Les subtiles touches de couleur de la pochette, évidemment en bleu, blanc, et gros rouge, les saucisses bien en évidence, pointant du gras les têtes de porc, évoquent cette France, si chère à une certaine frange politique qui s’accorde à ne retenir de notre patrimoine que ses clichés les plus éculés. Et entre Charles Trénet et la musette qui inaugurait les centres commerciaux fraichement ouverts pour ruiner les commerces locaux, PENSEES NOCTURNES s’en revient, l’œil luisant et le geste malhabile nous présenter sa version des choses, entre guinguette de guingois et orchestre de cirque qui clôture le spectacle sur une note de terreur…nocturne.
Les PENSEES NOCTURNES ont toujours été les plus dangereuses, puisque les plus franches dans l’opacité de la nuit. Les avis se donnent, les contradictions se soulignent sous une lune blafarde, et les masques tombent sous les néons fatigués d’une fête qui n’en peut plus de se finir. Alors, deux ans après le fantastique Grand Guignol Orchestra qui enfonçait plus en profondeur la ligne éditoriale de A Boire et à Manger, Douce Fange, cher pays qui nous dérange, revient avec ses cotillons ternis et son ambiance de sciure pour nous rappeler que cette même fête, aussi tragique soit-elle, peut encore faire danser les plus fidèles et les plus fous.
Le coq, verre de rouge à la main, célèbre des siècles de fierté nationale à base d’arrogance et de pinard plus ou moins goûtu. Une sorte d’ivresse le torse bombé et le marcel tâché, qui se tourne vers le maréchal et autres échoppes d’un temps ancien, lorsque la viande ne se négociait plus sous le manteau durant l’occupation. Vaerohn, en maître de cérémonie indéboulonnable arbore toujours sa tenue de monsieur loyal de l’extrême, apocalypse annoncée d’un règne culturel sur une Europe qui nous regarde toujours plus de travers. Le numéro de cirque commence donc comme d’habitude, sous les soupirs d’une foule bigarrée qui se presse mollement vers le chapiteau, cabaret de l’étrange délocalisé en banlieue pour ne pas froisser le Paris historique.
Comme d’habitude, le son énorme prend aux tympans, dès le premier pas sur la terre battue. Les instruments se tutoient et se racontent des histoires anciennes, tandis que les couches de voix, à la frontière entre la chanson réaliste et l’opéra bouffe, nous en racontent d’autres, entre carrousel démoniaque, viande fraiche au sang dégoulinant, escarmouches entre iconoclastes de la nuit, et accordéon exténué aux respirations haletantes tenant de l’extrême onction.
Entre NOTRE DAME, les bals du dimanche ravagés par un clown BM grotesque au maquillage bon marché, un DIABLO SWING ORCHESTRA de Ménilmontant, et une Damia soudainement convertie à l’église de Satan, PENSEES NOCTURNES, la cour des miracles des laissés pour compte continue son spectacle quoiqu’il lui en coûte, et nous offre avec ce déjà septième album une autre échappatoire à la réalité puante d’un quotidien fait de lutte pour survivre, d’asservissement des masses par la pensée unique des médias, et affrontements par meeting interposés de candidats misant tout sur la peur de l’autre, et de l’insécurité galopante, mais fantasmée.
L’ambiance est donc à la fête un peu étrange, entre cauchemar qui n’en finit pas et rêve de manchot qui tend quand même la main pour une dernière piécette, et si l’alcool à cet arrière-goût de vendanges trop tardives, l’enivrement est lui bien réel, près d’un bandonéon rapiécé et d’une fille de joie aux courbes charnues, mai usées par les fausses caresses.
Le carrousel tourne donc de façon erratique, s’arrêtant sur les cases les plus improbables de l’underground, les manèges à queue de Mickey moisies offrent des cadeaux poussiéreux, mais pourtant, l’exubérance magnifique, le drame qui se trame dans les coulisses, et cette instrumentation en piles qui s’éloignent du négatif au positif nous font oublier pour quelques instants les turpitudes d’une vie trop bien réglée, et incitent à l’abandon des corps et des âmes au Dieu de la nuit. Celle des cotillons fanés, celle des embrassades chancelantes, et des pas de java qui prennent des airs de claudication sous l’emprise du Beaujolais.
Vaerohn, toujours aussi excessif dans ses choix, a choisi la voie des arrangements poussés au maximum de leur rendement, et continue de bricoler dans son coin de petites pièces musicales, qui une fois enfilées, narrent les légendes les plus obscures d’un pays qui n’en manque pas. Conteur, hâbleur, un peu menteur sur les bords, mais sincère, l’auteur reste fidèle à sa ligne de conduite de déconstruction, et fait se percuter l’esprit des bals de nos grands-parents, et la démence actuelle de la scène extrême française.
