Don’t Let Up

Night Ranger

24/03/2017

Frontiers Records

Lorsqu’on aborde la chronique du nouvel album d’un groupe en activité depuis le début des années 80, plusieurs paramètres sont à prendre en compte. La qualité du groupe en question, sa pertinence sur la durée, son parcours, ses hauts faits, et surtout, la qualité de l’album en question au regard des possibilités du combo, et sa compétitivité sur un marché contemporain de plus en plus productif.

Tous ces éléments sont évidemment difficiles à garder en mémoire lorsqu’on écrit la dite chronique en question, mais ils sont indispensables pour rester objectif. Ne pas blesser les fans de toujours, sans prendre les néophytes pour des imbéciles, ni caresser dans le sens du poil ses détracteurs histoire de rester consensuel.

Pourtant d’une certaine manière, les NIGHT RANGER sont plutôt consensuels. Depuis leurs premiers albums, les Américains n’ont jamais dévié d’une ligne de conduite mélodique, d’un Hard-Rock énergique et influencé par un AOR musclé, et en douze albums studio, ils ont prouvé qu’ils étaient l’une des meilleures références du créneau pourtant assez encombré.

Mais…

Mais il est impossible en 2017 de ne pas établir de parallèle entre un nouvel effort et les classiques du quintette, et une fois encore, la comparaison entre Don’t Let Up et les incunables que sont Dawn Patrol, Midnight Madness, 7 Wishes ou Big Life ne tournera pas à l’avantage du dernier né, qui se contente d’appliquer des recettes éprouvées en tentant de sonner aussi frais qu’il y a trente ans.

Et de ce côté-là, Don’t Let Up réussit le pari de nous présenter un NIGHT RANGER toujours aussi en place et compétitif, mordant, et les guitares en avant.

D’ailleurs, depuis 2014, le lien up s’est stabilisé autour du trio fondateur (Brad Gillis – guitare/chant, Jack Blades -  basse/chant, Kelly Keagy – batterie), d’Eric Levy (claviers, 2011) et Keri Kelli (guitares), soit la même formation depuis High Road, paru il y a trois ans, et qui avait semblé rassurer et satisfaire les fans les plus exigeants de chantres de ce Rock high on energy, qui ne crache jamais sur un apport en émotion, histoire de rendre le tout un peu plus sensible que la moyenne, sans tomber dans la mièvrerie.

Alors, au final, ce douzième tome des rangers de la nuit peut-il se ranger sinon sûr, au moins tout près des étagères dorées de leurs meilleurs méfaits ?

Oui et non, tout dépend du point de vue. Mais il a indéniablement sa place dans les sorties les plus intéressantes de 2017, malgré quelques flottements en pilotage automatique, inévitables en trente ans de carrière. Néanmoins, et hors discours promotionnel formaté, ses géniteurs ne tarissent pas d’éloges à son sujet.

Ils vont même jusqu’à comparer son premier single « Somehow Someday », à « Don't Tell Me You Love Me »…leur premier single, datant de 1983, et extrait du multi-platine Dawn Patrol. Ont-ils raison ou doit-on invoquer des arguments marketing pour expliquer cet enthousiasme ? En l’état, il est certain que ce morceau est ce qu’ils ont fait de plus entraînant et contaminant depuis très longtemps, mais on connaît l’art de ces esthètes pour composer de petits hymnes à la vie, la joie, la vitesse et l’absence de regrets ou remords.

Le titre en question est d’ailleurs du genre bondissant, et lâche un riff efficace qui s’incruste dans les mémoires, sans oublier ces parties vocales en duo qui sont une des trademark du groupe.

Alors oui, le NIGHT RANGER made in 2017 est plutôt en forme, prêt à en découdre, et nous revient avec une bordée de hits sous le bras, ce qui leur permettra de mettre le feu aux scènes mondiales sans avoir à systématiquement se reposer sur leurs plus grands classiques.

Êtes-vous prêt à partir en virée avec eux pour la douzième fois ?

Alors allons-y…

Don’t Live Up, produit par le groupe lui-même, ne dévie pas d’un iota de la ligne de conduite adoptée depuis la reformation de 1996.

