Divine Comedy : Inferno

Bestial Invasion

14/11/2021

Autoproduction

Techno-Thrash et Thrash progressif semblent venir d’un autre temps, lorsqu’un genre aussi figé essayait de s’extirper de sa condition de musique lapidaire et sans autre prétention que le headbanging de chambre ou de petites salles de concerts. Nul n’a oublié les pionniers du genre, les suiveurs doués, les inspirés ambitieux, mais force est d‘admettre qu’aujourd’hui, le genre n’est plus guère pratiqué que par quelques irréductibles qui n’ont jamais pu se remettre de l’écoute de TOURNIQUET, WATCHTOWER, DEATHROW ou toute œuvre signée par Ron Jarzombek. Alors, heureusement, ces irréductibles n’ont cure du caractère légèrement passéiste de leur démarche, et sortent des albums parfois maladroits, souvent intéressants, et parfois même, fascinants. C’est le cas de ukrainiens de BESTIAL INVASION, qui de leur nom pourtant donnent le sentiment de vouloir éloigner les érudits et les amateurs de précision instrumentale.

BESTIAL INVASION, c’est pourtant l’anti-DESTRUCTION par excellence, si l’on met de côté des albums comme Release From Agony et Cracked Brain. Fondé en 2014 à Sumy, avant de se relocaliser du côté de Zhytomyr Oblast, ce quintet aux moyens individuels et collectifs incroyables a déjà exposé ses vues sur la question progressive via trois albums aussi recommandables que Act of Retribution (2015), Contra Omnes (2017) et Monomania (2019, tous parus à deux ans d’intervalle, espace temporel que respecte d’ailleurs ce petit dernier Divine Comedy : Inferno.

Si la référence à Dante Alighieri n’aura évidemment échappé à personne, c’est surtout l’adéquation entre le thème et son illustration musicale qui frappe à la première écoute. Nul n’ignore qu’il est incroyablement ardu de mettre l’œuvre phare du poète florentin en musique, sans sacrifier la folie au profit de l’art, ou au contraire de sombrer dans la grandiloquence en ignorant la cohérence. L’enfer de Dante étant incroyablement baroque, il convient de trouver le juste équilibre entre la portée émotionnelle et le maelstrom de silhouettes évoluant dans les flammes et les ténèbres, et à ce petit jeu de cache-cache fragile, les ukrainiens se montrent habiles compositeurs, et techniciens hors-pair.

Entre Thrash de tradition, Symphonic Metal aux proportions raisonnables, Power Metal mélodique joué par des élèves de conservatoire en pleine euphorie, mélange de fragrances entre TOXIK et le classique italien, Divine Comedy : Inferno est plus une performance hallucinante qu’un simple quatrième album. Sans renoncer à ses principes de brutalité, le quintet ajoute une dose incroyable de démence instrumentale et de folie mélodique à son Thrash d’inspiration nineties, et nous offre sans aucun doute l’album le plus fort et intense de cette fin d’année. Et croyez-moi, dans une époque rongée par le conformisme old-school et le copié/collé malhonnête, cette sensation est une vraie bouffée d’air frais.

Vakhtango Zadiev (chant), Serg MP (basse), Alexander Klaptsov (guitare), Denis Shvarts (guitare/claviers) et Andrey Ischenko (batterie) se montrent donc sous leur jour le plus flatteur, et soignent des compositions à spirales et à tiroirs, pour nous entrainer dans un enfer poétique, ludique, et surtout, incroyablement enivrant et apte à donner des suées aux amateurs d’acrobaties les plus chevronnés et les moins impressionnables. Dans un déluge de sextolets, de prouesses rythmiques, de cassures impromptues, d’accélérations dantesques, de parties opératiques évanescentes, BESTIAL INVASION fait fi des schémas classiques pour adapter sa musique au chef d’œuvre italien du quatorzième siècle, au point de flouter la frontière séparant le Metal symphonique du Techno Thrash évolutif, ce qu’on ressent sur un morceau aussi fou que « Anger ».

