Voici un nom que l’on a pas l’habitude de voir sur une pochette d’album, et pour cause, puisque d’ordinaire, il se retrouve au milieu de ceux de ses frères d’armes…Après quelques décennies d’une carrière bien remplie, le soldat du Rock a donc décidé de faire cavalier seul, en profitant d’une pause bien méritée de sa troupe, et de nous exposer ses vues sur le combat permanent qu’un musicien livre pour garder haut le flambeau N’Roll, même lorsque son unité décide de marquer le pas. Alors, Jesper BINZER, depuis le temps, on le connaît plutôt pas mal, très bien même dirais-je. On le connaît parce qu’il frontmane D.A.D depuis l’orée des années 80, lorsque ces trublions se livraient encore aux joies d’un Punk Country pas forcément exportable, mais très apprécié au niveau national…Et il aura suffi d’un LP un peu plus corsé et métallisé pour que la planète explose au son de guitares tranchantes et de ce chant si râpeux, caractéristiques d’un quatuor qui n’a jamais fait les choses comme tout le monde. Basse à deux cordes, casque à étincelles, mais surtout, une putain d’énergie de tous les diables qui a transformé des pamphlets comme No Fuel Left For The Pilgrims ou Riskin’ It All en démonstrations de fun outrancier, réunissant dans une même euphorie le Rock nordique et le binaire si cher aux australiens d’AC/DC…Jesper y a toujours insufflé toutes ses idées, allait-il lui en rester pour son premier jet sans ses frères dézingués ? Visiblement oui, et on le savait déjà, eut-égard aux quelques featurings que l’homme s’est accordé, dont une participation au « Headless Chicken » d’ELECTRIC GUITARS, le groupe de son acolyte Søren Andersen (Glenn HUGHES, Mike TRAMP, ARTILLERY), qui une fois encore, assiste son pote à la production…
Album en famille ? Oui, en quelque sorte, mais surtout, émotion à vif, puisque Jesper se livre comme jamais au travers d’un portrait qui ne cache rien de sa vraie nature, et de son amour pour une musique simple, mais authentique. Le chanteur/guitariste n’a jamais cherché à faire dans la retape ou l’épate, et ne dévie pas de sa route avec ce superbe Dying Is Easy, au titre qui fait quand même un peu frémir…Est-ce à dire que l’homme aurait des pensées un peu plus sombres que la moyenne ? Non, il souhaitait juste évacuer un trop plein de créativité, comme il l’affirme lui-même sans détour lors d’une présentation sommaire du projet…
« Débarquer au bout de tant d’années avec un album solo peut paraître bizarre, mais c’est quelque chose de très spontané, je n’y avais jamais vraiment pensé…Cet album, c’est moi, aujourd’hui, et maintenant. Mes émotions, que j’ai insufflé dans mon écriture, mes responsabilités, le pardon, le bonheur de la vie, mais aussi ses angoisses…Il fallait que j’évacue tout ça. »
Alors, expiation, journal intime, confession, délivrance ou quelque chose entre tout ça ? C’est un peu le cas, puisqu’on retrouve évidemment tout ce qu’on a toujours aimé chez ce musicien au talent inné, mais aussi des choses un peu plus intimes, personnelles, pour ne pas trop coller au parcours passé, et surtout, se démarquer sans se trahir. Et le résultat est à la hauteur du capital sympathie dont dispose le bonhomme, simple, authentique, mais ni simpliste ou trop pragmatique, juste trois-quarts d’heure de Rock, de Hard-Rock, des modulations, de l’émotion, et beaucoup de justesse dans le ton. Jesper BINZER a vieilli, et s’il est toujours quelque part cette tête brulée que nous avons toujours connue, la maturité l’a rapproché des rives de la modération, et surtout, de la pudeur qui lui fait accepter son image telle qu’elle est.
