Dirk Verbeuren est un poulpe et a un frère jumeau. Sinon, je ne vois pas comment il peut jouer de cette façon dans autant de groupes différents. En plus de jouer dans MEGADETH avec Megadave, l’homme s’est fendu cette année de percussions sur Purgatory de THE PROJECT HATE MCMXCIX, Vist de VETUR, Scarcity de BRAVE THE COLD, DSM-5 de BLOOD FROM THE SOUL avec Shane Embury, et aujourd’hui, on le retrouve derrière le kit de la légende CADAVER, pour un comeback de la créature que plus personne n’osait espérer. A ce niveau-là, on ne parle même plus de mercenaire de la double grosse caisse, mais bien d’un hyperactif qui ne peut supporter de rester inactif et de ne pas voir son nom dans les crédits des meilleurs albums de l’année. Il faut dire que le jeu du belge se prête à tous les styles, lui qui est capable de passer du Heavy Thrash pur jus au Grind le plus repu, et sa présence sur ce quatrième album de la légende norvégienne apporte une gigantesque plus-value au projet, un peu comme quand Dave Lombardo s’était retrouvé sur le tabouret des SUICIDAL TENDENCIES ou de TESTAMENT. Après, CADAVER, on connaît ou on ne connaît pas, puisque la naissance du groupe ne remonte pas à hier, mais ses faits d’armes sont suffisamment explicites pour qu’on ait au moins lu son nom quelque part. A la base un groupe de jeunes norvégiens désirant exposer leur point de vue Death Metal à la fin des années 80, avec une série de quatre démos consécutives en deux ans, avant de partager des faces avec les cultissimes CARNAGE sur l’historique split Dark Recollections / Hallucinating Anxiety.
Départ en fanfare, suivi deux ans après d’une accélération phénoménale via le second LP ...in Pains, avant que le combo ne se mette en hibernation pour revenir entre 1999 et 2001 sous le sobriquet de CADAVER INC, et qu’il ne change de direction en 2004 pour un LP teinté d’Indus, le joyeux Necrosis que les fans ont toujours considéré comme une tentative heureuse. Seulement, depuis, pas grand-chose voire rien du tout, et l’ami Anders Odden commençait à méchamment nous manquer. Mais une rencontre changea la donne, et c’est encore Anders qui en parle le mieux :
« J'ai rencontré Dirk Verbeuren lors du festival 70000 Tons Of Metal en 2014. Il remplaçait Frost dans SATYRICON et nous avons fait deux concerts ensemble. Il s'est avéré que Dirk était un grand fan de CADAVER et à l'époque, j'avais plusieurs titres en préparation pour ce que je pensais être un album solo. L'idée d'intégrer tout cela dans la troisième version de CADAVER est née et nous avons commencé à partager nos idées. Nous avions environ dix chansons au moment où Dirk était en tournée en Europe avec MEGADETH en 2016. Ils ont joué dans mon quartier et nous avons passé l'après-midi à jammer. CADAVER renaissant. J'ai commencé à accumuler des idées pour de nouveaux morceaux et le temps a passé. Je voulais vraiment que ça sonne comme CADAVER et que ce soit moderne, mais intemporel. La musique est vraiment du Death Metal selon nos points de vue. J'ai ma propre façon d'écrire des riffs et lui a sa propre façon de les exprimer à la batterie qui lui convient et qui sonne bien. »
Visiblement, les deux hommes étaient faits pour s’entendre, et leur complicité devient évidente au fur et à mesure des morceaux proposés par Edder & Bile. L’album, loin de jouer la modernité retrouve le style brut dont CADAVER s’était fait le chantre à l’orée de sa carrière, refuse toute sophistication, même au niveau de cette production qui fait sonner la batterie de Dirk comme celle de Lars Ulrich en répète. En ces sillons, la sophistication n’a pas droit de cité, et les morceaux sonnent aussi brut qu’une poussée d’acné d’adolescents découvrant les joies du Death floridien à la fin des années 80. Les riffs composés par Anders sont toujours aussi primitifs, et sa voix sonne inaltérée par le temps, ce qui confère à ce quatrième album un parfum nostalgique délicieux, quoique très loin des fragrances factices des groupes old-school. Mais après tout, Andres a vécu l’histoire en temps et en heure, alors il n’est pas étonnant que sa vision des choses soit légèrement différente de la mode. Et dès « Morgue Ritual » et ses dégueulis de zombies pas content d’avoir raté l’heure du dîner, le décor est planté, et Dirk blaste comme un malade pour se mettre au diapason. C’est violent comme du DEICIDE, méchant comme du REPULSION, légèrement Grind/Death sur les bords, mais éminemment jouissif pour tous les rétrogrades qui pensent encore que le Death, c’était mieux avant. Et en compagnie de CADAVER, comment penser autrement ? Anders n’a rien perdu de sa passion, et la solidité de Dirk à la batterie lui permet d’explorer ses idées les plus nauséabondes, et nous ramener au temps béni et putride d’Hallucinating Anxiety.
