Attiré par cette sublime pochette et par l’utilisation de la langue de Goethe dans un contexte de pur Heavy Metal, je me suis donc rué sur le deuxième album des allemands d’HEXENBRETT. Deux arguments qui en valent d’autres, mais qui m’ont permis de faire la connaissance de musiciens pour le moins étranges, et surtout, très individualistes dans leur démarche. Duo mixte formé par les anonymes Josto Feratu et Scarlettina Bolétt, HEXENBRETT est de ces créatures de la nuit qui peuplent un underground friand de bizarreries et autres fantaisies brutales. Et en termes d’étrangeté et de singularités, Dritte Beschwörung: Dem Teufel eine Tochter se pose là.
Six ans de carrière discographique, pour deux albums en longue-durée. Des albums qui sont d’ailleurs reliés les uns aux autres par un film conducteur. Le premier et plus court, Erste Beschwörung. Le second, plus ample, Zweite Beschwörung: Ein Kind zu töten. Et le troisième, fraiché du matin péché, Dritte Beschwörung: Dem Teufel eine Tochter. Mais qu’est-ce que tout cela veut bien dire ? De l’horreur gothique, des sacrifices d’enfants, et finalement, en 2024, dénicher une fille pour le diable. Thème déjà abordé au cinéma par Peter Sykes et Don Sharp dans le plutôt moyen To The Devil a Daughter, cette recherche de compagnie féminine (de préférence jeune et vierge) diabolique est donc le propos central d’une œuvre musicale bien plus riche que la description de son contenant.
Josto Feratu et Scarlettina Bolétt s’y entendent en effet comme personne pour combiner la noirceur occulte d’un proto-Black des années 80 et le caractère accrocheur d’un Heavy Metal de la même époque, à tendance Punk, mais d’une richesse indéniable. Très loin des clowns qui pensent qu’un riff unique est la clé de tous les mystères, les deux artistes truffent leurs compositions de trouvailles maison, mais aussi d’une multitude de plans qui s’imbriquent comme des légos tout noirs. Ainsi, « Marisa » incarne la quintessence de cette méthode de fertilisation de la nostalgie en bousculant la NWOBHM d’un coup de coude Heavy allemand, pour le plus grand plaisir des masses H’ardentes.
Doués techniquement, surdoués créativement, les deux musiciens continuent donc leur exploration des bas-fonds, à la recherche d’une pauvre innocente à unir au grand cornu. Qui doit d’ailleurs se frotter les parties de ce Blackened Heavy de tous les diables, donc le sien. On se prend de passion pour ces déambulations nocturnes, qui nous introduisent à des personnages hauts en noir et blanc, et toujours prêts à vendre leur âme pour un ou deux croissants.
Base Rock n’Fort, astuces Hard-Rock des seventies, beat plombé et simplissime à la DARKTHRONE, le cocktail a de quoi réveiller les morts, et rendre les vivants plus fondants. Dritte Beschwörung: Dem Teufel eine Tochter est un délice non roulé sous les aisselles, mais certainement vieilli en cave décrépie, qui une fois ingurgitée révèle ses saveurs compliquées. « Imhotep » alterne le piquant et le plutôt doux et avenant, mais ne trompe personne de son solo travaillé et de sa basse bien claquée. Ces gens-là dont des connaisseurs, et viennent de pondre l’album de fin d’année le plus trompeur. A la manière d’un Père Noël crado et dépenaillé qui transporte dans sa hotte les cadeaux les plus estimés, HEXENBRETT joue les hobos sans crédo, mais généreux dans la vilénie, et sincères dans le blasphème. Un blasphème finalement assez innocent, et qui partage quelques points communs avec le Quorthon en solo qui se laissait aller au binaire le plus chaud.
Et en plus, le duo a des ambitions. Vous me direz, tout le monde en a plus ou moins, mais celles-ci sont évidentes, et aussi surprenantes. Ainsi, le délié et développé « La Plese De La Nuit » a de vrais airs de bande-originale de film rital entre thriller et giallo, avec ce son si caractéristique des seventies, basse louvoyante en avant, écho sur la guitare, et progression lourde influencée par le Heavy Doom le plus caractéristique.
Embardées purement BM nordique, mélodies insérées au micron près pour ne pas dépasser, cette évolution est l’une des plus passionnantes de l’album, et scelle le destin de l’union entre HAUNT, IRON MAIDEN et DEATH SS. Comme vous le constatez, la blague n’en est pas une et se met à la hauteur de cette superbe pochette objet de tous les désirs.
Dans ce registre de vieux Heavy Metal rajeuni de quelques coups de pinceau bien sentis, Dritte Beschwörung: Dem Teufel eine Tochter survole les époques et les genres avec un flair incomparable, et cette voix sardonique qui te nique l’âme permet de suivre un fil rouge sang qui nous traîne dans les rues de Venise ou Rome sans ménagement. En bon giallo pour les oreilles, ce deuxième album se suit avec une attention particulière, grâce à ces arrangements sonores toujours à la bonne place. Comme ceux qui introduisent « Sette Gocce Rosse Su Velluto Verde » (sept gouttes rouges sur velours vert, ça rappelle quand même méchamment Quatre Mouche de Velours Gris, ou La Dame Rouge Tua Sept Fois), et qui découlent finalement sur des syncopes Fusion à la mode Rap-Metal, virage totalement incongru dans un contexte pareil.
HEXENBRETT signe donc une œuvre complète, délicatement désuète, mais réellement attachante. En ne conservant que les idées les plus porteuses, le duo accouche d’un film pour les oreilles, qui convoque aux agapes de la violence froide Dario Argento, Mario Bava, Armando Crispino, Alberto de Martino, certainement ravis de ce petit séjour en Allemagne.
Titres de l’album:
01. Um Mitternacht
02. Dem Teufel Eine Tochter
03. Marisa
04. Imhotep
05. Wozu die Angst?
06. La Plese De La Nuit
07. Leder im Nachtverkehr
08. Denn der Tod Lächelt Nicht
09. Sette Gocce Rosse Su Velluto Verde
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30