Mais quelle autre meilleure façon de traduire les péchés capitaux en musique que de sombrer dans les affres de leur ressenti, à la manière d’un Fincher qui décrivait le blasphème sous la pluie incessante de New-York ? Pour accoucher d’une telle œuvre, les ukrainiens se sont payé le luxe de quelques invités de marque. Nous retrouvons donc sur la guest-list des noms aussi prestigieux que ceux de Josh Christian (TOXIK), John Gallagher (RAVEN), Jason Gobel (ex-CYNIC, ex-MONSTROSITY), ou André Grieder (POLTERGEIST, ex-DESTRUCTION), et peu importe que certains d’entre eux ne soient intervenus qu’à l’occasion d’un solo ou d’une intro chantée, puisque leur participation est une caution voire même un adoubement assez émouvant.

Le track-by-track est évidemment proscrit pour ce genre d’œuvre, mais sachez que l’inspiration ne baisse jamais de régime, que les chœurs grégoriens occupent une place importante dans les compositions, que les soli donneraient tous des frissons aux anciens poulains de l’écurie de Mike Varney, et que l’équilibre entre la puissance et la mélodie n’a jamais été aussi stable.

Mais la force de BESTIAL INVASION git ailleurs que dans la complexité et la précision de ces compositions. On la trouve sous les pierres de l’individualisme, puisque cet album ne ressemble à aucun autre, et se permet même de sonner inédit dans un monde ou les pierres de rosette sont sous vitrine blindée depuis longtemps. 

Je ne rentrerai pas dans les détails pour souligner telle ou telle prouesse de basse (et il y en a beaucoup, à la mode Tony Choy ou Steve DiGeorgio), ou pour mettre en relief des riffs énormes et des soli aussi précis qu’un scalpel de chirurgien (mais beaucoup rappellent le talent de maestro de Josh Christian sur Think This), ni pour souligner le talent de percussionniste d’un batteur digne héritier de Gene Hoglan et Hellhammer. Je me contenterai de dire que dans un océan de convenance et de linéarité, Divine Comedy : Inferno est un radeau de la méduse sur lequel il fait bon naviguer sans cap autre que l’inconnu de la beauté.

     

 

                                                

Titres de l’album:

01. Limbo

02. Lust

03. Gluttony

04. Greed

05. Anger

06. Heresy

07. Violence

08. Fraud

09. Treachery


Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 16/12/2021 à 17:33
90 %    755

Commentaires (1) | Ajouter un commentaire


loliloa
@5.51.210.183
27/12/2021, 20:38:00

Quelle daube.

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Obscura + Gorod + Skeletal Remains

RBD 17/02/2025

Live Report

Doom, Rock'n'Roll & Vin rouge

Simony 10/02/2025

Interview

Voyage au centre de la scène : le tape-trading

Jus de cadavre 09/02/2025

Vidéos

Carcass + Brujeria + Rotten Sound

Mold_Putrefaction 28/01/2025

Live Report

Carcass + Brujeria + Rotten Sound

RBD 23/01/2025

Live Report

Antropofago + Dismo + Markarth

RBD 16/01/2025

Live Report

Sélection Metalnews 2024 !

Jus de cadavre 01/01/2025

Interview

Voyage au centre de la scène : MONOLITHE

Jus de cadavre 15/12/2024

Vidéos
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Styx

De rien, avec plaisir amie métalleuse.   

20/02/2025, 19:34

Moshimosher

Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...

20/02/2025, 19:08

Humungus

J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...

20/02/2025, 18:52

l\'anonyme

Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé. 

20/02/2025, 09:27

Simony

Hello Styx, problème remonté à notre webmaster, merci.

20/02/2025, 08:00

Tourista

Ça devient de la chaptalisation ce rajout permanent de groupes.

20/02/2025, 06:42

LeMoustre

Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci. 

19/02/2025, 17:51

Styx

Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.

19/02/2025, 16:32

Ivan Grozny

Merci pour le report, ça me tente bien d'y aller jeudi à Paris.

18/02/2025, 22:44

Jus de cadavre

Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !

17/02/2025, 21:39

Saul D

Moi je regrette quand même le line up des années 80...mais bon....

17/02/2025, 14:08

RBD

Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)

17/02/2025, 13:18

Humungus

Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)

17/02/2025, 06:50

RBD

C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)

15/02/2025, 18:14

Humungus

Super titre !Cela donne envie putain...

14/02/2025, 09:45

NecroKosmos

Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)

14/02/2025, 05:50

Warzull

AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)

13/02/2025, 18:38

Jus de cadavre

Toujours le même riff depuis 35 ans    Mais toujours efficace !

13/02/2025, 17:13

Simony

Excellente initiative, dommage que je sois si loin !

12/02/2025, 07:08

RBD

Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)

12/02/2025, 01:30