Outre les tentacules de Dirk à la batterie, Anders s’est assuré de la participation d’autres légendes à son nouvel album, et nous retrouvons dans les chœurs Kam Lee (MASSACRE) et Jeff Becerra (POSSESSED), ce qui ne fait qu’ajouter à l’aura de cette œuvre sans concession, qui permet de lier le CARCASS le plus répugnant au Death à la mode scandinave des années 90. Tout ici est brutal, court, percutant mais aussi catchy, puisque Anders sait comment attirer les victimes dans son filet. En profitant de cette production qui pourrait être d’époque, le guitariste/bassiste/chanteur s’éclate comme un pervers face à un entraînement de cheerleaders, et se lâche totalement, laissant le beau Dirk faire valdinguer ses baguettes avant de les calmer à l’occasion de breaks écrasants en empestant les égouts du temps (« Circle Of Morbidity »).
Et si Jeff Beccera vient égayer « Circle Of Morbidity », c’est le gros Kam Lee qu’on retrouve sur « Feed The Pigs » de son timbre de goret, trop heureux de partager le micro pour un hymne à la débauche. Mais même sans ces invités de marque, Edder & Bile fonctionne à plein régime, et rappelle l’odeur d’un cadavre trouvé dans un champ qui vous a marqué à vie. Concentré sur les désillusions de la vie et la façon dont l’âge érode les rares illusions, Edder & Bile lâche ses tripes et sa bile de la même façon qu’Anders exprime son dégoût, et avec à peine trente minutes de barouf, ce nouveau témoignage se place de fait dans les réussites charcutières d’une année pourtant chargée en exactions bouchères. Sans réfléchir, en se laissant aller, CADAVER signe-là l’un de ses meilleurs albums, ressuscite le fantôme du Death violent et paillard (« The Pestilence »), compose ses hymnes les plus cruels (« Edder & Bile »), et achève notre dernier doute d’une balle en pleine tête. Un psychopathe pionnier et un poulpe infatigable et admiratif sont dans la même pièce. Le psychopathe lâche un gros riff qui empeste. Que fait le poulpe ? Il blaste. From the past évidemment.
Titres de l’album:
01. Morgue Ritual
02. Circle Of Morbidity
03. Feed The Pigs
04. Final Fight
05. Deathmachine
06. Reborn
07. The Pestilence
08. Edder & Bile
09. Years Of Nothing
10. Let Me Burn
Un des albums de l'année, pétri de fulgurances et de titres jouissifs. Comme le EP qui l'a précèdé d'ailleurs. L'influ Carcass (periode Necriticism) est palpable. Grosse baffe.
Pour moi aucune influence, juste du pur Cadaver avec un son plus modern et plus brutal. Excekkent
excellent pardon
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