Et on ne peut se contenter d’écouter Douce Fange, il faut s’y immerger et s’y saouler, comme lorsque ces pistes de danse du dimanche incarnaient l’unique exutoire d’une semaine de labeur.
Il faut en ressentir la moindre vibration, de cette double grosse caisse qui ose bousculer cet accordéon traditionnel qui chante la joie, à cette guitare qui tournoie come un vautour à la recherche d’une proie facile, et à cette ambiance de pickpocket de l’esprit qui vous l’enfume avec deux ou trois phrases musicales bien senties, avant de vous faire les poches. A prendre comme de petites vignettes tendres et cruelles, ce nouvel album s’appréhende d’abord comme un tout, comme la célébration d’une France qui part à vau-l’eau, et qui a tendance aux extrêmes. A mettre en avant son patrimoine porcin et ses vignes, ou a multiculturiser ses origines pour les rendre plus acceptables et intégrantes.
Cette France-là donne-t-elle la Gaule ?
Elle rappelle le sang versé, la collaboration, les happenings étranges et les sans-logis qui arpentent les rues à la recherche d’un coin de trottoir moins humide. Une France qui tango, qui valse, qui javase et qui jase, et finalement, notre pays, quoi que nous en disions. Alors, reprenez une fine tranche de saucisson et un peu de pâté de tête.
Et dansez à en perdre la tête.
Titres de l’album:
01. Viens tâter d'mon Carrousel
02. Quel sale Bourreau
03. PN mais Costaud !
04. Saignant et à Poings
05. Charmant Charnier
06. Le Tango du Vieuloniste
07. Fin Défunt
08. La Semaine Sanglante
09. Gnole, Torgnoles et Roubignoles
Ou alors personne n'aurait sorti de flingue, et ça aurait fini autour d'un pastis.
03/05/2025, 16:30
Faut dire quand même qu'il n'y a rien d'plus soulant que de ramasser des putains d'feuilles hein...Surtout si c'est celles de l'aut' con !
03/05/2025, 10:09
Oui je n'avais pas précisé les causes de la mort... C'est tellement cliché comme mort pour un ricain
03/05/2025, 08:34
“According to The Daily Journal, Montana was involved in a dispute with his neighbor in South San Francis(...)
03/05/2025, 08:09
Armé et dangereux, il a été flingué par la police de SF. Visiblement il est allé jusqu’au bout du concept du nom du groupe..
03/05/2025, 08:03
Oui les subventions il suffit d'un pas qu'ils perçoivent de travers (ce qui n'est pas forcément le cas dans une scène) et t'es hors système. C'est un immense problème, peu importe ou l'on se situe économiquement, dans le syst(...)
01/05/2025, 23:51
Je suis sur le dernier de mon côté, Malignant Worthlessness, sorti cette année. Du tout bon, même si il n'y a plus l'effet découverte "c'est qui ces tarés !?"
01/05/2025, 22:41
Tout le monde voyait bien ces difficultés dans l’activité de la salle depuis la pandémie, et j’étais au courant par plusieurs biais des soucis d’un autre ordre. Les lecteurs de Metalnews savent bien que je suis un habitué des lieux depuis vingt(...)
01/05/2025, 21:22
Je sais bien que je tourne en rond mais le principale problème c'est le manque de renouvellement du public, autant j'ai maudit ces courant type metalcore/deathcore, ils apportaient un nouveau public. Je suis trentenaire et parfois je me sens jeune dans un concert black/death meta(...)
01/05/2025, 19:06
Le nouveau line-up est top ! Mais le morceau ne me fait pas grimper au rideau... Finalement j'aime Suicidal quand c'est plus Metal que Punk, avec les solis magiques de Rocky George. Bref, je suis un nostalgique, et même si je serai intéressé pour revoir le groupe sur(...)
01/05/2025, 17:54
Qui écoute encore cet album en 2025? Groupe que je découvre que maintenant... Quel album ! Tourne en boucle
01/05/2025, 16:57
Bah c'est très moderne en effet et malheureusement, je ne sais pas si le public de ce style en core est très assidu aux festivals. Au-delà du fait que le niveau de popularité des groupes soit un ton en dessous par rapport au passé glorieux du festival. Mais(...)
01/05/2025, 09:15
Il y a vraiment un problème de la place de la culture dans notre société...
01/05/2025, 09:11