La pochette ne laisse guère planer de doutes. Ces deux balles et ce blanc souillé par un rouge sang nous renvoient évidemment au conflit qui détruit l’Ukraine depuis des années, et cette confrontation avec la Russie de Poutine qui ne compte ni baisser sa garde, ni renoncer à sa politique d’expansion. La réalité du pays est donc écrite en lettres capitales, et la musique des groupes nationaux est évidemment impactée par cette violence omniprésente. Il n’est donc guère étonnant que les JINJER adoptent une position très tranchée, eu égard à leur vécu intramuros.
Mais au-delà de la politique, JINJER est avant tout une force vive de la scène Groove/Metalcore depuis une bonne décennie. Avec des albums qui se sont succédé à bon rythme, le quatuor ukrainien s’est constitué une fanbase solide et en constante augmentation, ce qui est totalement mérité au regard du travail accompli. En 2025, le quatuor sait qu’il a une grosse carte à jouer, sa popularité n’ayant fait que croitre, et c‘est en quarante minutes que le groupe expédie les arguments et pose les jalons de sa nouvelle ligne directrice.
Comme avant, mais plus fort, plus gras, et plus efficace.
Mené de voix de fer par la versatile Tatiana Shmayluk, JINJER sort les pistolets, et prend son élan. Son adversaire ? Multiple, l’adversité, l’injustice, la violence, l’incompréhension et l’obscurantisme. Il convenait donc de s’entraîner à viser le cœur de la cible pour ne pas tomber le premier. Mais avec ces onze nouvelles compositions, le collectif signe ce qui sera certainement son album le plus concentré et équilibré, et donc, son meilleur. En toute subjectivité évidemment.
Je me suis d’ailleurs rendu compte que je n’avais jamais abordé leur cas. Sans doute rebuté par les éléments Djent et Metalcore, j’ai préféré botter en touche, avant de réaliser mon erreur. Car si les JINJER sont en effet des enfants de leur génération, ils n’en restent pas moins des musiciens extraordinaires et des interprètes hors pair. Et la brutalité qui se dégage de leurs morceaux est largement suffisante pour qu’on lui consacre quelques paragraphes.
Produit par le groupe lui-même et Max Morton, mixé et masterisé par Max Morton seul, Duél nous ramène à l’époque où les conflits personnels se réglaient au fer et au plomb, avec quelques mètres de recul. Duel, dualité, la thématique est donc évidente, et la multiplicité des émotions et ambiances de même. En se reposant sur la guitare puissante et bavarde de Roman Ibramkhalilov, Tatiana s’autorise toutes les nuances, passant de hurlements graves à des volutes mélodiques empruntes de douceur et de volupté. Polymorphe, la chanteuse est de plus en plus le point de focalisation d’un groupe dont l’instrumental badine entre force et écrasement, synthétisant des années d’adaptation pour un Metal moderne depuis passé dans les mœurs.
Car en plus de cette pertinence de composition, les ukrainiens s’avèrent techniciens fins et intelligents, taquinant une forme de Metalcore progressif tout à fait fascinant (« Green Serpent », magnifiquement clippé et single évident), sans perdre de vue l’objectif initial : exploser de rage et de haine, imposer un couvre-feu étrange et brumeux, pour mieux reprendre la marche à l’aube vers la liberté, et un ailleurs plus accueillant. Le quotidien de tous les pays en guerre.
La force de ce dernier album est de proposer autant de hits qu’il ne contient de chansons, sans que l’on soit gêné par une quelconque impression de « best-of » ou de disque en pilotage automatique se reposant sur des qualités préexistantes. JINJER parvient toujours à trouver un angle pour aborder ses chansons, et j’admets sans détour que « Kafka » parvient à retranscrire en musique la complexité de l’auteur austro-hongrois. Les mots de Tatiana se détachent sur un tapis de dissonances, l’instrumental refusant toute forme de musicalité pour imposer des riffs de biais et des à-coups rythmiques d’une violence rare.
Format Pop pour une démonstration de force crossover, Duél fait un état des lieux, et force l’admiration. Alors que nombre de groupes auraient cédé à la facilité pour contenter les fans sans chercher à se mettre en danger, JINJER adopte la démarche inverse, et se réinvente tout en respectant son ADN.
Agressif comme une intrusion, réaliste comme une désillusion, ce nouvel album est pétri de sentiments et de sensations qui lui confèrent une patine très humaine malgré son côté mécanique. Car même lorsque l’intensité atteint celle d’une fournaise industrielle (« Dark Bile »), ou la rage d’un Groove Metal aux racines Hardcore (« Fast Draw »), la sensibilité ne se cache jamais bien loin, prête à se montrer pour tamiser la brutalité.
Déjà enrobé de cinq clips, Duél ne traine pas, et suit son objectif avec une assurance rassurante. Les courants modernes se combinent, et la chaleur qui se dégage permet de tenir le coup dans le froid rigoriste d’une situation mondiale tétanisante. Les ukrainiens sont au fait des problématiques actuelles, mais souhaitent aussi se concentrer sur leurs propres traumas, via un « Someone’s Daughter » aussi introspectif que démonstratif.
Gigantesque travail étalé sur quatre ans, ce longue-durée est assurément l’un des grands moments de ce premier trimestre 2025. Un retour plus qu’en forme, une déclaration d‘intention, et une guerre menée contre la résignation et l’apathie. « Duel » fait donc parler la poudre, et permet à cette section rythmique (Eugene Abdukhanov - basse et Vlad Ulasevich - batterie) de turbiner comme une centrale électrique en surchauffe.
JINJER frappe un très grand coup, et certainement l’un des plus puissants de sa carrière. Très en phase avec l’humeur du moment, ce nouvel album est impitoyable, mais strié de fêlures, de blessures et autres affections qui imprègnent la perception. La dissonance des comportements trouve donc ici un écho artistique très pertinent.
Titres de l’album:
01. Tantrum
02. Hedonist
03. Rogue
04. Tumbleweed
05. Green Serpent
06. Kafka
07. Dark Bile
08. Fast Draw
09. Someone’s Daughter
10. A Tongue So Sly
11. Duel
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
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Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
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Un bouquin est sorti là-dessus, "The Tape Dealer" de Dima Andreyuk ( fanzine Tough Riffs)...
10/02/2025, 15:31
Toute ma jeunesse.Mais franchement, je ne regrette pas cette période : Le nombre d'heures "perdues" à remplir des K7s et faire les pochettes bordel... ... ...
10/02/2025, 10:16
Um som genuíno e nostálgico.Eu olho para Um poema morto, com grande carisma, com a esperança de que a boa e velha desgraça dos anos 90 ainda respire. Abstract Existence, talvez, seja o &(...)
09/02/2025, 11:22
Je milite pour le retour de la k7 et les lecteurs cd dans les voitures . spotify et compagnie
09/02/2025, 10:28