Pourquoi diable s’intéresser de près à ce qui semble n’être qu’une énième exaction Heavy Metal allemande dans la plus pure tradition de la sidérurgie nationale ? D’une parce que le projet en question n’est pas allemand, mais Suisse. De deux, parce que sous un nom nouveau se cache plus ou moins un ancien projet né en 1996 et ayant moult fois changé de nom. On trouve trace de GOMORRA en 1994 sous le baptême de THE GONORRHEAS, qui a œuvré jusqu’en 2000 avant de se glisser sous l’identité réduite de GONOREAS juste avant la publication d’un premier EP. Avec pas moins de six LPs à son actif, ce groupe représentait la quintessence d’un Power Metal tirant sur le Thrash light, et l’identité de son guitariste et principal compositeur est la troisième raison de se pencher sur le cas de ce Divine Judgement. On trouve en effet dans les rangs du groupe un monsieur Damir Eskić, qui depuis 2019 officie aux côtés d’un certain Schmier, dans les rangs de DESTRUCTION. Le grand public a découvert le volubile guitariste lors de la sortie de Born to Thrash, le dernier pamphlet viril des allemands légendaires, et c’est donc avec une certaine curiosité qu’on se demande à quoi a bien pu s’occuper le six-cordiste durant toutes ces années. Lorsqu’il était encore dans l’ombre, Damir préparait déjà le terrain, en se fascinant pour les travaux des grands modèles, IRON MAIDEN, SLAYER, METALLICA, AC/DC, désirant mixer le tout pour proposer au public une musique musclée, mais néanmoins mélodique. C’est donc à un changement dans la continuité - ou l’inverse - auquel nous avons droit en 2020 avec la naissance de ce nouvel ancien projet qui en renouvelant son line-up n’a pas vraiment changé de direction, mais plutôt affiné l’ancienne. Un Metal qui déborde de vitalité, de virilité, de dextérité, l’ami suisse s’en donnant à cœur joie sur ses cordes.
Produit par le vétéran V.O. Pulver au Little Creek Studio (DESTRUCTION, BURNING WITCHES, NERVOSA...), Divine Judgement est donc une affaire solide de Heavy Thrash mélangeant la solidité allemande et la fluidité américaine, pour réconcilier les fans de SCANNER, PRIMAL FEAR, SANCTUARY et METAL CHURCH. Beaucoup de densité donc, un son énorme typiquement germain, pour une musique qui trouve son ancrage dans l’approche d’outre-Rhin. On décèle dans cette philosophie l’agressivité typiquement locale, et après une très courte intro, le premier hymne « Gomorra » met clairement dans le bain. Entame franche en percussions déchaînées, riff épais, mid tempo appuyé, voix d’airain qui nous replonge dans les affres des années SANCTUARY, pour un résultat qui dépasse toutes les espérances en termes d’efficacité. On sent le souffle lyrique du groupe nous arriver en pleine face, bien déterminé à s’imposer comme la nouvelle valeur montante d’un Power Metal qui a relégué tous les poncifs sur les étagères des mauvais souvenirs. Refusant la plupart du temps la facilité d’un Heavy trop prévisible, et les gimmicks les plus lénifiants du Power, GOMORRA propose sa propre version d’une fusion JUDAS PRIEST/METALLICA, jouant crânement son jeu sans se poser de question. Evidemment, celle de l’originalité se pose, tant les morceaux développent un classicisme indéniable, mais l’énergie développée est telle qu’on en excuse l’absence d’ambition, puisqu’en plus les guitaristes nous incendient de soli tous plus incandescents les uns que les autres.
Jonas Ambühl (chant), Damir Eskic & Dominic Blum (guitares), Nico Ardüser (basse) et Stefan Hösli (batterie) s’appuient donc sur leurs compétences respectives pour trousser des chansons solides, légèrement épiques sur les bords, mais avant tout d’une conséquence indéniable. On retrouve la flamme d’un véritable Heavy Thrash franc du collier, qui n’est pas sans rappeler dans l’ambiance les atmosphères étranges de TOURNIQUET, sans les expérimentations les plus alambiquées. Bien sûr, la moitié des plans au moins peuvent être anticipés pour peu que vous soyez un expert en la matière, des accélérations propulsant les saccades aux accalmies soudaines, mais en acceptant ce formalisme, il est tout à fait possible de se délecter de la superbe d’un album vraiment majestueux, aux nombreux moments de bravoure, à l’image de ce diabolique « Brother We're Damned » au lick redondant à l’extrême. Blâmer un groupe parce qu’il choisit la sécurité ? Certainement pas lorsque ça n’est pas au détriment de la qualité, et avec de petites pépites Power de la trempe de « Cleansing Fire », il est impossible d’en vouloir à GOMORRA d’avoir privilégié l’efficacité à la prise de risques, qui de toute façon ne garantit jamais un résultat concluant. Certes, les quelques scories crèvent parfois les oreilles, spécialement lorsque le groupe se perd en terrain lourd, accusant le poids de décennies de riffs à l’allemande pas forcément probants (« Out Of Control »), mais lorsque les musiciens reviennent dans le giron d’un RIOT époque Thundersteel, la machine rugit et le plaisir est décuplé (« Angels Amongst Us »).
Pas de temps à perdre en bavardages inutiles, et on a parfois le sentiment d’assister à un impromptu entre ACCEPT et les légendaires WILD DOGS (« Never Look Back »). Profitant d’une production impeccable aux chromes rutilants, le groupe joue sur du bitume frais, et déroule sans étape. Osant les arrangements grandiloquents pour approcher la quintessence du Power Metal des années 90 (« The City Must Fall »), GOMORRA, sans forcément éviter tous les pièges d’un Heavy un peu faisandé (« Children Of The Land »), s’offre donc un nouveau look pour une ancienne attitude, et nous convainc de sa foi sans faille en un Metal pur et non édulcoré. Il y a encore un peu de chemin à faire pour se transformer en tête de file, mais en évitant de se poser en pendant positif de SODOM en faisant allusion à la légende des deux cités maudites, GOMORRA offre plus de plaisir que de frustration, même si les instincts restent parfois un peu trop fascinés par le formalisme à l’allemande. Un nouveau départ tonitruant, qui laisse augurer du meilleur pour un nouveau chapitre d’une ancienne aventure qu’on prendra plaisir à suivre.
Titres de l’album :
01. Canaan
02. Gomorra
03. Hope For The Righteous
04. Brother We're Damned
05. Cleansing Fire
06. Out Of Control
07. Angels Amongst Us
08. Never Look Back
09. The City Must Fall
10. Children Of The Land
11. Flames Of Death
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30