Dysphoria

Black Void Cult

18/06/2020

Autoproduction

Une matinée placée sous le signe du Black Metal avec quelques variantes. Et après les froides cotes norvégiennes et l’approche puriste du genre, voici la chaleur du Mexique et ses ambitions progressives et avant-gardistes. Mais plus qu’avant-gardiste, cette musique se veut riche et plurielle, utilisant de nombreux éléments extérieurs pour enrichir ses textures et gonfler sa portée émotionnelle. Plus prosaïquement, le concept BLACK VOID CULT est né en 2017 à Mexico City, et cache en son sein trois musiciens aussi mystérieux que complémentaires. Nihblökk (composition, paroles, arrangements, chant clair et chœurs, guitare rythmique, programmation, synthés et piano), Fernando León (guitare lead, arrangements orchestraux) et Moctte Zumma (chant) nous proposent donc un voyage assez fascinant avec leur premier album, qui se pose en concept concentré sur toutes les formes de tristesse. C’est ainsi que chaque chanson propose une définition du terme dans une langue originale, ce qui tend à conférer à Dysphoria une aura mystique, que la musique renforce de son approche terriblement ouverte et grandiloquente.

Ce premier album a beau accuser une année d’existence, il n’en reste pas moins toujours aussi novateur et culotté. Passé complètement à côté de sa plaque en 2020, je l’ai donc découvert sur le tard, mais je me félicite de ce rattrapage qui m’a permis de faire connaissance avec un groupe aux ambitions affichées et au talent incontestable. Il est difficile d’établir des comparaisons entre ce premier jet et d’autres travaux antérieurs de groupes établis. Nous pourrions aborder de loin la vague BM symphonique des DIMMU BORGIR, ou la face française la plus martiale et grandiloquente des ANOREXIA NERVOSA, mais pourtant, BLACK VOID CULT échappe à toute allusion de sa curiosité permanente et de son désir d’imposer des mélodies dans un cadre qui échappe aux facilités du DSBM. La tristesse et la solitude sont donc traitées comme des concepts à part entière, et le trio ne rechigne pas à souligner la violence de ces sentiments qui isolent du reste du monde. C’est ainsi qu’entre deux plages étonnamment calmes et apaisantes, les trois musiciens se laissent aller à une bestialité typique des années 2000. Entre contemplation résignée et colère ouverte, l’album égrène ses thèmes avec une certitude qui fait plaisir à entendre, et les sections orchestrales, loin des gimmicks synthétiques parfois ridicules et grotesques enrichissent la brutalité ambiante de leur désespoir manifeste.       

Et dès le premier titre « Lítost » et son intro aquatique relaxante, on sent que le propos va être différent du tout-venant BM, même le plus aventureux. Le désir de la formation mexicaine n’est pas de s’illustrer par son incongruité ou par une recherche trop poussée de singularité, mais bien d’offrir au public un voyage aux confins du ressenti. Les titres sont donc redoutablement bien construits, et reposent sur un principe d’auto-thérapie, de celles qui permettent d’entrevoir le véritable sens des valeurs personnelles. La tristesse et la nostalgie transpirent donc des mélodies, tandis que le chant et la rythmique opposent une fin de non-recevoir en violence ouverte et explosive.

En intégrant les claviers avec une efficience redoutable, BLACK VOID CULT propose donc un mi-chemin entre le symphonique des nineties et le DSBM des années 2000, sans tomber dans les excès des deux optiques. Le décalage entre les riffs vraiment denses et les quelques notes de claviers éparses permet d’appréhender le concept avec un sens de l’à-propos très concis, et la musique ne tarde pas à convaincre de sa puissance. Avec seulement sept longs morceaux, le trio passe en revue toutes les composantes de son sujet, allant jusqu’à se frotter au Folk sur les quelques mesures de l’impressionnant « L'appel Du Vide » qui n’est pas sans rappeler quelques poulains de l’écurie des Acteurs de l’Ombre.                                

        

En utilisant les codes du Heavy Metal, de la musique classique et de l’extrême, le groupe fait mouche, et nous passionne de ses longues litanies enivrantes. Ce qui ne l’empêche guère d’avoir recours à des astuces plus terre à terre comme le démontre le très catchy « Weltschmerz », plus efficace et direct que les autres chapitres. L’ombre de CRADLE plane alors sur ce BM efficace et punchy, et permet au groupe d’éviter l’emphase trop prononcée ou le dramatisme forcé.

Comme ils l’affirment eux-mêmes, la tristesse dans une langue d’origine n’est pas forcément traduisible dans une autre. C’est aussi pour ça que chacune des pistes est traitée de façon individuelle pour bien retranscrire le sens des mots choisis, ce qui en dit long sur le soin apporté par Nihblökk à l’écriture et la composition. L’instrumental court mais délicat « тоска » offre une pause de piano et de cordes dans le déluge ambiant, avant que le torride et fielleux « Torschlusspanik » ne nous ramène sur la piste d’un BM plus formel et radical. Les blasts rentrent alors en jeu pour suggérer une brutalité de circonstance, avant qu’un lick mélodique et très CHILDREN OF BODOM ne nous rapproche d’une génération plus actuelle.

Et finalement, la musique proposée par Dysphoria s’éloigne de l’avant-gardisme pour reprendre lien avec l’originalité de compositions stables et plus formelles qu’elles n’en ont l’air. Ce qui n’enlève rien à la particularité de ce groupe qui rejette toutes les étiquettes, et qui tient à son identité, finalement dévoilée in extenso sur le long final « Kenopsia ». Le piano, l’atmosphère de tristesse, la colère qui découle de cette isolation prennent alors corps dans un ballet outrancier de créativité, achevant de transformer ce premier album en réussite absolue dans un genre qui ne peut supporter le manque d’investissement ou la timidité créative.  

BLACK VOID CULT ne sera donc pas forcément le groupe le plus original que vous pourrez écouter ces temps-ci, mais son premier album fait montre d’énormes qualités, et propose un concept complet. Une découverte de 2020 qui rendra 2021 plus intéressante qu’elle ne l’est jusqu’à présent.

                                                                                                                                                              

                                          

Titres de l’album:

01. Lítost

02. L'appel Du Vide

03. Weltschmerz

04. тоска

05. Torschlusspanik

06. Avenoir

07. Kenopsia


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par mortne2001 le 18/10/2021 à 18:28
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