligent, joué tout sauf à l’avenant, qui percute de ses breaks intelligents et de sa hargne patente. Et ça valait largement le coup d’attendre pour en arriver là, même si le groupe commençait à en être un peu las.
Quintette puissant et efficace (Johny Reyes - batterie, Brian Rhamer - basse/chœurs, Emerson Ordenes - chant, Cristian Toro et Simon Nahuelan - guitares), PRIMERO MUERTO nous narre donc ses vues sur le Thrash moderne via ce Dividen Para Gobernar, aux inspirations sociales et à la haine internationale. En laissant le cours des choses influer sur leurs préoccupations, les chiliens se sont donc orientés vers des problématiques génériques et humanistes, rejoignant donc les rangs des plus grands dénonciateurs d’inégalités. Si les dictateurs politiques et les contrôleurs de pensée appliquent donc ce principe séculaire de diviser pour mieux régner, les chiliens eux préfèrent fédérer, en appliquant à la lettre les enseignements du Thrash de la Bay Area, qu’ils diluent dans quelques principes Hardcore purement sud-américains et ibères en général, tutoyant donc de près une sorte de Crossover global convaincant et modulant. Inutile donc de vous attendre à l’énième attaque Thrash linéaire du mois, puisque le quintette n’a pas choisi la voie de la facilité brutale, en mâtinant ses grognements de prouesses rythmiques tout à fait convaincantes. Si l’on pense inévitablement à une multitude de références que je ne nommerai pas pour la centième fois, leur personnalité transpire de morceaux qui expirent d’une méchanceté à la SLAYER pour mieux nous amadouer d’une fluidité à la MUNICIPAL WASTE, le côté rigolard toxique en moins. Ici, on fait son boulot sérieusement pour procurer le maximum de plaisir, sans travailler par-dessous la jambe en se voulant trop léger pour impressionner. Et un morceau aussi fondamentalement fatal que « Venganza » le prouve sans ambages, en multipliant les diversions et changements d’horizon, sans le sacrifier à la concision. Et c’est justement cette créativité dans l’homogénéité qui fascine, les plans s’enfilant avec une facilité déconcertante, laissant les solistes intervenir à loisir sans empiéter sur le terrain de leurs alliés. Agrémenté de quelques samples bien choisi, ce premier album est empreint d’une fabuleuse maturité, et justifie de sa qualité les dix années passées à errer en attendant que l’heure soit venue de démontrer ses qualités.
Et « Organizacion Criminal » en intro est la plus belle démonstration dont le quintette pourrait rêver, avec son festival de riffs en saccades, smooth et tranchants comme une attaque des DEATH ANGEL. On se laisse porter par cette bascule permanente entre Thrash classique et Groove moins typique, sans que les fondamentaux ne soient altérés. De la modernité dans le classicisme, tel est le leitmotiv de cette horde de barbares aussi intelligents que talentueux, tous d’un niveau plus que respectable, ce qui leur permet d’agrémenter leurs titres de petites idées simples mais bien trouvées. Des chœurs purement Hardcore viennent encore dynamiser l’ensemble, qui prend des allures de festival d’aisance, et « Manipulacion Noticiera », le troisième morceau, nous convainc de sa rythmique échevelée de la pertinence des motifs accélérés, qui restent toutefois dans des balises mesurées. Hargneux, le groupe l’est, tout autant que courageux, mais leur mesure dans la déchirure permet un confort d’écoute ne trahissant jamais un extrémisme déplacé, un peu comme si les OVERKILL dansaient la gigue de la révolte en compagnie des ANTHRAX pour une danse endiablée n’oubliant pas les slogans au vestiaire (« Pan Y Circo »).
Les minutes passent mais jamais l’intérêt ne trépasse, puisqu’outre une paire de guitaristes très inspirés, le quintette peut s’appuyer sur un bassiste complètement possédé, qui fait claquer et rouler sa basse comme ses yeux devant l’espoir qui trépasse (« Sentencia », au phrasé heurté malmené), et sur un batteur qui ne rechigne pas à cogner, tout en laissant ses baguettes méchamment percuter (« Intolerancia », encore un truc que Scott et Charlie n’auraient pas renié). Le chant d’Emerson, très râpeux, grave et nerveux, se veut plutôt monocorde mais se laisse heureusement amadouer par des chœurs bien enrobés, et lorsque les cinq musiciens remisent leur mesure dans leurs chaussures, l’ambition crève le plafond d’un Thrash presque progressif en constante évolution (« Contrataque », sept minutes de démonstration qui laissent les oreilles en coton), pour se hisser à la hauteur d’un TESTAMENT de milieu de carrière, sans en singer le mauvais caractère. Difficile en tout cas de ne pas craquer pour ce Thrash rondement mené, qui profite de petites pirouettes rythmiques pour s’immiscer dans la mémoire collective, et d’une multiplication des plans comme Jésus multipliait les pains pour les affamés. On pourrait d’ailleurs parler de résurrection à propos des PRIMERO MUERTO, qui s’ils n’ont jamais trépassé, sont longtemps restés dans un coma provoqué. Saluons-donc leur retour dans le monde des vivants, en écoutant ce Dividen Para Gobernar qui gouverne en s’imposant, et non en divisant.
Titres de l'album:
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