Diantre, mais ce groupe a totalement raison ! En quelques mesures, mon cerveau est devenu un membre turgescent dans lequel le sang afflue en vagues d’excitation incontrôlable. Il faut dire que l’instrumental qui sert de préliminaire a de quoi déclencher des crises de priapisme cérébral manifestes, entre charge rude et lubrifiant mental qu’on étale sur les neurones pour mieux faire passer la pilule de la brutalité. Mais les BLOODY EXITATION ne sont pas vraiment des bleus dans ce genre d’opération. Leur naissance ayant résulté de la fusion de deux autres orchestres (AGGRESSIVE CONDITION et DEADLY DISTORTION) ne date pas d’hier, et El Fin Justifica Los Miedos n’est pas non plus leur premier méfait.
Cette horde de chiliens passablement excités tente donc de nous expliquer que la fin justifie les moyens. Voilà un adage parfaitement adapté à notre société en plein tumulte, et qui résonne d’un écho rance d’extrême-droite dominant les débats au grand dégoût de tous les gens raisonnables. Il fallait enrober ce message dans une couche de saine colère instrumentale, et c’est exactement ce que le quintet a fait, donnant suite au déjà intéressant Road to Nowhere distribué en 2016.
Matias "Raziel" Uarac (basse), Rodrigo "Necro-Maggot" Aguayo (guitare) et Cesar "Alchemist" Pradenas (chant), les trois membres d’origine secondés par la guitare de Víctor Munizaga et la batterie de Sebastián Vargas depuis 2013 n’ont donc pas encore l’intention de se ranger des voitures brûlées, et comptent bien peser dans la balance au moment de payer la facture Thrash de ces dix dernières années. Un Thrash évidemment bouillant, tirant parfois vers un Death Metal moderne et un Groove des années 90, largement de quoi headbanguer tranquille pendant que tonton Albert essaie de faire tomber les quilles.
Sans aller taquiner le strike, autant dire que BLOODY EXITATION a un lancer de boule fluide et avec un léger effet. Sur une trame de gestuelle classique se cachent quelques combinaisons fines, et lors de l’impact, le choc est rude, mais très bien encaissé. C’est ce qu’on réalise lorsqu’on entend la déflagration énorme de « N.O.M. » et « Cuna de Herejes », duo fatal pour Thrash tout sauf amical. En mixant des influences sud et nord-américaines, le combo donne dans le costaud, avec en point de mire un batteur qui ne s’en laisse pas dire. Sebastián Vargas a parfois de faux airs de fils illégitime de Chris Kontos et Tom Hunting, compliment tout sauf gratuit au regard d’une frappe inventive, solide et déhanchée.
Et comme le lascar est soutenu par les graves chauds et ronds de Matias "Raziel" Uarac, le reste du groupe n’a plus qu’à se laisser aller à une violence d’été, celle qui tanne le cuir et qui rend la peau rouge. Dans un registre traditionnel, mais légèrement réactualisé, ce deuxième album est solide de bout en bout, et réserve quelques surprises syncopées, comme « Marichiweu », qui permet à Vargas de taquiner le style de notre cher Igorr Cavalera.
Mais outre ce cogneur à la main lourde mais leste, on mettra aussi en lumière les soli d’un guitariste qui n’a pas les mélodies ou la fougue dans sa poche. Rodrigo "Necro-Maggot" Aguayo brille donc de mille notes, et trouve toujours la plus juste pour mettre en valeur le morceau qu’il joue. Beaucoup de talent individuel donc, et une cohérence collective qui fait plaisir à entendre, pour un Thrash qui n’est ni Néo ni old-school. Une sorte d’entre-deux, quelque part entre les années 90 et la fusion Europe/USA 2010, pour une rage palpable, et une colère qui ne fait pas semblant de te fumer.
A l’aise dans tous les secteurs de jeu, BLOODY EXITATION se permet donc des finesses qui sont autant de bouffées d’air frais. Le break malin de « Prueba de Fe » est une réserve d’oxygène non négligeable après avoir gardé la tête sous l’eau, et les allants harmoniques du quintet nous transportent dans la galaxie du Thrash joué Metal, mais qui tient fermement à sa bestialité calibrée.
Autrement dit, El Fin Justifica Los Miedos est loin d’être la simple somme de ses influences. Même si certaines ont été nommées dans cette chronique, elles sont loin de couvrir tout le terrain, les chiliens prenant un malin plaisir à varier les approches pour de temps à autres se lâcher sur un brûlot (« Lucrarán »). Un son très honnête pour une autoproduction, des montées en puissance qui donnent le vertige (« Trabajo Sucio » avec encore ces fills à la caisse claire de Sebastián qui montrent à quel point ce cher Dave Lombardo a compté pour lui), une fin d’album assez franche et massive, mais un dernier chapitre étonnant.
« Outro », comme son nom l’indique vient refermer la porte, mais en prenant son temps et en ménageant son petit effet. Trois minutes de guitare acoustique fragile et mélancolique, avant un long silence, jusqu’à ce final lancé par quelques harmoniques naturelles et un nouveau voyage au sud de l’Amérique sur un tapis de cordes délicat.
BLOODY EXITATION propose donc le meilleur des deux mondes, entre bousculade musclée et arguments posés, et signe un deuxième album qui excuse presque ce long hiatus.
Titres de l’album :
01. Nitro
02. N.O.M.
03. Cuna de Herejes
04. Marichiweu
05. Prueba de Fe
06. Lucrarán
07. Trabajo Sucio
08. Hacia Dónde?
09. Contraintuitivo
10. Outro
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