De là, inutile de vous attendre à un succédané de D.A.D un jour férié, même si les traces sont patentes sur certains titres…Mais avec Jasper au chant, à la guitare et à la composition, il n’eut pu en être autrement, sachez juste que ces traces sont très éparses et disparaissent souvent sous les pas d’un compositeur qui n’a pas hésité à jouer la carte de la nuance et de la distance…cette carte est dégainée à plusieurs reprises, notamment sur les morceaux les plus doux, à l’image de ce « The Bumpy Road », aux paroles nostalgiques et à la mélodie atypique, que les UGLY KID JOE auraient pu déguster il y a quelques années, et qui nous surprend de sa tendresse aux yeux embués. Et le simple fait que Jesper en atténue le velouté par une attaque soudaine chargée (« Tell Myself To Be Kind ») en dit beaucoup sur le processus qui l’a mené à tenter l’aventure isolée. L’homme veut se montrer sous un jour sincère, et y parvient avec un flair incroyable, signant là une œuvre à part entière, et non une simple récréation derrière la verrière. Certes, le single avant-coureur privilégie la sureté, et les accords méchamment plaqués, dans la grande tradition de son passé, mais en tant qu’éclaireur, « The Future Is Now » joue parfaitement son rôle d’hameçon solidement planté dans nos joues de fans pour de bon, et nous offre un tapis électrique efficace que D.A.D foulerait du pied en shootant dans les ballons. Son plutôt large mais aux proportions gardées, solo direct et bien contrôlé, Rock à fond les potards, pour une mise en jambe rassurante qui permet au chanteur d’assurer ses arrières.
Seulement, là n’est pas le propos principal de Dying Is Easy, même si « Dying Is Easy (Rock´N´Roll Is Hard) » s’y frotte encore et s’y pique, de son tempo marqué qui rappellera aux plus anciens le souvenir jamais effacé d’un « Sleeping My Day Away » que nul n’a oublié. Ces riffs écorchés, cette voix qui l’est toujours autant, et cette énergie, cet allant, qui défient les années et laissent Jesper jeune à jamais. Mais si le Rock vous incite à bouger, il peut aussi vous pousser à vous déhancher de façon plus chaloupée, sans pour autant trahir ses dogmes enracinés. Ainsi, « Rock On Rock On Rock » et son message d’apparence simpliste unit dans une même émotion D.A.D et les aînés d’AEROSMITH, pour un groove un peu pataud qui permet au chanteur de ne pas se réfugier dans le repos. Avec sa voix à fleur de peau, le vocaliste danois nous caresse dans le sens du poil, et nous charme de sa délicatesse virile, prouvant par la même occasion qu’il n’est pas qu’un simple beugleur de salon. Mais comment prendre un exemple en particulier lorsque tous les morceaux s’avèrent d’une telle qualité ? Car c’est bien cette homogénéité qui surprend, tant les efforts hors contexte ont souvent le défaut de se disperser. Ici, la concentration est poussée, et les hymnes s’enchaînent sans discontinuer, qu’ils se lovent au creux d’un feedback en delay (« Planet Blue », sublime blue-song aux arrangements soignés), ou qu’ils déclarent leur flamme à un Rock acoustico-électrique ludique, mais magnifique (« Saint Fantasia »). Les invectives que l’artiste s’envoie sont sans concession, et finalement, peut-être que l’amour est de saison, ce que semble nous suggérer « Real Love » de ses harmonies aux pastels passés en promenade dans le passé. Une basse gironde qui s’enroule sur vos épaules, des lignes vocales en clin d’œil BEATLES très appuyé, qui trouvent un écho presque immédiat au travers d’un « I See It In You » qui lui non plus n’hésite pas à montrer son cœur sans avoir peu d’être jugé pour sa slide très prononcée…
Mais comme sir BINZER l’assume lui-même, le « Wild Child » n’est jamais très loin, même si aujourd’hui, il semble plus près d’un Blues crépusculaire que d’un Rock contestataire…Alors, cette voix, cette putain de voix reconnaissable entre mille, comment lui résister lorsqu’elle vous agrippe les tripes pour ne plus les relâcher ? Mais on ne résiste pas au charme de cet album qui finalement, devient une réussite majeure dans un essai mineur. Et même après toutes ces années, même en pensant le connaître sur le bout des oreilles, Jesper nous surprend encore et nous charme jusqu’à la mort. Et s’il était finalement immortel, lui qui pense que la fin n’est pas si cruelle ? On aimerait bien non ? Mais je crois qu’il l’est déjà, enfin, presque. Et surtout humain. Et c’est ce qui importe le plus.
Titres de l'album:
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"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
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