Dy'th Requiem For The Serpent Telepath

Esoctrilihum

21/05/2021

I, Voidhanger Records

Voilà un projet qui ne manque pas de culot. Pensez donc, non seulement cet album frise le maximum autorisé sur un CD, mais en sus, c’est déjà la sixième réalisation longue-durée de ses concepteurs en…quatre ans. Chaque année, ESOCTRILIHUM revient donc les bras chargés de morceaux, pour envahir notre quotidien morne et l’aiguiller sur des rails occultes…Mais plutôt que du pluriel, mieux vaut employer le singulier lorsqu’on parle de concepteur, puisqu’on ne trouve à la barre d’ESOCTRILIHUM qu’un seul membre, responsable non seulement de la composition et de l’écriture, mais aussi de l’instrumentation et de l’enregistrement. Chapeau bas donc à l’infatigable et énigmatique Asthâghul, qui depuis Mystic Echo from a Funeral Dimension poursuit sa route sans hésitation, mais l’imagination débordant d’images sombres, de mélodies glauques et d’orchestrations gigantesques. Un an à peine après le pavé Eternity of Shaog, le français remet donc le Necronomicon sur la table pour égrener ses litanies obscures, pour le sixième tome de ses aventures parallèles, et une fois encore, le musicien fait mouche malgré ses envies de grandeur et son absence totale de compromis.

Et dire que Dy'th Requiem For The Serpent Telepath est ambitieux est d’un lénifiant euphémisme. Avec ses soixante-quinze minutes et ses quatre mouvements décomposés en trois chapitres, cet album fait preuve d’une confiance aveugle, mais de moyens conséquents. Car il n’est pas question ici de Raw Black enregistré dans une cave sur un vieux quatre pistes pour amateurs de lo-fi puriste, mais bien de BM symphonique, peaufiné, sauvage, à l’éthique claire et aux développements conséquents. Toujours adepte de grandeur dans la décadence, Asthâghul parvient à combiner la sauvagerie du BM originel des années 90 et la démesure orchestrale de son pendant plus contemporain, pour nous entraîner dans une histoire fascinante. Doté d’une production passéiste qui nous ramène au meilleur de la Norvège d’il y a vingt-cinq ans, et d’une sublime pochette bleutée signée Dhomth, Dy'th Requiem For The Serpent Telepath ne laisse aucun répit, n’admet que peu de silences, et développe une argumentation aussi solide que démente. D’ailleurs, pour ne laisser aucune place au doute et permettre à la violence de s’imposer dès les premières secondes, « Ezkikur » se dispense d’intro et déboule sans crier gare. Un avertissement qui peut paraître anodin, mais qui en dit long sur le contenu de cet enregistrement, décidément hors-normes.

Il est très difficile de situer la démarche d’ESOCTRILIHUM en utilisant des comparaisons. Cette musique ne ressemble à aucune autre, effleure parfois l’audace des OPHTALAMIA, DEATHSPELL OMEGA, DIMMU BORGIR, ARCTURUS, mais reste collée à des principes personnels. Ainsi, l’équilibre entre les instruments est parfait, et si les sonorités synthétiques pourront parfois gêner les plus assoiffés de violence, la longue collection de riffs saura leur faire retrouver leur joie de vivre. Omniprésent sur cette réalisation, Asthâghul se charge donc des instruments classiques (guitare, basse, chant, batterie), mais aussi du violon, du piano et du synthé, ce qui le rapproche d’un Devin Townsend diabolique. D’ailleurs, cette façon d’empiler les couches est assez coutumière du canadien, qui pourrait, dans un élan de délire BM pondre une œuvre de cet acabit.

Le résultat est donc immédiat, et même si quelques idées se répercutent à intervalles réguliers, le tout est plus créatif que nombre de formations plus établies, plus fou aussi, mais aussi terriblement efficace, lorsque le compositeur accouple le violon avec un lick de guitare redondant (« Baahl Duthr », qui rappelle méchamment le BATHORY le plus impérial). En choisissant de ne pas choisir et de se montrer allusif à toutes les sous-tendances du genre, Asthâghul ose le Doom, le Heavy, le Thrash parfois lorsque les syncopes sont franches, et parvient à tenir le rythme sur plus d’une heure sans jamais nous lasser. Pourtant, l’exercice était difficile, spécialement dans ce créneau symphonique, mais les quatre mouvements étant différents les uns des autres, et servant un propos bien défini, on passe les soixante-quinze minutes à essayer d’anticiper la suite, ou à se laisser emporter au son d’un break plus lancinant que la moyenne, ou d’une accélération abrupte.

La voix, très rauque et hurlée permet de se raccrocher aux enseignements primaux du Black Metal, et si la basse est inaudible, complètement bouffée par les synthés, si la batterie est coincée dans les limbes du mix, si le chant est mis très en avant, rien ne nuit vraiment au confort d’écoute, qui se veut aussi soyeux que rugueux. Cette contradiction dans les termes rend la chose encore plus passionnante, surtout lorsque la tension monte dans les tours comme à l’occasion de « Eginbaal », petite perle cachée à mi-parcours.

Pour se montrer un peu chafouin et tatillon, on déplorera l’absence d’un titre vraiment progressif, qui du haut de ses dix ou douze minutes aurait pu nous emmener encore plus loin, mais avec un brulot ignoble de la trempe de « Dy’th », Asthâghul s’en sort avec plus que les honneurs, en montrant qu’il sait se montrer aussi catchy que torturé. Et comme en sus, il ose les intermèdes instrumentaux oniriques (« Craânag »), les crises de colère en violence majeure (« Xuiotg »), je ne peux me résoudre à pointer le moindre point faible valable à son œuvre, qui avec les années devient de plus en plus conséquente. Il est quand même terriblement hallucinant qu’un seul musicien soit capable, année après année de livrer des albums d’une telle qualité, comme si l’inspiration transpirait de ses pores. Alors, saluons le travail gigantesque encore une fois accompli par Asthâghul via ESOCTRILIHUM, et remercions par ailleurs I, Voidhanger de nous avoir offert une version physique à tirage très limité.  

  

                                                                                                                                                                                                   

Titres de l’album:

Part I – Serpentine Lamentations of Death

01. Ezkikur 06:28

02. Salhn

03. Tyurh

Part II – The Secret Doctrines of Transmigration

04. Baahl Duthr

05. Agakuh

06. Eginbaal

Part III – The Scarlet Flame of Transfiguration

07. Dy’th

08. Craânag

09. Zhaïc Daemon

Part IV – Methempsychosis of the Grand Telepath

10. Nominès Haàr

11. Xuiotg

12. Hjh’at


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par mortne2001 le 08/06/2021 à 15:59
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