On y retrouve toujours ces guitares hargneuses, ce chant velouté et partagé, et ces rythmiques on osmose qui peuvent dévaler les collines, ou rouler tranquille sur les highways. Les mélodies attachantes sont toujours greffées sur des thèmes qui respirent le Rock des années 80 par tous les pores, flirtant parfois avec des formats Pop calibrés pour rendre les foules affolées (« Running Out Of Time », le genre de pain béni qui aurait rassasié des DANGER DANGER et POISON sagement attablés).

Mais ce qui est le plus frappant, c’est cet allant dont fait preuve le quintette, un peu comme si leur carrière venait juste de débuter et qu’ils avaient encore tout à prouver. Alors ne comptez pas sur un quelconque remplissage pour s’en mettre plein les poches sans faire trop d’effort, ça n’est toujours pas le genre de la maison. D’ailleurs, Jack Blades est sans équivoque quant à l’esprit de sa troupe nocturne, même trente ans après leur prise de fonction :

« Don’t Let Up est un album enregistré par cinq musiciens qui respirent le rock’n’roll H24, et ce depuis trente-cinq ans. NIGHT RANGER va une fois de plus montrer aux fans que tout ça n’est que du Rock’n’roll, mais qu’on aime ça !!! »

Rock’n’roll bien sûr, mais toujours aussi mélodique et radio friendly, pour peu que celles-ci n’aient pas la mémoire courte et se souviennent de l’emprise du groupe sur les charts et les ondes avec des hits intemporels comme « Sister Christian », « (You Can Still) Rock in America », « Sentimental Street » et autres « Goodbye ».

D’ailleurs, dans un registre HAREM SCAREM soft meets DEF LEPPARD, « Truth » se pose là avec son mid tempo strié de soli costauds.

« Don’t Let Up », le morceau qui donne son titre au LP, saura rappeler aux aficionados la mainmise sur le créneau d’artistes comme Rick Springfield et son dernier album, Rocket Science, tandis que l’exubérant « Day And Night » nous replonge dans les jeunes années des RANGER, avec ses contretemps énergiques, et son ambiance de party, avec rythmique solide en appui, et ses chœurs à la BEATLES qui vous emmènent jusqu’au bout de la nuit.

 

Cela dit, ça n’empêche pas Jack, Brad, Kelly et les autres de céder aux sirènes d’un Rock sudiste légèrement Country («(Won't Be Your) Fool Again »), petit péché vite pardonné par la folie insufflé au burner « Say What You Want », et son pré chorus qui fait monter la mayonnaise, comme à l’époque glorieuse de « (You Can Still) Rock in America ».

Car oui, les NIGHT RANGER peuvent toujours rocker, et le prouvent sans frime ni assistance respiratoire. Certes, la sensibilité assumée de « We Can Work It Out » n’a pas la fragilité de « Sister Christian », mais ses harmonies nous rappellent encore une fois que l’AOR et les BEATLES ont toujours fait bon ménage.

Et lorsque l’acoustique sert d’épilogue sur « Nothing Left Of Yesterday » (et ses bizarres intonations à la SMASHING PUMPKINS…), on ne peut qu’apprécier, mais se porter en faux contre ce constat un peu résigné, puisque même en restant les deux pieds fermement plantés dans le présent, Don’t Let Up ne peut pas occulter ce passé si chargé. Un passé qui exige des sacrifices, des efforts acharnés pour se montrer à la hauteur d’une légende que ce douzième album n’entache jamais d’un opportunisme déplacé.

Alors, lorsqu’on doit conclure la chronique du nouvel album d’un groupe en activité depuis les débuts des années 80, un seul paramètre est à prendre en compte.

Y a-t-on trouvé le sien ? Et dans le cas de Don’t Let Up, la réponse est affirmative. Et nous ne sommes pas prêts de laisser tomber les NIGHT RANGER, tant qu’eux-mêmes continueront de croire en nous comme ils croient en leur musique.


Titres de l'album:

  1. Somehow Someway
  2. Running Out Of Time
  3. Truth
  4. Day and Night
  5. Don't Let Up
  6. (Won't Be Your) Fool Again
  7. Say What You Want
  8. We Can Work It Out
  9. Comfort Me
  10. Jamie
  11. Nothing Left Of Yesterday

Site officiel


par mortne2001 le 22/04/2017 à 14:51
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