Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme (Lavoisier)
C’est en effet la citation la plus adaptée à la sortie du premier album de JUNON. Loin d’une génération spontanée, ce groupe est en fait la renaissance d’un autre gang plus ancien, mais bien connu des habitants de Béthune. JUNON est en effet le recyclage de GENERAL LEE, combo Hardcore, Post et Doom qui a eu le temps de publier quatre albums, histoire de se constituer un following compact et fidèle. Following qui à n’en point douter, va suivre les aventures de ses héros, malgré ce changement de baptême. Car sans aller jusqu’à dire que seule l’appellation a changé, autant souligner que les deux entités suivent des chemins parallèles.
Arnaud Palmowski (chant), Fabien Zwernemann (guitare/choeurs), Alexis Renaux (guitare), Martin Catoire (guitare), Florian Urbaniak (batterie) et Clément Decrock (basse/chœurs) donnent enfin suite à un premier EP paru en 2021, et qui donnait déjà de sérieux indices quant à la piste suivie. Celle d’un Post-Hardcore vraiment sombre, teigneux, écorché et viscéral, que les nostalgiques de la trilogie Souls at Zero/Enemy of the Sun/Through Silver in Blood de NEUROSIS devraient déguster jusqu’à la dernière goutte.
Enregistré, mixé et masterisé par Francis Caste au Studio Sainte-Marthe (HANGMAN’S CHAIR, REGARDE LES HOMMES TOMBER), pris en charge par le très recommandable label Source Atone, Dragging Bodies To The Fall dispose d’un son gigantesque, qui permet aux guitares de dessiner un énorme mur du son, dans la plus grande tradition d’un Hardcore joué de façon agressive mais aussi contemplative. Les six musiciens restent donc entre des balises de violence laissées libres sur la piste, alors que l’avion de la qualité décolle juste à côté d’eux. Le bruit est donc assourdissant, au moins autant qu’un album de CULT OF LUNA ou d’ISIS, ou même de nos anciens ZAPRUDER, et le voyage proposé tend parfois à se rapprocher des pérégrinations mondiales d’HYPNO5E, si Justin Broadrick prenait la tête de la randonnée.
La pochette d’un rouge sang donne le ton. A l’intérieur de ce monde claustrophobique, de la souffrance, mais aussi des sentiments vomis comme de la bile, des villes de solitude, un urbanisme glaçant, et un mort au petit matin qui n’a pas supporté la vague de froid. On se réchauffe comme on peut sous les néons blafards d’un tunnel flippant, et on se love au creux du béton pour se protéger des dangers nocturnes. Francis Caste a encore accompli un travail de titan pour offrir à JUNON l’enrobage que sa musique méritait, et si le tout est frappé du sceau du classicisme, il n’en demeure pas moins un formidable exutoire pour notre époque gangrénée par l’inconscience climatique, sociale et humaine.
On s’accroche donc au peu de lumière qui filtre par les murs lézardés, et qui éclaire faiblement des arpèges en son clair qui sont symptomatiques de cette approche mélancolie/puissance. Le sextet n’a pas joué les fiers à bras, et s’est contenté d’exprimer le plus sincèrement possible son ressenti, qui trouve parfois une plénitude inattendue lors d’un diptyque touché par la grâce (« Segue 1 - The Final Voyage » / « Segue 2 - Dragbody »).
L’alternance est donc reine, mais JUNON a relevé le défi du renouvèlement dans la continuité, capitalisant sur son passé illustre de GENERAL LEE, pour mieux affirmer sa nouvelle identité. Musicalement nerveux, pachydermique ou épileptique, Dragging Bodies To The Fall s’agite parfois avec une énergie folle, louchant vers le CONVERGE le plus agressif pour imposer un point de vue méchamment Core. On apprécie donc cette multiplicité de tons, qui passe en revue tout le spectre d’un Post-Hardcore intelligent et créatif, et on se laisse guider dans les bas-fonds par des guides qui connaissent le chemin comme leur poche.
Agencé à la perfection, ce premier long a de faux airs de concept album, et reste d’une logique imparable dans son cheminement. De titre en titre, de riff en riff, de cassure en break, JUNON tisse sa toile en forme de puzzle qui prend tout son sens au fur et à mesure que ses pièces sont placées. Et si l’entame est furieuse, si l’entre-deux est plus nuancé, le final en colère exhortée laisse les épaules cassées et le dos brisé. En profitant de trois guitares qui moulinent comme une usine pendant la guerre, le groupe superpose des textures, créé des strates de sons, et enrichit son vocabulaire tout en restant abordable par les néophytes. Mais les accros sauront mieux que quiconque repérer le talent incroyable de musiciens qui depuis des années font évoluer leur style au point d’avoir donné naissance à un genre qui leur est propre.
« Making Pease With Chaos » pourrait d’ailleurs être le leitmotiv de toute cette entreprise. Nos amis français ont en effet passé un pacte avec le chaos pour le domestiquer sans le castrer, mais sans non plus tomber dans l’épure bruitiste la plus elliptique. Ici, les mots sonnent, la rythmique tonne et les guitares bastonnent, et si l’épilogue « Halo Of Lies » affiche un timing de plus de treize minutes, sa coupure centrale et sa progression accordent un point final grandiloquent à cette nouvelle aventure.
JUNON fait donc honneur à son histoire chargée que les initiés connaissent par cœur. La mutation est donc réussie, et ce nouveau venu sur la scène a déjà des allures de patron. La bête est impressionnante, mais son cœur est aussi grand que ses ires.
Une façon comme une autre d’attaquer lorsque le moment est propice. Mais la blessure reste profonde, et risque de s’infecter.
Titres de l’album:
01. Segue 1 - The Final Voyage
02. Caught In Hypocrisy Loops
03. Out Of Suffering
04. The Day You Faded Away
05. Segue 2 - Dragbody
06. Dead Ends Lead To Somewhere
07. Another Bar To Your Cage
08. Making Pease With Chaos
09. Halo Of Lies
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