Do Not Go to War with the Demons of Mazandaran

Lowen

04/10/2024

Church Road Records

Et si ?

C’est une question millénaire qui appelle des centaines de réponses, toutes aussi imprécises et fantasmées les unes que les autres. Tiens, par exemple. Et si Devin Townsend et Anneke Van Giersbergen avaient collaboré sur un projet aux reflets Doom. Ou : et si THE GATHERING avait gardé son style d’origine en l’amplifiant au maximum, pour produire une musique aussi riche que lourde et progressive ? Et si Natasha Khan était venue faire quelques back-up ? Autant de questions qui d’ordinaire seraient restées lettres mortes, et qui trouvent aujourd’hui une réponse toute faite et bien pratique. Alors, à tous ces « Et si », je réponds : LOWEN.

Cette réponse n’est évidemment pas tout à fait exacte. LOWEN est bien plus que ces comparaisons spéculatives, et œuvre depuis quelques années à faire avancer la cause d’un Doom ample, puissant et imaginatif. Lyrique. Légèrement orientalisé. Un premier album nous avait avertis il y a six ans. A Crypt in the Stars posait les bases d’une recherche sonore dense et complexe, et nous envoutait de ses arabesques orientales. Le groupe lui-même le disait dans une courte description. S’intéresser à une culture précise, et regarder l’espace à la recherche d’un vide quelconque. Tout un programme qui n’était pas totalement détaillé en 2018, et qui en 2024 ressemble à une brochure de luxe, papier matte et lettrage affiné.

Do Not Go to War with the Demons of Mazandaran.

C’est une injonction, et il convient de la respecter. Duo de base (Shem Lucas - guitare et Nina Saeidi - chant), LOWEN s’inscrit donc dans une logique de lenteur éprouvante, mais n’est pas à proprement parler un groupe de Doom tel qu’on l’entend le plus souvent. Certes, sa musique est lourde, emphatique, mais les arrangements luxuriants, les mélodies en volutes et les écrasements rythmiques témoignent d’une envie de Metal extrême plus ouvert, et surtout, plus original. La voix de Nina y est pour beaucoup. La chanteuse ne chante pas, elle utilise les circonvolutions, ses octaves, et cette envie de planer au-dessus d’un monde à la culture ancestrale.

Le reste est évidemment confié aux bons soins d’un instrumental assourdissant, au beat lent, mais aux perspectives bien plus larges que celles offertes par le Doom traditionnel.

La pochette indique déjà que le voyage ne se contentera pas de cartes postales en noir et blanc de monuments funéraires quelconque. Ces couleurs vivantes, signées Hérve Scott Flament (L’initiation) donnent de précieuses indications quant au contenu d’un disque magique, envoutant, hypnotique, de proportions épiques. Quelques astuces permettent de se raccrocher au style d’origine, comme cette entame pachydermique sur « The Seed that Dreamed of Its Own Creation », mais il reste impossible de se cantonner à un seul genre en écoutant ce deuxième long qui finalement, est assez court.

A peine un chapitre proche de la barre des neuf minutes. C’est inhabituel, mais cette cohésion sert les propos d’un disque qui ne cherche pas à s’éterniser pour faire souffrir. Concision, un mot que l’on emploie rarement en parlant du Doom qui justement, laisse son peu d’imagination nous emmener sur des chemins de traverse, de montagne, pour mieux nous perdre dans un paysage désolé et brûlé par le soleil. Puis, recouvert d’une chape de plomb noire en hiver éternel.

Toutefois, je ne cacherai pas que la formulation des anglais se base sur des répétitions. Les quatre premiers titres pourraient n’en faire qu’un, et il faut attendre l’intro mystique de « May Your Ghost Drink Pure Water » pour s’abreuver à une fontaine différente. Ces cordes qui se superposent à un bourdon statique sont enchanteresses, et cachent des histoires millénaires. Jusqu’à ce qu’elles soient interrompues par un chaos gigantesque, de ceux qui déclenchent des prises de conscience quant à notre destin futile. Après tout, nous ne sommes que des grains de poussière dans un univers sans limites, qui nous dépasse complètement, et que nous ne comprenons que par minuscules bribes.

« Ghazal for the Embrace of Fire ». Après l’eau pure, le feu, pour un quatuor qui refuse d’être terre à terre et qui suit le vent là où il le porte.

Ce dernier morceau s’écarte du droit chemin et se fait violence, et à nous aussi. Contretemps prononcés, et batteur en roue libre, avec en arrière-plan une basse énorme qui sinue, et une guitare toujours aussi volubile. Le statisme est donc proscrit, et l’aventure prend un tournant inattendu. Devenu maître de son Metal, LOWEN monte tout d’un cran, et explose les conventions. Dans sa peau de leader possible, le groupe londonien est à l’aise, et nous laisse le soin de faire le tri dans ses nombreuses sonorités. Un peu Black dans cette brutalité ouverte, symphonique eu égard à ces arrangements foisonnants, et plus généralement Metal dans ces inflexions de base, Do Not Go to War with the Demons of Mazandaran est une guerre menée contre le conformisme et l’attentisme, une marche en avant tout sauf désespérée qui va fédérer les volontés les plus fortes.

Et si…

Non, plus de « Et si ». Juste un deuxième album qui est parfait tel qu’il est et qui n’a pas besoin de formules magiques. Le Moyen-Orient n’en sort que plus beau, magnifié, et regardant vers l’espace. Il reste de la place, et le ticket coûte un prix très modique. Embarquez-vous, et retenez tout. Les émotions ne sont pas données de nos jours.    


Titres de l’album :                                              

01. Corruption on Earth

02. Najang Bah Divhayeh Mazandaran

03. Waging War Against God

04. The Seed that Dreamed of Its Own Creation

05. May Your Ghost Drink Pure Water

06. Ghazal for the Embrace of Fire


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par mortne2001 le 17/12/2024 à 17:40
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