Si vous lisez mes chroniques, vous le savez. Dès que le nom de Portland est prononcé, j’ai les tympans qui frétillent, le marteau et l’enclume qui se cognent comme des poids lourds. Le regard qui passe de torve à lascif. J’aime cette ville pour ce qu’elle représente, et j’aime cette ville pour ses musiciens qui n’ont ni foi, ni loi, hors du chaos et du dérangement mental. Alors, en apprenant que les locaux d’ASEITAS sortaient leur troisième album, j’ai bondi sur mon clavier pour aller traquer la bête sur la toile, justement disponible en chair et en os sur le Bandcamp du groupe. Et si la réalité des faits est différente aujourd’hui, l’effet produit par le barouf inextricable de ces quatre terroristes sonores est toujours aussi intense.
Pour ceux n’ayant jamais entendu parler de ce quatuor, ASEITAS se concentre sur un Death Metal hautement dissonant, brutal, progressif et viscéral. En sept ans de carrière, il a proposé pas moins de deux longue-durée, qui se voient aujourd’hui complété d’un benjamin, beaucoup plus fluet de proportions, mais tout aussi étrange et dangereux dans les options.
Aseitas (2018), False Peace (2020) étaient de sacrés coups de semonce. Dans un registre de chaos organisé et agencé en idées techniques et vicieuses, ces deux albums ont placé le nom du groupe sur la carte américaine de la violence. Nous n’avions donc aucune inquiétude au moment d’aborder la suite des évènements, qui devient en ce mois de mai très concrète. Cinq nouveaux morceaux, conséquents, chauds, biscornus et à l’ambiance moite. Première différence de taille, comme je le signalais, la durée qui se voit réduite d’au moins une bonne moitié. Alors que les deux efforts précédents taquinaient ou dépassaient l’heure de jeu, Eden Trough s’arrête pile sous la barre de la demi-heure, ce qui est pour le moins inhabituel. Mais en faisant fi de cette économie de restitution, il est tout à fait possible d’appréhender ce troisième virage comme le tournant crucial d’une carrière très prometteuse.
Zack Rodrigues (batterie), Gage Dean (guitare/chant), Nathan Nielson (chant) et Travis Forencich (guitare) nous embourbent encore dans la boue de Portland, en confrontant leur Death Metal à l’esprit Hardcore et dépravé de leur cité. Loin de toute formule de politesse, Eden Trough prend un malin plaisir à mélanger les odeurs nauséabondes de DILLINGER ESCAPE PLAN, SUFFOCATION, DEATH, NAILS et même PRIMITIVE MAN pourquoi pas, en nous offrant une relecture des canons bruitistes couchée sur partition.
Les individualités sont toujours notables, et malgré ce cadre restreint, Eden Trough procure son lot de sensations fortes. Avec un découpage plutôt culotté, ce nouvel exercice de style oppose une première moitié franche et directe, avec trois morceaux plutôt courts, à une seconde développée au-delà du raisonnable, et deux tranches de Death bien frappé de près d’une vingtaine de minutes à elles deux.
C’est un choix culotté, mais qui évidemment fonctionne à merveille. Basé sur le principe d’un instrumental inattaquable et cérébral autant que bestial, sur lequel vient se greffer un chant vraiment pas content, Eden Trough se laisse aller à des poussées de fièvre hémorragique, soudainement calmées par une thérapie en son clair qui n’est pas sans évoquer la scène Progressive extrême des années 90, entre ATHEIST et ARCTURUS. EN point d’orgue, « Tiamat » et ses dix minutes bien tassées, qui passe en revue toutes les qualités d’un groupe toujours aussi précis dans l’agression. Une grosse basse en noire insistantes ou en croche roulantes, deux guitares qui aiment autant la dissonance que moi l’indécence, et des harmonies qui planent tels des spectres enfermés dans un château fermé à clef.
La recette même d’un Death progressif, envoutant, délicatement discordant, mais réellement impressionnant.
Il est de notoriété publique que l’étape du troisième long est la plus difficile à passer. Réussie, elle vous catapulte dans la cour des grands. Foirée, elle vous entraîne dans les abysses. Entre les deux, elle agit comme un statu quo parfois inconfortable, qui vous oblige ensuite à vous surpasser. Alors, dire qu’ASEITAS a passé l’examen avec brio est d’une lénifiante évidence. Il est même allé encore plus loin qu’on ne l’espérait, en acceptant d’être perméable au Jazz, à la pureté hispanique d’une guitare classique, le tout recouvert d’une épaisse sauce de violence pour colmater les éventuelles brèches.
Eden Trough fait partie de cette catégorie d’albums que l’on redécouvre à chaque écoute. Il contient tellement d’informations, il se pare de tellement de détails imperceptibles qu’on le lit sur plusieurs niveau, la brutalité de première couche n’étant qu’une composante parmi tant d’autres. A la manière d’un PESTILENCE délocalisé des Pays-Bas à Portland, ou d’un MORBID ANGEL croisant le fer avec GOROD, ASEITAS franchit toutes les frontières avec ou sans passeport, pour nous présenter un dépliant commercial exotique, avec mers polluées, arbres coupés, et béton envahissant les cités.
« Alabaster Bones », en résumant toutes les options, nous laisse sur notre faim. Mais le groupe a choisi de frapper fort et vite, ce qui confère à cette œuvre un parfum d’immédiateté dans la bestialité qui enivre. Batteur en roue libre et adepte des syncopes et contretemps, guitares qui conchient les riffs classiques, basse qui gronde et chant qui se la joue ronde, la balance est parfaitement équilibrée, et les sens stimulés.
Portland, plus qu’un nom, une légende, un mythe, une impasse. La ville de tous les excès. Je viendrai te voir un de ces jours où l’envie l’emporte sur la raison. Juste pour me rendre compte par moi-même du nombre de musiciens torturés et désaxés que tu caches dans tes immeubles fatigués.
Titres de l’album :
01. Break the Neck of Every Beautiful Thing
02. Libertine Captor
03. Null Adam/Null Eve
04. Tiamat
05. Alabaster Bones
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