Pendant que dans l’underground des artistes/groupes nous inondent de sorties à un rythme effréné, d’autres se la jouent cool et easy timing en sortant du bois une fois tous les six/sept ans, voire plus. Les norvégiens festifs de THE CARBURETORS font partie de cette seconde catégorie, et nous donnent rendez-vous comme bon leur semble, sans se soucier d’un sentiment de manque évident.
Laughing In The Face Of Death rompait via Steamhammer/Spv neuf ans de silence, et aujourd’hui, Drinking from the Skulls of Our Enemies casse huit ans d’absence de façon tonitruante. Effets de manche, annonces sur les réseaux sociaux, et plateformes de diffusion qui balancent les watts sans même excuser l’impolitesse de cette disparition tenant plus de la mort clinique que de l’égarement en forêt. Est-ce parce que les norvégiens ont dû batailler ferme contre leurs ennemis pour revenir sur le devant de l’affiche ? Possible, mais en tout cas, ce comeback en mode « sortie du repos du guerrier » fait du bien, et donne la pêche.
A la manière d’un AC/DC ou d’un METALLICA, les CARBURETORS distillent leurs apparitions pour créer un effet de demande accentuée. Autant dire que leurs fans étaient sur des starting-blocks des mois avant la sortie de ce quatrième né, prêts à headbanguer sévère au son de ce fameux fast forward rock 'n' roll auquel le quintet norvégien tient tant. Et gageons qu’après avoir découvert cette nouvelle playlist, les afficionados sont rentrés dans leurs frais émotionnels sans attendre leur monnaie.
Eddie Guz (chant), Kai Kidd et Chris Marchand (guitares), King O’Men (basse) et Chris Nitro (batterie) n’ont absolument rien changé à une formule qui marche parfaitement. Leur cocktail revigorant sur fond d’effluves d’essence sent bon les fins de soirée dans les bars de bikers, et la sueur qui coule des aisselles après une ou deux heures de show nitroglicériné. Alors, on rempile pour onze nouveaux hymnes (plus une intro) qui pillent sans vergogne le répertoire de MOTORHEAD, d’AIRBOURNE, de D.A.D, des BACKYARD BABIES, des HELLACOPTERS, tout en y apportant une touche euphorique plus personnelle. Mais tout ça ne change rien à l’équation de départ :
Energie + mélodies + amplis à fond = joie de vivre et pâté de tête.
En parlant de tête, pas de prise de justement, et vogue la non-galère sur les eaux d’un Hard-Rock sévèrement burné, mais intelligent au moment de refuser de se maquiller. Si la musique proposée par ce nouvel album ne diffère pas de celle qu’on trouvait sur les œuvres précédentes, si les chœurs sont toujours enthousiastes et expressifs, et si le rythme insufflé tient plus du sprint en mode marathon que du tapage de pied tranquille, Drinking from the Skulls of Our Enemies décapite les adversaires, et boit leur fluide vital à même le crâne.
On se satisfait donc très bien de la brièveté de l’attaque, d’autant quelle est mortelle pour les réfractaires. A la manière des frangins Young ou de Lemmy qui recyclaient la même formule sur des dizaines d’années sans rien y changer, les norvégiens nous offrent une reconstitution de leurs fêtes d’antan en mode ravalement de façade. Pas de fioritures inutiles, un one-two-three-four inconscient des RAMONES ramené à la vie, et un seul objectif derrière le pare-brise : ailleurs, n’importe où, quelque part, mais avec du Rock n’Roll.
Alors, on laisse faire la magie une fois de plus, même si les tours sont connus et les colombes repues. L’art d’un travail simple mais bien fait, le don de Dieu qui refile des refrains irrésistibles durant les nuits d’insomnie, et une approche qui va bientôt accuser un siècle d’existence. Sans prendre ses fans pour des imbéciles incapables de faire la différence entre un inédit et un tube connu, les THE CARBURETORS n’en font pas trop, juste ce qu’il faut, entre l’attaque frontale « Hurricane », digne d’un SCORPIONS allégé de ses exigences commerciales, et un « Living on the Road » que les frères Binzer auraient pu populariser du temps de leur grandeur.
Quelques petites finesses qui passent comme une main aux fesses (l’intro synth-Pop du rageur « Ride on Trough the Night Time »), mais un bon kilo de tripes et de couilles pour faire passer la douloureuse, pas si élevée que ça finalement. En huit ans, le groupe n’a pas changé ni fait appel aux services de la chirurgie musicale esthétique, et continuent leur petit bonhomme de chemin en préparant le plan de bataille live à venir. Les titres ont tous été pensés pour fonctionner à plein rendement sur scène, et le cheptel va donner des fourmis dans les jambes des bergers.
On sait exactement ce qui va se passer, on peut anticiper les riffs avant même qu’ils n’aient bouclé leur thème, mais on aime ça, comme une oasis de franchise dans un désert de nostalgie. « Rock Until We Die » est évidemment la meilleure réponse adressée à des esthètes trop portés sur la sophistication et les questions existentielles, et si le mot « Rock » est aussi souvent employé que le grossier « motherfucker » par James Hetfield, si « The Way You Rock’n’ Roll » sonne comme l’hommage le plus sincère aux fifties ou aux eighties de Bryan Adams (celui de « Kids Wanna Rock »), Drinking from the Skulls of Our Enemies n’en est pas moins une sacrée cure de testostérone qu’on avale cul sec avant de s’enfiler une énième bière.
Mais le Rock est immortel n’est-il point ? Même décharné, même synthétisé, même transformé en gimmick, il reste notre raison de vivre, et pour cette raison de vivre justement, on excusera THE CARBURETORS de ne venir prendre un verre que trop rarement.
Titres de l’album :
01. Drinking from the Skulls of Our Enemies
02. Hurricane
03. Rock Until We Die
04. Remember My Name
05. Endless Nights
06. Tvelwe O’clock High
07. Running Wild
08. Shake It
09. Living on the Road
10. Ride on Trough the Night Time
11. Revenge
12. The Way You Rock’n’ Roll
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