Très sincèrement, je n’ai pas vraiment envie de me faire tirer les cartes par ces deux-là. Ni lire les lignes de la main, encore moins les rides dans le marc de café. Il n’en ressortirait que du mauvais, du sale, du déviant, du miséreux, du morbide, et une conclusion inévitable : la mort, et certainement plus tôt que prévu.

Il est d’ailleurs difficile de croire que ce duo de monstres s’est formé en chaude et ensoleillée Californie. On les imaginerait plus volontiers de Detroit ou Portland, une ville désolée sans chaleur humaine, qui incite en effet à une introspection de trop. De celles qu’on règle un canon dans la bouche et le mur maculé de sang.

Les deux membres de SLOG sont des hyperactifs de l’underground, dont je reproduis ici le CV par pure admiration. A la batterie et au chant, Jared Moran, qui officie de concert dans 54R, ACAUSAL INTRUSION, ACRID TOMB, ANGE DE LA MORT, AR'LYXKQ'WR, BLACK SPELLS, BLOODSICK, BURIAL CURSE, CAVE, CONJURATION TRANCE, CORPSE ARISE, CYNOCEPHALUS, DRAGON BLANCO, DRAUG, EATS AIDS, ER MURAZOR, EVAPORATED SORES, FERAL LORD, FILTHEATER, FLESH CONFIGURATION, FLITTERING, FORESTFATHER, GASTRIC PHANTASM, HOLLOWED IDOLS, ILLITHILICH, INNER SPHERE, IRRADIATED MARROW, ISHIMURA, KAMIKAZE PILOTS, LOUCHING, MAGGOT CROWN, MORGUE WALKER, MOUNTAIN OF BEARD, MYRKRIDIA, OBSIDIAN HOOVES, OCCULSED, OUT OF THE MOUTH OF GRAVES, PARANOID SCHIZOPHRENIA, PSIONIC MADNESS, QQGCGUVHJN, RAUM, SERMON OF ROT, SHOKUSHU GOUKAN, SPAWNING VATS, SUBTERRANEAN BIRTHRIGHT, TACIT ANNIHILATION, TENDRILS LOOM OVERHEAD AS MOSS BELOW, THE BREAKING WHEEL, THE PLAGUE DOCTOR, ULTIMA WEAPON, UZUMAKI, VERTEBRAE FETISH TOTEM, VOID BLIGHT, XVART, YZORDDERREX, ZOMBIE RAIDERS, ZVYLPWKUA, SCOWL, et encore quelques autres plus anecdotiques.

A la guitare et à la base, on retrouve NT, au palmarès plus modeste mais néanmoins fourni (ACAUSAL INTRUSION, BLACK SPELLS, BURIAL CURSE, EYESLIT, FERAL LORD, ILLITHILICH, MOLDERING VIBRATION, NOTHING IS REAL, OUT OF THE MOUTH OF GRAVES, PSIONIC MADNESS, SCHIZOCHRISTO, SERMON OF ROT). Et lorsque deux musiciens se targuent d’une telle multiplicité d’engagements, le boucan produit est proportionnel aux nombre de projets qu’ils ont sur les rails.

SLOG est l’un des plus laids, mais aussi l’un des plus intéressants. Dans un registre de Doom morbide légèrement teinté de Black Metal, il propose une lourdeur insupportable multipliant la pesanteur d’un ENCOFFINATION et la haine viscérale d’un GNAW THEIR TONGUES. Tout y passe, les riffs renoncés, les accélérations gigantesques, les allusions à l’extérieur (Grind, Death, etc…du moment que ça fasse du boucan), la voix évidemment caverneuse comme un disciple de Platon dans sa grotte, et quelques mélodies rachitiques et maladives qui ne font qu’accentuer le malaise déjà bien palpable.

J’aime ce genre d’exercice lorsqu’il va jusqu’au bout de sa démarche. Et les deux vilains n’hésitent pas à en rajouter dans les grimaces grotesques et ce sentiment de claustrophobie qui nous étreint dans les espaces restreints. « Illuminated Expansion » mesure justement la surface allouée, et ne vous attendez pas à plus d’un mètre carré. Un espace qui ne permet ni de rester debout, ni de s’asseoir, encore moins de s’allonger. Et pourtant, quelques soli propres et Rock n’Roll donnent l’illusion de pouvoir s’extraire de cette prison putride, aux murs remplis de graffitis de désespoir.

Le début de l’album, déjà bien grave et gras, fait la part moche au Crossover le plus global de l’extrême. Du Death qui pue l’ossuaire sans étanchéité, du Sludge brisé par un Doom oppressant, des cassures qui font très mal aux articulations et autres cervicales, et en toile de fond, une atmosphère de relents nauséeux, puisant son inspiration da la fosse commune géante d’un cimetière de Los Angeles.

Mais loin des méchants qui appuient gratuitement sur les plaies, SLOG est un concept pensé et réfléchi, et surtout, diablement intelligent. Divination propose une progression logique, qui nous enfonce de plus en plus loin dans un inconnu flippant, à la recherche de repères inexistants. Une manière d’arrêter le temps pleine de panache, et qui nous laisse prendre nos distances avec la mouvance old-school trop collante.

Comme si UNSANE s’intéressait soudainement aux atermoiements du Doom, SLOG évoque les aspects les plus déprimants de la vie, mais les plus enthousiasmants du masochisme. Loin d’une simple logorrhée cryptique usante au bout de quelques mesures, ce second longue-durée offre un voyage sans retour, avec étapes préparées et final anticipé.

On gardera pour la bouche fragile le remué « Theurgy Equinox », pour les puristes l’insistant « Labyrinth Amulet », et pour les esthètes, la doublette finale « Self Value That Utilizes Them » / « Eucharistic Purification », long chemin de croix qui offre à l’album une apogée bien méritée et attendue.

La laideur n’a d’égale que la lucidité. Ce monde est devenu une épreuve quotidienne, avec son lot de souffrances, de peurs, de névroses et de renoncement. Et SLOG - qui l’a très bien compris - ne fait qu’en accentuer l’horreur de son Sludge/Doom/Morbid Death impitoyable, mais franc.     

Titres de l’album:

01. Illuminated Expansion

02. Synthesis Sequencer

03. Creeping Flora

04. Theurgy Equinox

05. Labyrinth Amulet

06. Bequested Endowment

07. Self Value That Utilizes Them

08. Eucharistic Purification

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