Le froid, l’humidité et le brouillard. Je me plais à penser que le contexte est parfait pour une chronique matinale sombre et subtilement désespérée, d’autant que mes amis des Acteurs de l’Ombre ont pensé à moi en ce mois de janvier froid et morne. Ayant reçu hier par voie postale le premier album des français d’A/ORATOS, j’ai trouvé la coïncidence troublante, et me suis immédiatement plongé dans les affres de ce Black Metal d’obédience classique, faisant suite à un premier EP paru il y a déjà cinq ans.
A/ORATOS fait partie du versant immergé de l’iceberg BM français. Il est en quelque sorte le porte-drapeau de cette nouvelle génération décomplexée qui recycle les enseignements des grandes légendes nineties, sans les piller comme les fans old-school le font avec acharnement. Et comme nombre de ses confrères, le quatuor est lettré, s’intéresse à la mythologie - ou plutôt aux mythologies - pour proposer un travail de fond exemplaire, enrobé dans un instrumental rauque, dur, âpre et violent.
Aharon (chant), Wilhelm (guitare), Léo Dieleman (basse) et Romain Gudet (batterie) nous entraînent donc dans les abysses de la brutalité clinique, s’ancrant tout autant dans le traditionalisme que dans l’évolutionnisme, tout en rendant hommage à la scène française de ces vingt dernières années. Pas étonnant dès lors que le label de Gérald se soit montré très intéressé par ce disque unique, clair, précis, mais occulte et subtilement élitiste. Pas trop pour ne pas faire fuir les hordes, mais suffisamment pour prendre ses distances avec les obsessions guerrières et sataniques de la plèbe noire.
Ecclesia Gnostica est donc une œuvre fascinante, opposant le souvenir durable d’une bestialité chronique et les envies mélodiques de la scène suédoise. A/ORATOS (tiré du grec, et que l’on pourrait traduire par in/visible) propose une réflexion musicale sur les liens qui régissent les mondes du Visible et de l'Invisible, et s’offre une entrée en matière tonitruante et spontanée, tout à fait justifiée par une créativité qui le renvoie presque à un Black progressif fortement influencé par la légende de DISSECTION.
Les anciennes traditions ésotériques de l'Hermétisme, de la Kabbale et de la Gnose des premiers siècles sont donc les thèmes prisés par le quatuor fondé par Wilhelm, ce qui confère à cette réalisation une aura mystique pour le moins captivante. D’autant que la musique s’est adaptée au discours, avec ses nombreuses cassures et ses progressions riches, ses cordes acoustiques et ses à-coups rythmiques abrupts, nous prenant souvent par surprise de quelques chœurs grégoriens ou d’une insistance dissonante et répétitive.
Et si parfois, le genre se mord la queue en recyclant des idées déjà abondamment exposées, Ecclesia Gnostica se renouvèle sans cesse, et marque sa différence en utilisant un chant clair scandé, et des prises de contrôle épileptiques, pour mieux nous déstabiliser et nous empêcher de nous cramponner à la barre d’un garde-fou créatif.
La sensation, légèrement enivrante et troublante au départ, devient délicieuse et sujette à accoutumance passés les premiers titres. Les dérivations alambiquées, les accents mis sur l’emphase tragique, et les constantes références aux doctrines antiques forment un labyrinthe gnostique dans lequel l’âme humaine se perd sans vraiment avoir le choix. « Deuteros » est l’exemple parfait de cette approche, avec ses multiples thèmes, ses riffs prétextes qui relancent la machine, et ses arrangements opaques qui tissent une toile de nuit sans étoiles.
Prenant en compte tous les éléments du Black Metal moderne qui reste en lien avec ses influences, A/ORATOS déroule ses assonances, ses stridences, sa gravité, et profite d’un mixage et d’un mastering exemplaires, signés de la main de Frédéric Gervais au Sudio Henosis. Cette envie de grandeur, cette emphase mise sur les mélodies pour contrebalancer des crises de colère tonitruantes, ce chant qui sait parfaitement alterner entre les respirations glauques et les invectives rauques, le génie de Wilhelm qui sort de sa guitare des sons incroyables, font de ce premier album un monstre d’inspiration, que la nouvelle génération adoubera.
Et en regardant par la fenêtre le brouillard gagner du terrain, je me plais à penser que la musique du quatuor a sa petite influence sur les éléments. « Disciplina Arcani », et ses imbrications diaboliques donne le sentiment d’écouter une symphonie de poche, tant sa richesse dépasse le simple cadre d’un Black mélodique riche.
Diversité, versatilité, qualité constante, Ecclesia Gnostica refuse la linéarité de surface, et se gratte la tête pour trouver les chemins les plus escarpés. Entre théâtralité poussée et dramatisme croyant, A/ORATOS joue contre les règles et déjoue les attentes, pour mieux dessiner les contours de son monde unique, parfaitement décrit par l’étrange et obsédant « Ô Roi Des Eons ».
Autant dire les choses telles qu’elles sont, sans chercher à embellir la vérité. A/ORATOS est un ajout de poids à la collection déjà conséquente des Acteurs de l’Ombre. S’il a fallu un temps conséquent pour accoucher de ce premier album, chaque minute d’attente se justifie par la qualité incroyable de chaque mesure de chaque morceau, peaufiné sans perdre de sa spontanéité brutale.
Et à notre époque, gangrénée par la facilité et l’immédiateté, un album comme Ecclesia Gnostica est encore plus précieux, de son esthétique polie, et de son imagination fertile.
Le brouillard gagne encore des pouces de terre. La fenêtre de la pièce est opaque, et on ne devine même plus ce qui se cache à l’extérieur. Mais on le sait sans le voir. Un monde hideux, que l’on est pressé de voir agoniser dans un dernier cri incrédule.
Titres de l’album:
01. Le Hiérophante
02. Daath
03. Deuteros
04. Disciplina Arcani
05. Ô Roi Des Eons
06. De la Gnose Eternelle
07. Le Septième Sceau
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