Après une entame tonitruante contre la Hongrie, le Portugal a méchamment ramé face à l’Allemagne et la France, au point de se retrouver troisième de son groupe, et prêt à se faire dévorer par les diables belges. Gageons que si Cristiano et ses frères d’armes avaient effectué la préparation de leur matchs au son du quatrième album de leurs compatriotes de PRAYERS OF SANITY, ils auraient joué un autre jeu, et certainement terminé sur les chapeaux de roue cette phase de poule. A propos de poule, Doctrine of Misanthropy en colle la chair de sa méchanceté et de sa violence, mais après tout, ces musiciens originaires de Lagos ont largement eu le temps de peaufiner leur approche. Existant depuis 2007 et ayant déjà lâché trois bombes longue-durée (Religion Blindness en 2009, Confrontations en 2012 et Face of the Unknown en 2017), toutes encaissés rudement par la presse et le public underground, c’est donc à nouveau prêts pour la bataille que ces trois musiciens reviennent en 2021 pourfendre la morosité ambiante de leur radicalisme Thrash formel, mais enthousiaste.
Artur (batterie), Carlos (basse) et Tiao (chant, guitare) nous proposent donc huit nouveaux titres qui décoiffent et décollent la plèvre, soutenus par le label national Rastilho Records. Produit par le groupe, enregistré et mixé par le leader Tião Costa aux ROK Solid Productions et masterisé par Pedro Gerardo, Doctrine of Misanthropy est effectivement une bonne doctrine de misanthropie, qui devrait vous aliéner l’empathie de vos voisins les plus directs, si vous jouez l’album à un volume excessif. Certes, la recette n’est pas neuve : en choisissant de confronter le radicalisme à l’allemande à la fluidité américaine, les portugais jouent le classicisme, mais le font avec une telle énergie qu’on en oublie rapidement leur manque flagrant de culot. S’inscrivant parfaitement dans la vague old-school actuelle, ce revival de boucherie chevaline ne vous laisse aucune chance, aucun répit, et entre une rythmique qui turbine comme Donald Trump sur Twitter avant son bannissement, et un chanteur/guitariste qui lâche ses meilleurs riffs en braillant comme une sorcière, le parallèle entre avant et maintenant tourne clairement à l’avantage des lusophones. Entre la légèreté de MUNICIPAL WASTE, la vilénie de WARFECT, et l’efficacité rigolarde des GAMA BOMB, les PRAYERS OF SANITY parviennent à nous faire oublier qu’ils ont pillé les idoles des eighties pour s’imposer au vingt-et-unième siècle.
A la pointe de la brutalité, allumant tout à dix bornes à la ronde, canardant les BPM comme d’autres les cartouches d’Ak-47, les PRAYERS OF SANITY nous proposent un quatrième album qui sent bon la maturité, mais qui n’a pas perdu la folie de son adolescence. Une sorte d’adulescence programmée, qui remue la tête comme un chien derrière un pare-brise, et qui rogne comme un molosse privé de son os, dans la plus droite lignée des œuvres lapidaires mais construites d’il y a trente ans.
Il y a de l’ASSASSIN là-dedans, une poignée de Crossover dans cette basse qui claque et qui fait le gros dos, et un peu de Thrashcore quand le rythme monte dans les tours façon réacteur qui fuit. Sans changer d’un iota leur formule, les trois portugais nous assomment avec des armes que nous connaissons bien, mais qui ne se grippent jamais entre leurs mains.
Des armes maniées autrefois par KREATOR, DESTRUCTION, et que l’entame « Doctrine of Misanthropy » remet au goût d‘un jour qui n’a toujours pas accepté la paix sur terre. Riff qui tournoie comme un « Mad Butcher » passé en 78 tours, ambiance de fournaise, mosh assumé, fluidité des licks, tout est en place et tourne à fond pour nous faire perdre le nord. Au pas plus que cadencé, Doctrine of Misanthropy fait tout ce qu’il peut pour s’excuser des quatre années de silence le séparant de son frère aîné, et y parvient sans peine via une rage qui transpire de tous ses plans percutants. « Sons of Royal Blood » continue le travail de sape, laisse la basse au premier plan, accentuant encore plus les intonations suraiguës et démoniaques de Tiao, pour un résultat sans appel : les tympans trépassent, la mauvaise humeur aussi, et on se retrouve replongé dans une époque bénie ou chaque sortie semblait encore plus rageuse que la précédente.
En alternant les séquences, en prônant une station sur terrain lourd (« Hide Your Hate ») avant d’attaquer comme des damnés, en passant soudainement à l’élaboration d’un plan de bataille plus conséquent, mais pas moins radical (« Abomination »), en s’autorisant des incartades plus ambitieuses et progressives (« We are Built to Suffer »), et en offrant à la fin de l’album une épaisseur conséquente, les PRAYERS OF SANITY s’inscrivent dans une tradition que les amateurs de Thrash old-school connaissent par cœur, tout en squattant le haut du panier de la production rétrograde de leur énergie incroyable.
Pour certains, le énième album revival bestial du mois, pour d’autres, de quoi boucher une rubrique de bas de page, pour moi l’assurance que le style est toujours vivant, et pratiqué par de véritables amoureux.
Titres de l’album:
01. Doctrine of Misanthropy
02. Sons of Royal Blood
03. Hide Your Hate
04. Abomination
05. V
06. We are Built to Suffer
07. Path of Sin
08. Destination Hell
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